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Gouvernance du premier degré et rapprochement école - collège : vers une nécessaire redéfinition des organes de pilotage et des missions des différents acteurs ? (IGEN, IGAENR)

Paru dans Scolaire le mercredi 21 août 2019.

Alors qu'ils avaient été remis respectivement au ministre de l'Éducation nationale en septembre 2018 et mai 2019, deux rapports, réalisés conjointement par l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) et l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), viennent d'être mis en ligne, ce mois d'août 2019, sur le site du ministère. Leurs observations concernent, d'une part, les compétences élargies confiées aux recteurs en matière de gouvernance académique, et, d'autre part, l'effectivité et l'efficience de l'application des mesures de rapprochement école - collège introduites depuis 2011 (renforcement de la liaison école - collège par l'instauration d'un cycle 3 et la mise en place de conseil école - collège, expérimentations d'écoles du socle), sont assez sévères : sous-pilotage du système du premier degré, actions de liaison et de continuité pédagogique école - collège souvent ponctuelles et qui concernent rarement la continuité des apprentissages, obstacles structurels à une organisation juridique et administrative optimale, du fait d'autorités et de statuts différents des établissements... Leurs recommandations portent notamment sur la mise en place de nouveaux organes de pilotage, la définition ou redéfinition des missions des différents acteurs, la fusion de certains corps pour simplifier le pilotage. La première mission préconise même de supprimer les actuels conseils école - collège, dont l'installation et la mise en œuvre sont jugées, dans les deux rapports, globalement non réussies.

Un système au final "sous-piloté (par manque d'indicateurs, par un manque d'adéquation entre les territoires et la structure de l'école du socle, par des rôles mal circonscrits des acteurs, par son absence quasi systématique dans les projets académiques, etc.), moyennement administré (avec des outils qui restent encore mal harmonisés entre les départements, des procédures de remplacement non standardisées et une gestion prévisionnelle incertaine)"... tel est en effet le constat que fait le premier rapport. Celui-ci dresse un état des lieux de la mise en œuvre des nouvelles stratégies de gouvernance du premier degré, opérées depuis 2012 suite au renforcement du rôle du recteur devenu "pilote de la politique déconcentrée de l'éducation nationale". Celui-ci a dû oeuvrer, en outre, en tenant compte de nouvelles mesures visant à renforcer le rapprochement école - collège, introduites notamment par la loi du 8 juillet 2013.

Un corps unique de professeurs et d'inspecteurs d'écoles du socle ?

Face à ce constat, cette première mission fait 13 recommandations pour assurer un pilotage davantage optimal, même si celle-ci observe par ailleurs des expérimentations innovantes, des avancées en termes de mutualisation de services, un système "géré malgré tout" puisque les rentrées scolaires "se déroulent sans encombre", et reconnaît, comme le second groupe d'ailleurs qui a été chargé d'observer la continuité école - collège, que les académies font face à des obstacles structurels : un système éducatif "structuré par strates (premier degré, second degré et enseignement supérieur)", une construction budgétaire qui "épouse ce schéma", l'existence de deux niveaux qui "ont leur propre organisation administrative (collectivité de rattachement, statut juridique des établissements, modalités d’attribution des moyens, modalités de recrutement et de formation de ses personnels enseignants, volume de leurs obligations de service différents).

Il s'agit, écrivent les auteurs, de considérer désormais ce premier degré, devenu "réseau de l'école du socle", "comme une nouvelle entité déconcentrée, chargée de garantir une plus grande sécurisation du parcours de l'élève". À ce titre, il serait pertinent notamment de créer "un corps unique de professeurs de l'école du socle" et d'organiser un copilotage administratif et pédagogique, par le principal du collège mais aussi systématiquement par un directeur du réseau des écoles, fonction nouvellement créée et dont "des missions et un statut" doivent être "précisément définis". Pour les auteurs du rapport, c'est notamment le doter de "l'autorité hiérarchique sur les professeurs des écoles du réseau". Il serait, à temps plein, notamment le responsable de proximité pour les cycles 1, 2 et 3 en termes de coordination pédagogique des écoles, d'interface avec le principal du collège, d'interlocuteur des élus locaux en matière de suivi pour l'éducation nationale des projets éducatifs de territoire. Il effectuerait les différentes démarches administratives pour les écoles, serait chargé des relations avec les familles, serait le personnel de proximité en lien avec l’IEN-A chargé de la carte scolaire. et, au plan administratif, assurerait la répartition des services des professeurs des écoles et une mission de GRH de proximité en lien avec les services départementaux.

