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Le CAPE publie son analyse critique de la politique de J-M Blanquer

Paru dans Scolaire le lundi 22 avril 2019.

Avant que le projet de loi "pour une école de la confiance" ne soit examiné au Sénat et près de 2 ans après l'arrivée de Jean-Michel Blanquer au ministère de l'Education nationale et de la Jeunesse, le CAPE publie ses "analyses et propositions". Il est en "désaccord" avec "une conception libérale" de l'éducation et considère que le ministre ne prend pas suffisamment en compte les causes "de la panne de la démocratisation de la réussite que l’on constate depuis le milieu des années 1990". Pour le "Collectif des associations partenaires de l'école publique", plutôt que de parler "d'égalité des chances" (et donc de mise en concurrence des individus, ndlr), il faudrait considérer l’éducation comme la "construction de l’avenir commun de notre société", et comme "l’affaire de tous".

Or ce projet de loi ne dit rien des "finalités globales du système éducatif", et il s'inscrit dans un contexte qui inquiète les signataires. Le collectif cite par exemple "les récentes condamnations" des "pédagogies de la découverte" et la formule de Stanislas Dehaene qui affirme que leur "inefficacité aurait été cent fois démontrée", soulignée d'un "sic" qui vaut "point d'ironie". Il se demande si on n'assiste pas "à une sorte de liquidation assez simpliste de près d’un siècle de savoirs pratiques et théoriques nourris de la diversité des courants de l’éducation nouvelle", ce qui l'amène à s'interroger. Ne serait-ce pas la fin "de la visée émancipatrice de l’acte éducatif" ?

Le Collectif examine plusieurs éléments de la politique mise en oeuvre. Il salue "l’avancée inscrite dans la loi au bénéfice des publics en situation de handicap", mais considère qu'une approche éducative réellement inclusive "nécessite une évolution des projets d’établissements et des pratiques" d'une part et d'autre part, "de reconnaître et de faciliter l’apport des autres professionnels du champ éducatif et médico-social".

La mise en concurrence

L'évaluation des apprentissages des élèves est légitime, à la condition de prendre en compte les effets pervers "du management par la performance" en termes de concurrence entre établissements. Il est d'ailleurs "à craindre que la pression compétitive touchant actuellement le lycée ne touche le collège, qui lui aussi risque d’être pris dans cette logique d’attractivité sélective socialement". De plus, la création d’EPLEI (Établissements publics locaux d’enseignement international) "risque de dégrader encore plus la situation de ségrégation et d’absence de mixité que l’on peut rencontrer dans les grandes agglomérations".

Quant à la refonte des programmes, elle "relève d’une approche traditionnelle (voire 'conservatrice')", promouvant "une approche cumulative, patrimoniale voire identitaire des savoirs scolaires" d'autant qu'elle n'a pas été précédée d'une interrogation sur la nature de la "baisse inexorable du niveau scolaire" qu'évoque le ministre. 

Le CAPE s'interroge d'ailleurs sur la composition du CSEN (Conseil scientifique de l'Education nationale) où dominent des approches disciplinaires "peu représentatives des controverses scientifiques au sein de chacune d’elles", d'autant qu'il "ne publie pas de travaux, et ne se soumet donc, pour l’instant, ni à un débat démocratique, ni au jeu habituel de la validation par les pairs". Le collectif considère certes que l'enseignement doit s’adosser "à des connaissances scientifiques", mais qu'il suppose aussi "une éthique et une déontologie du métier" ainsi qu' "une vision politique pour ancrer le projet d’apprentissage de tous dans un projet de société démocratique et équitable".

Prendre en compte l'éducation non formelle

Or on peut "craindre que l’acte éducatif ne consiste plus qu’en l’application de protocoles standards qu’il s’agirait de généraliser". Le CAPE cite à ce sujet le "guide orange" sur l’apprentissage de la lecture et l’expérimentation d’Agir pour l’École "qui a fait l’objet de nombreuses critiques", et que le collectif a dénoncée. Il ajoute qu'il conviendrait au contraire de prendre en compte les contributions "incontournables" de "l’éducation non formelle". Il en appelle "à l’émergence d’une culture partagée" et à l'ouverture de la formation initiale et continue des enseignants "aux réflexions et méthodes provenant des mouvements pédagogiques et des associations complémentaires, des parents, des élus et des acteurs territoriaux". Le second "E" des ESPE ne traduisait-il pas "l’ambition de développer un tronc commun à l’ensemble des métiers au sein de l’institution scolaire mais également au-delà, vers les métiers de l’animation ou d’encadrement de l’éducation, de la culture et des sports dans les collectivités et les associations notamment" ?

Les associations membres du CAPE sont d'ailleurs prêtes à accueillir des stagiaires en M1, mais elles s'inquiètent de voir les futurs INSPE, dont la priorité sera "la formation à la transmission des savoirs fondamentaux", évoquer les activités hors du temps scolaire "dans une logique de sous-traitance, voire d’externalisation", qu'il s'agisse du dispositif "devoirs faits" ou du "plan mercredi".

La co-éducation oubliée

Le Collectif est particulièrement sensible aux enjeux locaux. "Il nous faudra veiller à ce que (les évolutions de la gouvernance locale des politiques éducatives) se fassent en priorité avec le souci de l’aménagement du territoire (...) et du renforcement des logiques partenariales et démocratiques. De même, l’intégration des services déconcentrés Jeunesse et Sport au sein de 'pôles éducatifs' sous l’autorité des DASEN et recteurs est une hypothèse de réorganisation qu’il faudra observer dans ses conséquences concrètes." Si "plusieurs idées semblent défendables" lorsqu'il s'agit de "la possibilité de créer des établissements locaux des savoirs fondamentaux" puisqu'il est nécessaire "d’approfondir le lien école-collège", "certains risques" doivent être pris en considération, notamment celui de voir "perturbées" les relations entre les communes et leurs écoles primaires".

Mais surtout, le CAPE souligne que "la coéducation" est "la grande absente" du projet de loi : "on est très loin de l’ambition d’une reconnaissance accrue de la communauté éducative, telle qu’elle est promue autour des Projets éducatifs de territoire (PEdT)" prévus par la loi de 2013. Les communes "se sont dotées d’une stratégie éducative et leurs projets "intègrent une reconnaissance de l’importance des temps périscolaires et de leur nécessaire articulation dans les parcours éducatifs des enfants". Le Collectif invite à les "relancer de manière volontariste" car ils constituent "LE" cadre d’interlocution globale avec les collectivités "sur l’ensemble des temps scolaires, péri et extrascolaires". Les mouvements pédagogiques agissent d'ailleurs "pour que l’École, mais plus largement l’ensemble des espaces éducatifs, soient ces terrains fertiles de confiance, de vie collective, de pouvoir d’agir et de penser favorisant, par des pratiques émancipatrices, la construction d’une identité citoyenne".

Le document ici

A noter que la Ligue de l'enseignement a laissé la présidence du CAPE aux CEMEA. Les associations membres du CAPE ici

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