Talis : des problèmes communs à tous les systèmes éducatifs et des spécificités françaises
Paru dans Scolaire le jeudi 20 juin 2019.
"Lorsque les enseignants éprouvent un sentiment de maîtrise vis-à-vis de leur classe et les élèves un sentiment de maîtrise vis-à-vis de leur apprentissage, l’enseignement devient efficace. La solution est donc de renforcer à la fois la confiance, la transparence, l’autonomie professionnelle et la culture collaborative de la profession", estime Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l'OCDE, alors que l'organisation internationale publie le premier volume de présentation des résultats de TALIS 2018 (le second volume sera publié au mois de mars prochain). Les résultats présentés ne concernent que le niveau collège.
Premier enseignement, 90 % des enseignants des 48 systèmes éducatifs étudiés déclarent que la raison principale qui les a poussés à choisir ce métier "est d’avoir la chance de contribuer à la société et d’influencer le développement des élèves", ce qui donne à penser qu'ils sont très engagés dans leur profession. En France, ils sont 69 % à déclarer que l'enseignement "était leur premier choix de carrière" (67% en moyenne).
En revanche, d'autres données collectées par l'OCDE distinguent la situation française de celle des autres systèmes scolaires.
C'est ainsi que deux fois plus de chefs d'établissement (27 % contre 14 %) "signalent des actes réguliers d’intimidation ou de harcèlement parmi leurs élèves", une proportion qui a augmenté de 5 points de pourcentage depuis l'édition 2013, alors que certains pays "ont réussi à baisser drastiquement la fréquence des cas de harcèlement et de cyberharcèlement".
La France fait aussi partie des pays où les enseignants consacrent plus de temps à la discipline (17 % contre 13 % en moyenne OCDE). S'y ajoute le temps consacré aux tâches administratives comme faire l'appel. Le temps utile est de 85% environ en Estonie et de 75 % en France, un peu plus qu'au Pays-Bas ou en Belgique pour ne considérer que des pays européens. Ce pourcentage varie, en France de 71 à 77 % selon que les élèves sont défavorisés ou non (ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays comme l'Espagne), mais surtout, de 68 à 77%, selon que les enseignants sont expérimentés ou on.
En France, les enseignants sont plus nombreux que leurs pairs de l’OCDE à enseigner à des profils d’élèves hétérogènes, puisqu'ils sont 42% qui travaillent dans des collèges où au moins 30% des élèves viennent de milieux socioéconomiques désavantagés, contre 20% pour la moyenne de l’OCDE), 32% (17 % pour la moyenne OCDE) dans des établissements où au moins 10% des élèves sont issus de l’immigration. Or la France est le pays où la proportion d'enseignants qui ont suivi une formation à la gestion de la classe est la plus faible, même si elle est plus proche de la moyenne OCDE si on considère seulement les débutants.
Les enseignants français sont d'ailleurs, pour un tiers d'entre eux, demandeurs de formations à l'enseignement aux élèves ayant des besoins spécifiques et pour un quart, de formations aux approches pédagogiques individualisées et à l'utilisation des TIC, mais ils ne sont que 13 % à souhaiter être formés à la gestion de classe. Or seuls 55 % d'entre eux (contre 72 % en moyenne OCDE) ont reçu une telle formation au cours de leur formation initiale et "ils sont encore moins nombreux (22%) à se sentir bien ou très bien préparés dans ce domaine à l’issue de leur formation initiale".
D'ailleurs, quand 44 % des enseignants (moyenne OCDE) ont participé à des formations "sous la forme d'observation et de coaching", ils ne sont 20 % en France. Ils sont d'ailleurs un peu moins nombreux (70 vs 74 %) à considérer que leurs collègues sont "ouverts au changement et 73% (vs 78 %) à déclarer "qu'eux-mêmes et leurs collègues se soutiennent dans la mise en oeuvre de nouvelles idées". Ils ne sont que 26 % (vs 45 %) à "demander fréquemment aux élèves de décider de leurs propres procédures de résolution pour des tâches complexes".
Dans le 1er degré
Alors que l'OCDE n'a publié que les résultats de son enquête sur le niveau collège, la DEPP publie des éléments relatifs au 1er degré (ici), puisque, dans une quinzaine de pays dont 6 européens, TALIS a été étendu au niveau élémentaire. Il en ressort notamment, selon le service statistique de l'Education nationale que "les pratiques pédagogiques structurantes et transmissives (comme le fait pour l’enseignant de présenter aux élèves un résumé des derniers apprentissages ou d’exposer les objectifs en début de séance) font partie des pratiques les plus fréquemment citées par les enseignants interrogés", mais moins souvent en France (65 % en moyenne, contre plus de 86 % de leurs collègues anglais ou espagnols). Ils sont deux fois moins nombreux qu'en Angleterre, en Espagne ou au Danemark à donner "des exercices n’admettant pas de solution évidente", ou "des tâches obligeant les élèves à développer leur esprit critique". Ils sont encore deux fois moins nombreux qu'en Angleterre ou dans les pays nordiques à "s'estimer bien ou très bien préparés à l’enseignement des compétences transversales".
Ils ont de même été "moins bien préparés à la gestion de classe" (16 % vs 41% en Espagne et 65% en Angleterre) et faute de formation, ils ne sont que 14 % (vs 40 à 60% des enseignants des autres pays européens) à "laisser les élèves utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour des projets ou travaux en classe". Ils sont d'ailleurs nombreux (près de 40% vs 9 % en Angleterre) à estimer que "leur participation aux activités de formation n’a pas eu d’impact positif sur leur manière d’enseigner (...). Leurs collègues européens sont presque trois fois plus nombreux à participer à des actions impliquant un apprentissage actif (...). Les apprentissages actifs, collaboratifs et prévoyant de mettre en pratique les acquis de formation caractérisent, selon les enseignants européens, les formations les plus efficaces pour l’exercice de leur métier."
Les recommandations de l'OCDE.
L'OCDE fait 26 recommandations dont voici les principales
- veiller à ce que les enseignants disposent de suffisamment de temps pour effectuer des activités qui optimisent l’apprentissage des élèves (comme la préparation des cours, la collaboration professionnelle, les rencontres avec les élèves et les parents et la participation au développement professionnel);
- encourager les enseignants à aménager leur salle de classe de manière à favoriser des approches d’apprentissage plus individualisées et plus actives, en divisant la salle en différents secteurs et en faisant des groupes (mais "les données de l’OCDE sur l’éducation ne montrent pas que la réduction des effectifs des classes ait entraîné une amélioration générale des résultats") ;
- promouvoir des communautés d’apprentissage professionnelles pour diffuser des pratiques innovantes ;
- renforcer l’offre, le soutien et la formation pour l’enseignement aux élèves ayant des besoins spécifiques d’éducation ;
- lutter contre toutes les formes d’intimidation ;
- renforcer la sensibilisation des enseignants et des chefs d’établissement au bien-être des élèves ;
- fournir aux enseignants débutants des conditions de travail épanouissantes et un soutien sur mesure ;
- concevoir des activités d’initiation et de tutorat efficaces et contextuelles ;
- lier la formation initiale des enseignants au développement professionnel continu ;
- engager un dialogue avec la profession pour améliorer l’offre financière et les conditions de travail des enseignants au fil du temps.
Le site de l'OCDE ici