Scolaire » Actualité

Réforme du lycée : "une aventure" pour les personnels de direction.

Paru dans Scolaire le dimanche 07 avril 2019.

"Nous avons toujours fait en sorte que les ministres puissent parler, au lendemain de la rentrée, d'une parfaite réussite technique. Cette année, c'est un peu l'aventure", déclare un proviseur à ToutEduc. Nous avons interrogé, sous couvert d'anonymat, plusieurs chefs d'établissement sur la mise en oeuvre de la réforme à la rentrée. Pour eux, c'est une "découverte permanente", les services académiques leur apportent parfois de l'aide, notamment certains corps d'inspection, mais c'est leur autonomie qui est mise en exergue. "Nous avons surtout l'aide de nos collègues avec qui nous échangeons beaucoup."

Rappelons que les élèves suivront un tronc commun (16h pour le "socle de culture commune) et devront choisir trois enseignements de spécialité parmi onze au maximum, le douzième étant réservé à l'enseignement agricole. La plupart des "gros" lycées en proposent huit ou dix. Ces enseignements représentent quatre heures chacun, auxquels s'ajoutent éventuellement une des sept options facultatives de 3h (leur présentation ici, p. 21/30). Cette réforme pose essentiellement trois questions nouvelles : sera-t-il possible d'offrir aux élèves toutes les "triplettes" qu'ils vont demander ? comment construire les emplois du temps ? comment affecter les élèves dans des classes (ou "divisions") pour éviter la reconstitution des séries ?

Une inspectrice générale, Marie-Pierre Luigi (IGAENR) a été chargée d'animer un groupe de travail avec des personnels de direction, mais, selon les informations recueillies par ToutEduc, elle a reconnu que le problème était "très compliqué". De fait, chaque établissement est en recherche de solutions depuis plusieurs semaines, mais quatre profils semblent apparaître. 

- Certains, dans l'esprit de la réforme, veulent que toutes les combinaisons puissent être offertes, une centaine pour un établissement qui proposerait les 11 enseignements de spécialité. Les matinées sont réservées aux enseignements du tronc commun et les après-midi aux enseignements de spécialité qui sont donc tous "en barrettes". Toutes les spécialités sont proposées les lundis après-midi, puis à nouveau les mardis après-midi, les jeudis après midi, et encore les vendredis après-midi. Pour éviter que les élèves aient le même enseignement, notamment en mathématiques, 4h de suite, ces barrettes sont divisées en deux plages de 2h.

- Avec le même souci, offrir toutes les combinaisons possibles à tous les élèves, d'autres établissements répartissent les enseignements de spécialité dans la semaine, par exemple mathématiques le lundi matin, "Humanités, littérature et philosophie" l'après-midi... La semaine comptant 11 demi-journées (avec le mercredi après-midi et le samedi matin), toutes les spécialités peuvent être proposées. Les élèves suivent les enseignements du tronc commun sur les demi-journées correspondant aux enseignements qu'ils n'ont pas choisis, ce qui tend à homogénéiser les classes.

- D'autres établissements se fondent sur l'enquête qu'ils ont menée auprès des élèves de seconde au premier trimestre, affinée à l'occasion du conseil de classe du 2nd trimestre, pour ne proposer que 20 ou 25 "triplettes", en éliminant les combinaisons qui n'intéressent qu'un ou deux élèves. La triplette "maths - physique chimie - SVT" rassemblerait un quart des demandes. Les disciplines plébiscitées seraient maths, physique - chimie et "Histoire géographie géopolitique et sciences politiques". En revanche, l'enseignement "littérature, langues et cultures de l'antiquité" serait peu demandé.

- D'autres encore se fondent sur les attendus de l'enseignement supérieur (voir ici les "horizons" définis par l'ONISEP) C'est ainsi que l'un des établissements (gros établissement de centre ville) que nous avons interrogés propose 4 "parcours" et pour chacun deux enseignements de spécialité, et un 3ème au choix. Ainsi, pour ceux qui envisagent une poursuite d'études dans les domaines "arts et humanités", les deux "majeures" sont "Humanités, littérature et philosophie" et HGGSP (Histoire - géographie - géopolitique et sciences politiques), auxquels ajouter "Langues, littérature et cultures étrangères"(ou LLC de l'antiquité, ou "arts"... Ceux qui envisagent de faire des sciences humaines, de l'économie - gestion, de la sociologie, de la psychologie ou des STAPS, ont pour majeures "Sciences économiques et sociales" et "Mathématiques" et le choix entre langue vivante (anglais), sciences de la vie et de la Terre, NSI (numérique et sciences informatiques), arts... Autre parcours possible, Sciences, médecine, STAPS, architecture, design : les deux majeures sont Mathématiques et Physique-Chimie, et les élèves ont ensuite le choix entre Anglais, SVT, NSI, arts. Enfin, ceux qui pensent faire plus tard psychologie, Staps, géographie, développement durable, peuvent prendre "HGGSP" et SVT et ensuite SES, ou mathématiques, ou anglais, ou espagnol, ou arts plastiques.

Les petits établissements ont beaucoup de mal à répondre à la demande pour certaines spécialités pourtant très demandées, notamment pour l'enseignement "numérique et sciences informatiques" pour lequel les enseignants manquent.

Pour mettre en place une barrette pour les options, certains établissements n'auront pas d'autre solution que le mercredi après-midi, donc aux dépens des activités sportives organisées par l'UNSS. 

Les personnels de direction se heurtent ensuite à la difficulté de constituer des emplois du temps, une tâche impossible à faire sans l'aide d'un logiciel. EDT, déjà éditeur de "pronote", en a conçu un qui y aide, mais ne résout pas la difficulté de constituer des classes (le groupe de référence pour les enseignements communs) qui mêlent les élèves ayant choisi des "triplettes" différentes sans compliquer trop la fabrication des emplois du temps. Il serait en effet plus simple de regrouper tous les élèves qui ont choisi "Maths, Physique - Chimie, SVT" et de reconstituer ainsi la filière S. Mais, outre que ce serait contraire à l'esprit de la réforme, Parcoursup prenant en compte le classement des élèves, les élèves de ces classes seraient désavantagés.

Il faut aussi compter avec les autres enseignements du tronc commun qui supposent l'usage des salles de laboratoire, l'accès aux installations sportives, autant de contraintes qui pèsent sur la fabrication normale des emplois du temps. La semaine commence en général le lundi à 8h pour se terminer le vendredi à 18h, avec ou sans le mercredi après-midi, mais avec parfois le samedi matin, soit des semaines de quelque 50h. Il ne semble pas y avoir de simulations d'emplois du temps réalisées dans cette perspective, mais selon un bon connaisseur du dossier, "ils seront moins satisfaisants" qu'aujourd'hui, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves, "dans la mesure où ils auront des trous".

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →