Langue française : à nouveau bientôt la première langue d'enseignement au Maroc alors que l'Algérie s'apprête à lui préférer l'anglais ?
Paru dans Scolaire le jeudi 08 août 2019.
Alors que les écoles marocaines n'enseigneront plus en arabe et s'apprêtent à remettre le français au premier plan à l'école, l'Algérie pourrait bien de son côté lui préférer l'anglais, alors que la langue française est actuellement la deuxième langue vivante enseignée dans ses écoles, dès la troisième année du primaire, et la langue d'enseignement prédominante à l'université, notamment dans les filières scientifiques et techniques.
La Chambre des conseillers marocaine a en effet entériné, le 2 août 2019 après son examen et son adoption la veille par les membres de la commission des affaires culturelles et sociales, son projet de loi relatif au système de l'éducation, de l'enseignement, de la formation et de la recherche scientifique. Celui-ci prévoit l'enseignement de certaines matières, notamment scientifiques, en langues étrangères et principalement le français. L'objectif de la mesure sur les langues est de mieux préparer les élèves à l'enseignement supérieur, dispensé en français dans la plupart des spécialités.
Ce texte a fait l'objet de plusieurs votes depuis presque deux ans. 20 mois auparavant, il avait été adopté en Conseil de gouvernement puis il y a 12 mois en Conseil des ministres, avant d'obtenir la majorité, le lundi 22 juillet, à son passage dans la première chambre du Parlement marocain. Un texte beaucoup débattu, notamment dans cette première chambre pendant plus de trois mois, à cause des profondes divergences sur cette question de l'alternance linguistique et de la langue d'enseignement des matières scientifiques.
Sondage d'opinion en Algérie auprès de la communauté éducative
L'Algérie semble vouloir prendre le virage inverse. Le 8 juillet dernier, Bouzid Tayeb, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, a annoncé souhaiter remplacer le français par l'anglais dans l'enseignement supérieur, en particulier dans les filières scientifiques (où le français prédomine alors que la scolarité en amont se fait en arabe). Il a également lancé un sondage d'opinions à ce sujet auprès de la communauté éducative (enseignants, étudiants, responsables…), et le 21 juillet, donnait ordre aux université d'utiliser uniquement l'arabe et l'anglais dans les en-têtes des correspondances et des documents officiels. Ce projet de réforme pourrait dès lors impliquer également que le français, an Algérie, perde aussi son statut de langue vivante étrangère 1 au profit de l'anglais dans le cycle primaire pour faciliter la mise en œuvre effective de cette logique d'apprentissage dans le supérieur.
Selon le site Alg24, qui reprend un post Facebook du ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, près de "94, 3 % des votants" à ce sondage, clôturé le 5 août, "auraient dit 'oui' à cette nouvelle idée, largement critiquée par des pédagogues et des spécialistes qui s'interrogent si le ministère de tutelle possède les moyens de sa politique". 96 043 personnes auraient participé à ce sondage lancé par le tutelle le 5 juillet dernier.
Au Maroc, le soutien au développement du français à l'école depuis la précédente réforme de l'éducation
Selon l'Institut français du Maroc, la langue française est pratiquée par près du tiers de la population marocaine. La précédente réforme de l'éducation nationale marocaine avait déjà conduit à l'introduction du français comme langue enseignée dès la première année du primaire et comme langue d'enseignement pour les disciplines scientifiques, au collège et au lycée. Elle avait donné lieu à la création, en 2013, des Sections internationales à option langue française qui concernaient 673 établissements publics et 373 lycées privés en 2017-2018. La France et le Maroc ont signé en février 2014 un accord portant sur le soutien à ces sections internationales. L'arabe et l'amazigh (berbère) sont les deux langues officielles, mais le français est largement utilisé dans le monde du travail.
En Algérie, les langues officielles sont également l'arabe et le berbère, mais le français reste la première langue étrangère parlée par la population. Elle est enseignée dès la troisième année du primaire en deuxième langue, et les cours de certaines filières universitaires, notamment scientifiques, sont totalement dispensés en français.
Camille Pons