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Le 34e congrès de la FNAREN placé sous le signe de la "résistance"

Paru dans Scolaire le mardi 02 juillet 2019.

"Continuer de résister", face à la disparition progressive des postes d'enseignants spécialisés qui interviennent dans le cadre des RASED (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), face à une formation à ce métier réformée par le CAPPEI (Certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'Éducation inclusive), jugée insuffisante tant en volume d'heures que sur le contenu, face à la "médicalisation à outrance" de la difficulté scolaire et son externalisation systématique vers les métiers du soin tels que l'orthophonie : tel était le principal mot d'ordre du 34e congrès de la FNAREN (Fédération nationale des associations des rééducateurs de l'Éducation nationale), fédération qui regroupe 880 adhérents, soit 50 % des effectifs en France. Ce congrès, qui s'est déroulé à Limoges du 26 au 29 juin 2019, a réuni quelque 500 participants, dont 450 enseignants spécialisés : en grande majorité des rééducateurs (anciennement nommés maîtres G devenus enseignants spécialisés chargés de l'aide à dominante relationnelle) et des enseignants spécialisés chargés de l'aide à dominante pédagogique (dits maîtres E). Résister, c'est notamment, comme le résumait la présidente de la fédération, Laurence Fourtouill, dans son discours d'ouverture : réaffirmer "ce métier que l'on cherche à faire disparaître", que les aides RASED "participent à la prévention de la difficulté scolaire", "à la résolution de celle-ci", "à l'instauration et la restauration des liens avec la famille" en proposant "une prise en compte de l'enfant dans sa globalité" organisée "dans la complémentarité des aides". "Nous n'avons pas cédé et nous ne céderons pas au découragement", a-t-elle poursuivi en rappelant les objectif que se fixe la fédération dans son nouveau projet adopté le 29 juin : "préserver [leur] culture d'aide aux enfants à l'école", "contribuer à la qualité du service public d'éducation" et aboutir "à une coexistence harmonieuse pour tous".

La nouvelle formation instaurée par la mise en œuvre du CAPPEI en 2017 a en effet fait l'objet de fortes critiques. D'abord parce que le temps de formation est passé de 400 heures dans le cadre de la formation précédente, le CAPA-SH (Certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap) des maîtres G, à 104 heures pour ce nouveau certificat. 104 heures qui se divisent pour moitié à la formation au travail en RASED "qui rend possible le croisement des regards", précise Laurence Fourtouill, et pour autre moitié à la dimension psycho-affective de la difficulté scolaire et à l'aide par la médiation du jeu.

Moins de terrain avec le tuteur dans le cadre du CAPPEI : "problématique" pour la construction de la posture professionnelle

Autre sujet de mécontentement, le changement opéré dans la mission du tuteur. Celui-ci ne peut plus être suffisamment observé en séance et, inversement, observer son stagiaire sur le terrain. Ce déplacement du tutorat est problématique selon Laurence Fourtouill, parce que "la pratique accompagnée sur l'année est une expérience indispensable à la construction de la posture professionnelle que réclame le métier, une posture d’écoute spécifique au détour par la médiation du jeu". Le tutorat s'exerce en outre désormais sur 4 jours en tout durant la formation, contre 3 heures une fois par semaine dans le cadre de la formation précédente.

La disparition de postes dans les RASED suscite également colère et inquiétudes. À titre d'exemple, Eric Gutkowski inspecteur de l'Éducation nationale et représentant du SNPI-FSU, indiquait que, pour cette rentrée, ce sont 6 postes de rééducateurs qui ont été supprimés en Dordogne malgré la résistance de parents et des élus locaux. Aujourd'hui, le département dispose d'un poste de maître G pour environ 6 000 élèves. Dans le Jura, ce n'est qu'un seul poste de rééducateur par plateau, soit 3 qui travaillent actuellement sur ce département.

La lutte pour les postes se heurte en outre au changement d'interlocuteur, souligne l'inspecteur. Ainsi, alors que c'est au ministère que s'est opérée une large suppression des postes RASED en 2008 sous Nicolas Sarkozy, celui-ci renvoie désormais à ceux auxquels été désormais confiée la création de postes, les rectorats. "Mais aucun poste n'est remis", déplore encore l'inspecteur.

