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Jean-Michel Blanquer va-t-il modifier les vacances scolaires (et sans débat) alors que c'est la répartition d'un nombre de cours trop élevé "qui fait problème" ? (Denis Adam, UNSA Éducation)

Paru dans Scolaire le jeudi 01 août 2019.

Le sujet est d'actualité : en pleine période de vacances scolaires d'été et quelques semaines après la décision du Conseil constitutionnel qui autorise désormais le gouvernement à répartir différemment, sans passer par le Parlement, les seize semaines de vacances scolaires, le Centre de recherche, formation, histoire sociale Henri Aigueperse de l'UNSA Éducation publie un article relatif à l'organisation des vacances scolaires. Organisation dont les modalités ont donc fait l'objet d'une modification sur décision du Conseil constitutionnel, à la demande du ministre de l'Éducation nationale. Dans sa décision n° 2019-278 L du 11 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a en effet modifié le code de l'éducation en précisant que la répartition de l'année scolaire en "cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes" est de nature réglementaire et non plus législative (lire ici). Or, cette modification pourrait impacter la future organisation de ces vacances, selon l'auteur de ce billet, Denis Adam, le délégué général du Centre de recherche de l'UNSA Éducation. L'inquiétude soulevée par cet ancien instituteur et conseiller d'éducation populaire, aujourd'hui chercheur associé à l'université Paris XIII : cela va-t-il être "une opportunité pour le ministre Blanquer de la modifier (sans débat) ?"

"Ainsi donc, voici le ministre de l'Éducation nationale libre de modifier le calendrier des vacances scolaires sans passer par le débat parlementaire. Une décision qui tombe bien pour Jean-Michel Blanquer puisqu'il ne cesse, depuis sa nomination, d'affirmer qu’il faut changer les vacances", écrit ainsi le chercheur, pour qui il est justement "fort possible" que le ministre mette "en chantier un nouveau calendrier scolaire".

Le risque de toucher aux "petites vacances", plus importantes et plus régulières que dans la plupart des autres pays européens ?

Cette perspective peut être inquiétante, selon Denis Adam. Non pas "pour la durée des 'grandes vacances' assez comparable à la moyenne basse des congés scolaires d'été dans les autres pays européens" et à laquelle le ministre pourrait donc ne pas toucher, mais pour le devenir des "petites vacances". Une "originalité" parmi les systèmes éducatifs européens, écrit encore l'auteur du billet, qui craint implicitement que ces derniers servent de modèle à suivre par le gouvernement, alors que "cette originalité" est "pourtant défendue par les chronobiologistes".

En France, en effet, celles-ci sont échelonnées 4 fois dans l'année "de manière régulière", alors que par ailleurs 16 systèmes éducatifs européens ont moins de 4 périodes de ce type et que "la plupart n'ont pas un découpage régulier". Denis Adam se réfère au document publié par Eurostat, l'organisme statistique de la commission européenne, "L'organisation de l'année scolaire en Europe" en 2018-2019, qui compare sur ce plan 44 systèmes éducatifs européens du primaire et du secondaire (sur 38 pays étudiés, sachant que certains pays comportent plusieurs systèmes éducatifs).

Si l'on se penche sur le document, on constate en effet que, dans la plupart des pays, les vacances d'automne comme celles d'hiver durent seulement une semaine, contre deux en France : ainsi à l'automne, 19 territoires offrent une semaine, 13 ne donnent aucun jour de congés et certains seulement deux jours comme la République Tchèque, l'Islande et la Serbie, la Suisse faisant exception en donnant 3 semaines ; en hiver, 21 pays ne donnent qu'une semaine, 8 ne donnent aucun jour de congés et seulement 2 autres pays, avec la France, offrent une coupure de deux semaines (la Pologne et la Turquie).

Modifier le calendrier "n'aura de sens que s'il prend en compte tous les paramètres du temps éducatif"

En revanche, comme le souligne Denis Adam, la France est bien dans la moyenne basse pour les vacances d'été avec ses 9 semaines, alors que les écarts de durée peuvent être importants à cette période selon les pays : de 6 semaines dans certains Länder allemands, nations du Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles, Écosse) et aux Pays-Bas, jusqu'à 15 semaines en Bulgarie (pour le primaire). Et 6 pays au total donnent plus de 13 semaines de vacances à cette période.

Pour Denis Adam, ce n'est pas le calendrier des vacances scolaires "qui fait problème", mais "la répartition d'un nombre de cours trop élevé". "Exception française", alors que la moyenne européenne d'enseignement obligatoire est de 7700 heures, contre 9000 heures en France. "Mais pire encore", poursuit-il, "ce grand nombre d'heures est réparti sur le plus petit nombre de jours de classe par an : 162 contre de 170 à 190 en moyenne en Europe". "Or, en permettant la dérogation à la semaine de 4,5 journées de classe en primaire, le ministre Blanquer n'est pas pour rien dans cet alourdissement des journées scolaires, une des causes à n'en pas douter, de fatigues et donc de difficultés que peuvent rencontrer de nombreux élèves". S'il y a modification du calendrier scolaire, prévient le syndicaliste, "celui-ci n'aura de sens que s'il prend en compte tous les paramètres du temps éducatif : l'organisation de la journée, de la semaine, de l'année des enfants et adolescents. Un véritable enjeu éducatif qui mériterait certainement, au moins quelques débats…"

"L'organisation de l'année scolaire en Europe" en 2018-2019 (Eurostat) ici

Camille Pons

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