Scolaire

Langues vivantes : la conférence de consensus du CNESCO précède l'annonce du Plan langues de Jean-Michel Blanquer

Paru dans Scolaire le jeudi 11 avril 2019.

C'est jeudi prochain, 18 avril, que Jean-Michel Blanquer devrait présenter son "plan langues" en se fondant sur les préconisations du rapport de Chantal Manes-Bonnisseau et Alex Taylor (voir ToutEduc ici). L'inspectrice générale qui l'a annoncé assistait, hier 10 avril, à la présentation à la presse des enseignements tirés de la Conférence de consensus organisée par le CNESCO sur le thème "De la découverte à l'appropriation des langues vivantes étrangères, comment l'école peut-elle accompagner les élèves ?". Elle précise qu'elle est mandatée par le ministre pour faire cette annonce, ce qui donne à penser que celui-ci est attentif aux conclusions de ce travail du Conseil national d'évaluation du système scolaire, pourtant promis à disparaître par la loi "pour une école de la confiance", aucune indication n'étant donnée sur le périmètre de la chaire qui serait créée au CNAM pour assurer la continuité du travail.

Il ressort notamment de la conférence que nous devons cesser de penser que "les Français sont nuls en langues", même si 50 % des adultes se décrivent ainsi. C'est surtout qu'ils n'osent pas s'exprimer dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas parfaitement, de peur de faire des fautes. D'autre part, le niveau s'est nettement élevé ces dernières années, surtout en compréhension de l'écrit. Mais lorsqu'il s'agit de s'exprimer à l'oral, 75 % des élèves de collège "ne sont pas capables de produire une langue globalement correcte". A l'écrit, le taux des "non-réponses" est très important. Les comparaisons internationales sont rares, mais en 2011, la France était nettement "en queue de peloton" des pays européens, loin derrière les pays scandinaves ou ceux de l'ancien bloc de l'Est.

Ces résultats s'expliquent notamment par le "rapport complexe" des Français à leur langue, l'ancienne "Lingua Franca" détrônée par l'anglais dans les échanges internationaux et par leur difficulté à reconnaître les langues parlées à la maison, langues régionales ou d'immigration, mais "le contexte sociétal est en train de changer", souligne Nathalie Mons, la présidente du CNESCO, avec davantage de voyages à l'étranger et une exposition croissante à l'anglais, qu'il s'agisse des films en VO ou des jeux. Mais quelque 30 % des jeunes passent à côté, ne voient jamais un film sous-titré ni ne voyagent au-delà des frontières.

Le dossier réuni par le CNESCO ne se limite pas à l'anglais, il examine la situation des autres langues, et il témoigne d'une importante évolution des pratiques pédagogiques. Au XIXème siècle, la priorité est donnée à la grammaire, à l'écrit, à la traduction en français, à la littérature. Puis vient "la méthode directe", l'élève apprend une langue étrangère comme l'enfant apprend sa langue maternelle. Nouveau tournant en 1925 avec "la méthode active" et à nouveau dans les années 70 avec la méthode audiovisuelle, puis en 1975, "l'approche communicative", dont les résultats sont "peu probants". Depuis 2001 est mise en oeuvre "l'approche actionelle" promue par l'Union européenne en même temps que le CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues) qui distingue six niveaux et cinq activités, compréhension écrite et orale, expression écrite et orale, interaction orale. "Comme le souligne le rapport Manès-Taylor (2018), cette méthode a pu présenter des bénéfices en termes d'apprentissage par la pratique de la langue et l'accroissement de la motivation des élèves."

Par ailleurs, l'enseignement des langues à l'école primaire est "quasi généralisé", et le plus souvent (80 %) assuré par le professeur de la classe. Mais seuls 10 % d'entre eux ont fait des études de langues, et seuls 20 % ont bénéficié de temps de formation continue dans ce domaine. Pour la plupart, ils sont donc en situation d'insécurité, d'autant qu'ils manquent de manuels et de ressources sur lesquelles s'appuyer. Le CNESCO semble toutefois considérer la situation comme un progrès par rapport au recours à des enseignants de collège, qui auraient tendance à plaquer sur le primaire les méthodes du secondaire, ou à des assistants dont c'est la langue maternelle, qui ont un bon accent, mais pas la pédagogie.

Le jury de la conférence de consensus a donc formulé dix recommandations, sachant que "découvrir plusieurs langues dès le plus jeune âge sera bénéfique" et que mieux vaut des séquences plus courtes mais plus fréquentes. Il faudrait, à l'école maternelle "se concentrer sur la musicalité des langues", ce qui suppose que les enseignants soient formés à la phonologie et que la présence d'assistants soit renforcée. Dès le CE2, l'expression orale devrait être encouragée, et au collège, l'expression orale, tandis que des "lunettes 3D" faciliteraient l'immersion dans un monde étranger, éventuellement en compagnie d'élèves d'autres pays. Le numérique favoriserait l'autonomie des élèves et permettrait des visioconférences avec des locuteurs natifs ou leurs homologues étrangers... Le jury propose aussi que les évaluations prennent en compte "l'anxiété des adolescents" et leur reconnaisse un "droit à l'erreur"; il propose que soient multipliées les occasions d'exposition aux langues étrangères, par exemple avec l'enseignement dans une autre langue d'une discipline non linguistique, les SVT ou la musique par exemple. Il faudrait encore favoriser la mobilité internationale des élèves et des enseignants, dont il faudrait repenser le recrutement et la formation. Deux des recommandations sont davantage didactiques. Alors que, "depuis une trentaine d'années, l'enseignement des langues se fait majoritairement de manière implicite", il faudrait rétablir de l'explicite, notamment avec "des entraînements systématiques et répétés". Il faudrait  également qu'une liste des 4 000 mots que les élèves doivent "avoir rencontrés entre 7 et 20 fois" pour atteindre le niveau B2 exigé au baccalauréat soit établie; "une étude sur 36 manuels de collège révèle que ces ouvrages emploient plus de 20 000 mots et expressions différents dont seuls 18 % leur sont communs", certains mots parmi les plus utiles n'apparaissant jamais.

Le plan langues que doit annoncer le ministre prévoira-t-il de nouvelles obligations pour les éditeurs scolaires ?

Le dossier du CNESCO est disponible sur son site. 

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