Des conseils de réseaux en lieu et place des conseils écoles-collège ?

Les inspections recommandent aussi de substituer aux conseils école-collège, "qui n'ont pas pleinement réussi à s'installer dans les territoires", des conseils de réseau créés comme organes de régulation, copilotés par le principal du collège et le directeur du réseau des écoles pour vérifier notamment la complémentarité et la progressivité des actions engagées. Y serait invité un corps unique d'inspecteurs pédagogiques (issu de la fusion des IEN-CCPD et IA-IPR) dans le cas où la fusion en un corps unique d'enseignants serait actée. Eux s'assureraient ainsi "de la cohérence pédagogique, de la progressivité des enseignements proposés et centraliseraient les besoins exprimés de formation continue".

Enfin, les inspections invitent notamment à mieux former les recteurs "aux spécificités pédagogiques et administratives des quatre cycles de l'école du socle", à "revoir la carte des circonscriptions pour la mettre en cohérence avec l'organisation territoriale retenue dans l'académie" et à "autoriser dès à présent et réglementer les échanges de service entre professeurs des écoles et professeurs enseignant en collège".

Écoles du socle : un chantier "lourd" à tous points de vue

Le second groupe d'inspecteurs a observé de son côté, en 2018-2019, des expérimentations d'écoles du socle ("établissements publics du socle commun") et la dynamique de rapprochement école - collège renforcée à partir de 2014 par la mise en oeuvre des conventions ruralité. Il fait de son côté le constat d' "un chantier politiquement, juridiquement, administrativement et pédagogiquement lourd" et mentionne à ce titre dans son rapport, outre les "écoles du socle", également les "établissements publics locaux des savoirs fondamentaux" écartés depuis du projet de loi pour une École de la confiance.

C'est au titre de cette lourdeur que ce groupe d'études et d'expertise appelle le ministère à apporter "des réponses claires" : notamment sur la répartition des compétences et des responsabilités d'une part entre l'État et les collectivités, d'autre part entre les collectivités elles-mêmes ; et, pour redessiner la carte du pilotage pédagogique mais aussi administrer ce nouveau type d'établissement, sur les évolutions des instances de concertation existantes (conseil pédagogique, conseil école - collège, conseil de cycle) et celles du conseil d'administration et du conseil d'école. Si ce groupe d'études n'évoque pas de fusion entre corps d'inspection, il pose la question du rôle et des missions pour les IEN de circonscription et évoque la possibilité d'amener ces dernières à se rapprocher de celles des inspecteurs du second degré.

Il s'agit, selon les rapporteurs, de répondre pour tout ou partie aux complexités d'ordre structurel observés ici comme par l'autre mission (dans ce cas de figure, en matière de financement pour des structures ou ou des projets communs aux écoles et collège, en matière de responsabilité juridique pour l'utilisation de locaux communs ou concernant l'autorité hiérarchique dans ces cas de figure, etc.). De répondre aussi à la faiblesse des actions de liaison et de continuité pédagogiques, "souvent ponctuelles (écoliers en résidence au collège pendant une journée, voire une semaine, rallyes mathématiques, semaine du goût, etc.)" et qui "concernent rarement la continuité des apprentissages scolaires". Ou encore à celle de l'accompagnement des dispositifs par les IA-IPR (accompagnement jugé parfois même "inexistant"), alors que "les IEN de circonscription sont en général très mobilisés".

Le rapport "Gouvernance académique du premier degré" ici

Le rapport "Groupe d'études et d'expertise 'école du socle' " ici

Camille Pons

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