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Les ENT (espaces numériques de travail), un marché et des usages mouvants (A. Ecuvillon, Itslearning, interview exclusive)

Paru dans Scolaire le mercredi 10 juillet 2019.

Un récent rapport de la Cour des comptes (voir ToutEduc ici) met en cause l'intérêt des ENT. Alain Ecuvillon, responsable pour la France de l'une des principaux éditeurs de ces "espaces numériques de travail" évoque pour ToutEduc un paysage mouvant.

ToutEduc : itslearning est une multinationale. D'où vient-elle ?

Alain Ecuvillon : Elle a été imaginée en 99 par des étudiants norvégiens qui voulaient mettre en ligne les cours de leurs professeurs, et leur université a été leur première cliente quand ils ont créé leur entreprise, qui compte aujourd'hui quelque 350 salariés et distribue ses solutions dans une quarantaine de pays. Elle fait quelque 40 M€ de chiffre d'affaires, avec un peu plus de 2 M€ en France, après un "trou d'air" en 2014, où nous étions descendu en dessous du million d'euros.

ToutEduc : Le marché évolue donc très rapidement...

Alain Ecuvillon : La Cour des comptes relève que les trois principaux acteurs sont KOSMOS, itslearning et ITOP ; si cette dernière était encore récemment le leader du marché, elle est aujourd'hui très menacée, ayant perdu plus de 80% des marchés de l'éducation supérieure qu'elle détenait. Une situation que nous avons, à moindre échelle, connue en 2014 lorsque nous avions perdu les marchés des régions et départements d'Alsace (ENTEA) et d'Auvergne (ENT Auvergne).

À l'époque, nous avons pris la décision de de plus être éditeur de solutions de Vie Scolaire du type Notes et Absences, étant donné que les sociétés INDEX Education, avec Pronote, et Axess Education, avec LaVieScolaire étaient ultra-dominantes sur ce marché spécifique. Nous avons préféré nouer des partenariats avec ces sociétés et intégrer leurs solutions dans itslearning.

Depuis 2014, nous avons gagné de nouveaux marchés dans le secondaire (les collèges de Seine-Saint-Denis, les collèges et lycées de la région et des départements des Pays-de-la-Loire) comme dans le supérieur ou en Belgique, par souci de diversification.

ToutEduc : La concurrence est exacerbée ?

Alain Ecuvillon : Oui, et elle a fait baisser les prix bien trop bas. Dans le rapport de la cour des comptes, on indique une valeur comprise entre 4 € et 7,2€ par élève et par an, or on est aujourd'hui tombé en dessous de 2€, voire moins de 1€ pour le 1er degré.

ToutEduc : Mais les ENT rendent-ils des services à la mesure de leur coût ?

Alain Ecuvillon : Pas tous, malheureusement, ce qui va dans le sens du rapport de la Cour. Cependant, l'ENT d'itslearning est avant tout une plateforme d'apprentissage pédagogique et pour nous, l'ENT n'a d'intérêt que si il a une vraie valeur ajoutée pédagogique. Et là, ça marche !

Nous avons eu la chance de pouvoir faire une évaluation grandeur nature avec un lycée de Trappes, le lycée de la Plaine de Neauphle. En 2012, le taux de réussite au bac était de 64 %. Nous avons travaillé avec le DAN (délégué académique au numérique, ndlr) de l'académie de Versailles, Pascal Cotentin, et testé pendant un an notre ENT comme support d'une expérimentation de classe inversée. L'année suivante, le taux de réussite au bac avait grimpé de 20 points, et il a atteint 88 % l'année suivante. Le lycée était premier au classement IVAL de plus-value des établissements.

ToutEduc : Vous parlez de classe inversée, quel rapport avec un ENT ?

Alain Ecuvillon : Un ENT est trop souvent cantonné à des fonctions liées à la vie scolaire, gestion des absences, aux notes, au cahier de texte, à la correspondance avec les familles... Pour nous, c'est un outil qui permet aux enseignants la mise en ligne sur Internet de leurs cours et d'exercices, que les élèves peuvent consulter, sur lequel ils peuvent travailler, être évalués, c'est un tableau de bord de l'établissement, et c'est un outil collaboratif pour les professeurs et pour les élèves...

ToutEduc : Et c'est bien ainsi qu'il est utilisé ?

Alain Ecuvillon : En effet. 70% des enseignants, 80 % des élèves et sans doute, mais il est plus difficile de faire la part des choses entre les deux parents, 60 % des familles, y vont au moins une fois par semaine. Dès lors qu'on a compris l'intérêt de cet outil, on l'utilise. Mais pour cela, il faut un accompagnement, on ne le trouve pas tout seul. Or, comme le souligne la Cour des comptes, l'Education nationale et les collectivités ont beaucoup investi dans les matériels, et bien peu dans la formation des personnels

ToutEduc : Vous prévoyez de nouveaux développements ?

Alain Ecuvillon : Oui. Aux Etats-Unis, en Virginie, quand il neige trop pour que les enfants aillent en classe, l'établissement n'est pas fermé. Ils devient virtuel et chacun travaille avec l'ENT. Un smartphone suffit le plus souvent. Ça ne remplace pas des cours en présentiel, mais l'espace numérique assure la continuité du service d'enseignement. En France, beaucoup d'établissements, notamment privés, sont inquiets de la réforme du lycée, de ne pas pouvoir offrir tous les enseignements de spécialité et les options que les élèves demandent, et notre solution permet d'organiser et de mutualiser avec d'autres établissements ces enseignements...

ToutEduc : Finalement, qu'est-ce qu'un ENT ?

Alain Ecuvillon : Un cadre de confiance, qui permet de travailler avec les autres en toute sécurité, pour améliorer ses connaissances et ses compétences.

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par A. Ecuvillon

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