"Médicalisation à outrance" de la difficulté scolaire

Cette disparition va de pair avec une "médicalisation à outrance" de la difficulté scolaire, qualifiée de plus en plus de trouble des apprentissages et dont la prise en charge est externalisée de manière de plus en plus systématique vers les métiers du soin. "Bien sûr qu'il existe de vraies pathologies, comme la dysphasie", commente Laurence Fourtouill. "Mais il ne faut pas pour autant oublier la dimension psycho-affective de la difficulté scolaire et diagnostiquer un trouble d'entrée de jeu. Tout ne relève pas d'une difficulté fonctionnelle du langage. Des confusions de sons au CP, ou encore un mutisme, par exemple, peuvent être liés à une dimension psycho-affective. Il peut y avoir une intervention d'un maître G ou E avant de déclarer un dys sévère !" Positionnement sur lequel ils ont été rejoints par le représentant de la Fédération des orthophonistes de France (FOF) présent au congrès, Constant Le Roux. Celui-ci regrette aujourd'hui un afflux de demandes en cabinet d'orthophonie, qu'il est impossible de prendre en charge, alors qu'une partie d'entre elles n'arrivaient pas "quand les RASED étaient plus fournis". Celui-ci a également souligné la difficulté de défendre la pratique du jeu, "même si tout le monde reconnaît qu'il est essentiel au développement de l'enfant". "Mais à 7 ans, on aimerait bien qu'il s'assoie et se taise !"

Beaucoup ont d'ailleurs souligné l'importance de davantage informer, communiquer sur ce qu'est ce métier, peu connu du grand public. Et travailler au changement de représentations de la difficulté scolaire figure parmi les objectifs que se fixe la fédération. Pour Laurence Fourtouill, il ne peut y avoir une seule réponse à la difficulté scolaire et l'on ne peut se contenter "d'une interprétation et application simplistes des recherches en neurosciences aux méthodes pédagogiques et réponse aux aides". Elle rappelle que ce métier consiste "à aider des enfants en difficulté à investir les apprentissages en prenant en compte la dimension psycho-affective, et à qui nous proposons un détour par le corps et le ludique et non une autre pédagogie, alors que d'autres entrées ont souvent été déjà proposées. Une médiation par le jeu pour restaurer la relation de l'enfant aux apprentissages et son rapport aux savoirs, restaurer aussi l'estime qu'il a de lui en tant qu'élève."

"Croire qu'une réponse est unique, fusse-t-elle avec une réduction des effectifs, est un leurre"

La prise en charge hors de la classe, "dans un lieu contenant, pour travailler sur ce processus tranquillement" lui semble tout aussi indispensable, alors qu'il est notamment reproché aux maîtres G de contribuer ainsi à l'exclusion. "Nous traitons plutôt une posture de fuite, d'empêchement d'investir, dont souvent l'enfant n'a pas conscience et qui est plus forte que lui. La plupart d'entre eux, d'ailleurs, aimeraient répondre aux attentes. Or tout cela se fait sous le regard du groupe classe, ce qui est très difficile, même si le maître ne stigmatise pas", justifie la présidente. Celle-ci insiste aussi sur la nécessité "d'accepter" que le temps de prise en charge puisse être parfois long, alors que ce temps "ne correspond pas à la temporalité des exigences de l'école, ponctuée par différentes évaluations toute l'année". Situation qui ne s'améliorera pas, regrette-t-elle, car l'évaluation des établissements risque de renforcer l'empressement de certains enseignants.

Cet ensemble de positions n'est pas soutenu que par les professionnels du métier. À titre d'exemple, l'inspecteur de l'Éducation nationale qui représentait le SNPI a réaffirmé son "attachement" à la prise en compte, dans cette aide, de "la dimension singulière, c'est-à-dire l'histoire du sujet et ses relations au savoir et aux apprentissages". "Croire qu'une réponse est unique, fusse-t-elle avec une réduction des effectifs, est évidemment un leurre. Et l'aide rééducative donne une réponse à cette diversité."

Camille Pons

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