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Quelle gouvernance pour le changement en éducation ? (dossier de veille de l'IFE)

Paru dans Scolaire le jeudi 28 février 2019.

L'expression "mode de gouvernance" a fait florès depuis quelques années "pour traduire le passage d’un pilotage descendant et très centralisé (...) à un pilotage réparti entre une plus grande pluralité d’acteurs et susceptible d’intégrer des initiatives ou des traductions locales issues de certaines marges d’action autonomes de ces acteurs" constate Olivier Rey dans le dernier dossier de veille de l'IFE-ENS consacré au "pilotes et pilotage" de l'éducation.

Il ajoute qu'en matière de pilotage, "le fait de prescrire ne suffit pas". Encore faut-il que les acteurs de la mise en oeuvre disposent "d’espaces formels (leur) permettant de confronter leurs conceptions, leurs manières de faire et de voir", d'ancrer leur discussion "dans le réel du travail", de "mettre en discussion des conceptions, souvent implicites et différentes, de la qualité de (leur) travail". Dans le contexte français d'une "intégration croissante mais modérée" des établissements scolaires dans leur environnement local et d'une autonomie "de plus en plus invoquée mais encore timide de l’établissement", l'auteur s'interroge sur les évolutions "de la fonction et du métier de chef d’établissement", mais aussi des différentes strates de la hiérarchie. "La mise en œuvre des réformes, le déploiement de certains dispositifs ou tout simplement l’amélioration des pratiques éducatives reposent la plupart du temps sur des évolutions globales et systémiques qui incluent aussi bien des acteurs 'à la tête' du système que certains qui sont situés 'à la base' (...)", qu'il s'agisse des inspecteurs généraux ou des inspecteurs de circonscriptions.

 La science du constat chiffré

L’autonomie et la responsabilisation des établissement supposent en contrepartie "une évaluation partagée à partir d’indicateurs et de systèmes d’information" et tend à "privilégier une régulation générale du système par les résultats". En ce qui concerne la situation française du moins, on a assisté à une évolution des institutions nationales. Les inspections générales, l'INRP et le CIEP se sont retrouvées en compétition avec la DEPP et l'IREDU et elles ont perdu leur "quasi-monopole" sur l’évaluation du système éducatif au profit d'une "science du constat chiffré".

Quant au chef d''établissement, il "inscrit désormais sa carrière dans une temporalité marquée par la mobilité (possible à partir de 3 ans, avec impossibilité de rester plus de 9 ans dans le même poste)(...), et liée à l’évaluation individuelle de son action au regard d’objectifs fixés en concertation avec les autorités académiques". Il doivent "rendre compte à leur hiérarchie de la façon dont ils mettent en œuvre les objectifs nationaux" en renseignant "de multiples tableaux de bord et remontées d’informations". Nous sommes "bien loin de l’idée d’une sphère de décision idéale constitutive de l’autonomie de l’établissement".

On assiste d'ailleurs, dans de nombreux pays, à une nouvelle répartition entre le niveau national à qui revient "la définition des objectifs éducatifs, des programmes d’accountability et du cadrage financier de la répartition des moyens" tandis que "les activités opérationnelles, le management des ressources humaines et des activités éducatives relèvent plutôt de l’autogouvernance des praticiens au niveau des établissements". Dans de nombreux pays, à part la Finlande "jusqu’en 2016 du moins", "les conseils scolaires se concentrent sur les questions de gestion et de management, puisque l’État a fait remonter la question des standards et du curriculum au niveau national".

La direction et les pairs

Mais quelles sont les logiques "les plus efficaces" pour le changement? Une recherche menée en Belgique à l'occasion d'une réforme visant à développer des alternatives au redoublement, réforme "non obligatoire" fondée sur "une proposition de ressources et de formation dont les acteurs éducatifs pouvaient se saisir", a montré que "les outils pédagogiques diffusés au sein du dispositif ont eu l’effet structurant escompté sur les échanges entre enseignants", mais "que la réforme se généralisait rarement à l’ensemble de l’équipe enseignante, à moins que celle-ci ne dispose d’une direction ou d’un leader pédagogique qui conduise ce processus de diffusion (...). La réforme représente une charge de travail lourde à porter par les directions, mais le projet ne perdure que rarement lorsque la direction n’assure pas un soutien actif."

Les réseaux sociaux enseignants favorisent-ils ou au contraire font-ils obstacle "à la diffusion de réformes ou de changements éducatifs" ? "On connait ses collègues immédiats, ceux avec qui on a l’occasion de collaborer quand on partage une même discipline ou un même groupe d’élèves, mais rarement les autres." Une mise en réseau permet de "découvrir l’expertise éventuelle des autres collègues sur tel ou tel point". Ce sont alors "ces collègues experts qui permettent la formation de liens et non plus les formateurs ou les chefs d’établissement".

"Pilotes et pilotages dans l'éducation", Olivier Rey, dossier de veille de l'IFE n° 128 ici

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