La FCPE va définir son projet associatif pour une autre École
Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 23 septembre 2019.
En finir avec les réglements d'établissements "illégaux", promouvoir la co-éducation avec les parents, jugés "incontournables", en les invitant notamment à développer des projets pour l'École, et bâtir avec eux, comme avec des experts de l'éducation, un nouveau projet associatif pour "faire évoluer l'école" : ce sont les objectifs que se donne l'équipe nationale de la FCPE à cette rentrée. Celle-ci est venue à Toulouse, vendredi 20 septembre 2019, présenter son bilan de la rentrée, ses positionnements par rapport aux réformes en cours et à venir, et a annoncé le lancement de ce travail sur son nouveau projet associatif alors que le dernier adopté par la fédération date de 2011. La venue à Toulouse de l'équipe nationale n'est pas un hasard, puisqu'elle coïncidait avec la toute première fête des parents organisée par la fédération à Escalquens, dans l'agglomération toulousaine, à l'initiative de la section départementale de Haute-Garonne. Une fête voulue pour "célébrer les parents alors qu'ils ne le sont jamais dans l'école", a expliqué la présidente de la FCPE 31, Muriel Paletou, mais aussi pour échanger les visions sur l'école et partager "un moment de convivialité, de fraternité, de solidarité", dimensions importantes qui constituent "une clé d'entrée dans l'école", importante pour mobiliser, dès le primaire, des parents bénévoles.
C'est en effet l'une des annonces principales qu'ont faite les représentants de la FCPE à l'occasion de cette conférence de rentrée : le lancement d'une consultation, mais pas seulement, pour élaborer le nouveau projet de la FCPE. L'élaboration de ce projet, baptisé "l'autre école", s'appuiera sur la consultation d'experts, comme ceux du conseil scientifique de la FCPE, mais aussi sur la parole des parents. À ce titre, la FCPE dit avoir déjà auditionné Philippe Meirieu et commencé le recueil de l'avis de parents à l'occasion de cette première fête des parents, sur un stand mais aussi au travers d'un atelier d'échange.
Derrière les 150 millions d'euros qui iront aux maternelles du privé, "des symboliques"
La construction du projet est indispensable, selon la FCPE, pour proposer une autre vision de l'école alors que l'actuel ministère "est en train de mettre en œuvre l'école de la détection, comme au foot", commente Rodrigo Arenas, le co-président de la fédération nationale. La FCPE dénonce par ailleurs "une cadence infernale" concernant les réformes pilotées par le ministère, réformes, comme celles du lycée général et du lycée professionnel, qui ont été, disent-ils, travaillées sans eux, "parents comme enseignants". "Résultat", souligne de son côté la co-présidente de la FCPE, Carla Dugault, "il y a un manque d'adhésion des acteurs éducatifs et beaucoup de dysfonctionnements". Les représentants de la FCPE citent à ce titre des enfants qui ne sont pas encore affectés dans des lycées, des effectifs "saturés" en collèges et lycées, des manques d'AESH, des enseignements de spécialité pour lesquels pour l'instant il n'y a pas d'enseignants - c'est le cas, disent-il en Haute-Garonne pour la spécialité développement durable - des maternelles "surchargées"...
Sur ce dernier point, la question de l'instruction obligatoire à 3 ans a fait l'objet de deux autres critiques importantes : la mesure pénalise d'abord la scolarisation des 2,5 ans, notamment dans les réseaux d'éducation prioritaire, par manque de places dans les écoles, et impose ensuite aux collectivités un fléchage de 150 millions d'euros vers les écoles maternelles du privé. "Contrairement à ce que l'on nous a dit, ce n'est pas 'peanuts' !", commente encore Rodrigo Arenas. "Derrière ces 150 millions, il y a des symboliques. Il y a une véritable rupture idéologique. C'est le public qui a le devoir de scolarisation et qui doit donc avoir la priorité. Ensuite, s'il reste de l'argent, on pourra discuter. Nous sommes scandalisés, offusqués, car nous savons que des moyens sont nécessaires dans les écoles publiques. D'un côté, on nous dit 'il n'y a pas de moyens', et de l'autre on rajoute une charge sur les collectivités !" Pour eux, c'est moins de moyens à investir dans le bâti scolaire, pour adapter, par exemple, les bâtiments à des épisodes de canicule comme celle qui a eu lieu en fin d'année, moins de moyens alors qu'il faut des enseignants alors que beaucoup de classes de lycées se retrouvent avec des effectifs de 36 élèves...
Stop aux réglements d'établissements illégaux
Dénoncer les réglements "illégaux", et pour ce faire travailler à faire mieux connaître les textes qui les encadrent pour en finir avec eux, est une autre des priorités que se fixe la FCPE à cette rentrée. À ce titre, le co-président cite l'exemple de la jeune élève de 4e menacée d'être exclue à cette rentrée dans son collège, en Indre-et-Loire, au motif qu'elle avait une mèche bleue. La situation s'est ensuite réglée autour d'un "consensus", explique le co-président : "qu'elle s'attache les cheveux pour camoufler la mèche bleue, en attendant que la couleur s'estompe". Une situation que regrette le co-président, car elle montre "que tout le monde, y compris les parents, trouve normal d'appliquer des réglements illégaux".
Les représentants de la FCPE n'ont pas été avares pour donner d'autres exemples de règles décidées pour des élèves "qu'aucun adulte n'accepterait, ne supporterait dans son travail" : ne pas accepter qu'ils aillent aux toilettes quand ils en ont envie, pour les jeunes filles, lorsqu'elles ont leurs menstruations, être obligées d'attendre la récréation pour aller se changer, des pauses méridiennes parfois d'une demi-heure pour des lycéens qui n'ont pas le temps d'aller manger compte tenu de l'attente au restaurant scolaire... "Les adultes doivent arrêter de concevoir une école qui ne respecte pas les enfants", insiste le co-président. "Quel message envoyons-nous à nos enfants ? Les règles qui doivent régir les réglements d'établissements doivent être dans la légalité. Et la question de la transgression à la loi se pose dès l'enfance." En Haute-Garonne, la section locale prévoit d'ailleurs de travailler sur un document qui permettra aux représentants des parents d'élèves d'identifier ce qui est légal de ce qui ne l'est pas, afin que les réglements soient bien écrits.
Promouvoir une véritable co-éducation dans l'école avec les parents
La fédération souhaite aussi promouvoir davantage la co-éducation en faisant des parents des personnes "indispensables, incontournables". Il s'agit là de permettre aux parents "de venir en appui aux établissements" et surtout de les encourager à développer des projets pour l'école avec des associations d'éducation populaire, comme les FRANCAS et les PEP (Pupilles de l'enseignement public). Cela doit passer par de la formation au montage et à l'animation de projets mais aussi, souligne la présidente de la FCPE 31, par un changement de posture à l'école. Ainsi, plutôt que d'abonder les caisses de l'école avec la fabrication de gâteaux que les parents se rachètent à eux-mêmes lors des fêtes, celle-ci juge plus judicieux de garder cet argent pour que les sections soient "maîtres des projets" qu'elles souhaitent monter. C'est de cette manière, estime-t-elle, que ces derniers seront vraiment dans la co-éducation.
Enfin, la FCPE souhaite lancer une mobilisation pour promouvoir la cantine gratuite pour tous les enfants, indépendamment de leurs territoires, des revenus des parents et des choix faits par les collectivités. Une orientation forte, explique Rodrigo Arenas, parce que le repas est un moment de partage - "en France, on vit autour d'un repas" - et parce que "l'école est gratuite, donc la cantine aussi, car elle fait partie de l'école".
Camille Pons