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Ecole inclusive : les députés unanimes pour un "acte II" de la loi de 2005

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 18 juillet 2019.

Le rapport de la commission d'enquête sur "l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université" a été adopté à l'unanimité des députés de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, ce 18 juuillet, peut-être parce qu'il "propose des directions" sans "injonctions" et parce qu'il inclut dans ses propositions des mesures déjà annoncées par le ministère de l'Education nationale, fait remarquer la présidente de la commission, Jacqueline Dubois (LREM). Peut-être aussi, ajoute Sébastien Jumel, le rapporteur (Gauche démocrate et républicaine, à l'initiative de cette commission d'enquête), parce que le sujet n'appelle pas les querelles politiciennes. Quelque 150 personnes ont été entendues au cours d'une quarantaine d'auditions, et certains témoignages étaient "bouleversants". Enfin, aucune évaluation de la mise en oeuvre de la loi de 2005 n'avait été menée. La perspective d'un "acte II" ne souffrait donc la polémique.

Voici des éléments de ce rapport qui n'est pas encore disponible sur le site de l'Assemblée.

Le rapporteur ne va pas jusqu'à recommander la création "d'un ministère unique" chargé de tous les enfants, mais il propose comme objectif la création d'un "grand service public de l'école inclusive" et de centraliser "le pilotage de la mesure statistique de l'inclusion scolaire et universitaire des élèves et étudiants en situation de handicap". Manquent notamment les données sur le nombre de jeunes qui, faute de solution, restent au domicile de leurs parents.

Alors que l'on comptait en 2009, 187 490 enfants scolarisés dans le 1er ou le 2nd degrés et bénéficiaires d'un PPS (projet personnalisé de scolarisation), ils étaient 337 795 à la dernière rentrée (dont 241 779 "en classe ordinaire"). Mais le rapport souligne que les PPS ne sont, le plus souvent, pas satisfaisants, "ce n'est que la notification d'orientation ou d'aide humaine" et ne contiennent "rien d'autre", parfois du fait de la défaillance du système informatique de saisie du document. "Quoi qu'il en soit, l'absence ou l'indigence du PPS est lourde de conséquences" et le rapport propose de "concevoir et imposer" un document simplifié, "de nature à favoriser l'effectivité d'instruments aujourd'hui largement ignorés ou mal utilisés".

Le rapport évoque également les délais de traitement des demandes par les maisons départementales ds personnes handicapées, "jusqu'à un an" et très variables selon les départements, dans l'un, "30 élèves en situation de handicap attendent le traitement de leur dossier", 1 600 dans un autre !

Autre point d'insatisfaction, le nombre d'élèves suivis par chaque enseignant référent, qui varie de 83 en Corse à 221 dans l'académie de Créteil. Le rapport propose d'augmenter le nombre de ces enseignants "de façon à viser un objectif de cent élèves suivis par chaque enseignant référent". Il faudrait aussi "veiller à ce que chaque CFA (centre de formation d'apprentis) se dote d'un référent handicap".

En ce qui concerne la scolarisation en établissement spécialisé, IME, ITEP, SESSAD, UEE, qui concernerait près de 70 000 élèves, les informations "ne semblent guère cohérentes", il faudrait "publier largement et régulièrement les chiffres relatifs au nombre d'élèves en attente de prise en charge par un établissement spécialisé et régulariser au plus vite leur situation". Il convient aussi de préserver "la diversité des modes d'accueil", de "conforter les instituts nationaux de jeunes sourds et aveugles", de développer les passerelles pour construire des parcours de formation adaptés à chaque jeune (...) en favorisant notamment les scolarisations partagées et les allers-retours entre établissements spécialisés et milieu ordinaire". On pourrait aussi s'appuyer davantage sur le CNED. Toutefois, la scolarisation à distance peut générer des risques de déscolarisation et elle est "très chronophage pour les familles". Il faudrait d'ailleurs "mieux prendre en compte la situation des aidants familiaux", voire créer "un statut d'aidant familial pour les parents d'enfants handicapés".

La question du diagnostic précoce est évidemment l'un des thèmes du rapport. Un certain nombre d'enfants, dont les troubles "dys" ou spectre de l'autisme n'ont pas été repérés, sont l'objet de reproches, de mesures d'exclusion, de signalement, parfois même d'une "information préoccupante" de la part de l'Education nationale". A noter à ce sujet que seules 6 % des places en crèches sont occupées par des enfants en situation de handicap du fait des modalités de financement par les CAF qui "incitent plutôt à accueillir" des enfants à temps complet, "présents 5 jours sur 5, huit à dix heures par jour", ce qui n'est pas le cas d'enfants "présents seulement à temps partiel".

La scolarisation des enfants en situation de handicap ne requiert pas systématique une aide humaine, et l'accompagnement peut même être contre-productif. Au sujet des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), Sébastien Jumel reconnaît qu'il est parti avec un préjugé, pensant qu'ils pouvaient être un outil de rationalisation, voire de rationnement des aides. "Mais si ce sont de vraies équipes, qui peuvent gérer par exemple les remplacements, ils peuvent constituer une vraie avancée." L'élu sera toutefois "vigilant". Le rapport souligne que 12 033 élèves (6,2 % des élèves bénéficiaires d'une prescription) étaient "en attente" d'un accompagnement au 31 mars 2019. Il propose "le recrutement et l'accès du plus grand nombre possible d'accompagnants directement en contrat à durée indéterminée, à temps plein, sur la base d'une durée de travail hebdomadaire de 24 heures au moins qui prenne en compte (...) les heures de travail invisible".

Le recul de la formation spécialisée pose également question. En 2004-2005, 2 482 enseignants avaient suivi une formation pour obtenir un CAPA-SH (certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap), ils n'étaient l'an dernier que 1 397. "De plus, la formation sanctionnée par le CAPPEI apparaît moins substantielle que celle qui débouchait sur le CAPA-SH." Un représentant du SNUIPP-FSU a suggéré que le tronc commun du CAPPEI soit intégré à la formation initiale de tous les enseignants, ce qui libérerait du temps de formation pour le CAPPEI lui-même. Le rapport suggère la mise en place d'un "plan de formation rapide à un CAPPEI rénové pour en finir avec les affectations de jeunes professionnels souvent démunis faute de formation suffisante".

Le rapport s'inquiète encore de l'accessibilité des bâtiments, mais aussi du peu d'attention portée aux élèves, y compris dans les ESPE à l'égard des futurs enseignants. Il suggère par ailleurs de "faciliter l'intervention des professionnels de santé libéraux dans les établissements scolaires" car c'est au parent "de dire qu'il veut que l'orthophoniste travaillent avec l'enseignant".

Toutes ces propositions sont-elles de nature à éviter que la loi ne continue de constituer "un îlot de satisfaction dans un océan de renoncement" ? Sébatien Jumel assure qu'il sera très attentif à la traduction budgétaire des intentions affichées par le Gouvernement.

 

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