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Les chercheurs en éducation peinent à se faire entendre des politiques (Agathe Cagé)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le dimanche 13 janvier 2019.

Une légende tenace voudrait que les chercheurs, notamment en sciences de l'éducation, imposent leur loi au ministère de l'Education nationale. Agathe Cagé porte témoignage de son peu de fondements, même si, dans son essai, "Faire tomber les murs entre intellectuels et politiques", elle s'intéresse davantage au peu d'échos que trouvent rue de Grenelle les travaux des sociologues. "Les voix qui portent à l'oreille des politiques sont d'abord et avant tout celles des administrations de l'Education nationale - dont on doit souligner l'immense qualité tout en disant leur méfiance, parfois, à l'égard des résultats de la recherche -, et celle, profondément conservatrices, des commentateurs médiatiques."

L'ancienne élève de l'ENS et de l'ENA vise plus particulièrement l'un d'entre eux. "Des constats partagés (par les chercheurs sur le poids des origines sociales, ndlr), il paraît impossible de tirer dans notre pays, en matière scolaire, un programme de politiques publiques ambitieux qui ne suscite pas immédiatement une levée de boucliers dès lors qu'il se donne comme priorité l'appui aux moins favorisés. Alain Finkielkraut continue à être invité sur les plateaux télévisés et dans les studios de toutes les radios pour se répandre en syllogismes absurdes (...) Malheureusement, les arguties réactionnaires diffusent et ancrent dans l'opinion publique l'idée que des politiques visant à casser le déterminisme social qui gangrène le système scolaire français seraient nécessairement des politiques de nivellement par le bas." Le producteur de Répliques n'est pas le seul. "J'avoue être restée stupéfaite d'entendre en 2015 des historiens aussi reconnus et brillants que Patrice Gueniffey ou Pierre Nora reprendre à leur compte des informations non vérifiées (...) sur une étude de la chrétienté qui serait devenue facultative dans les programmes d'histoire des collégiens, chassée par la soi-disant introduction de celle de l'Islam."

A contrario, Agathe Cagé évoque à plusieurs reprises l'exemple de Patrick Weil. Sa proposition, permettre aux meilleurs élèves de chaque lycée d'intégrer une filière sélective, ne coûtait rien. "Intellectuel hybride", aussi à l'aise, du fait de son parcours, avec les universitaires, les politiques et les administrateurs, excellent connaisseur de tous les codes, apte à traduire les propos des uns pour qu'ils puissent être entendus par les autres, il lui a fallu huit ans pour la voir devenir réalité. Huit années perdues, "ce sont des milliers de jeunes (...) auxquels on a retiré, chaque année d'inaction, une chance d'accéder par la force de leur mérite scolaire à des études supérieures".

L'auteure a "servi dans leurs cabinets trois ministres", V. Peillon, B. Hamon et N. Vallaud-Belkacem, et ceux-ci, commente-t-elle, n'ont pas "totalement su renverser la table". Elle n'en reste pas moins convaincue que seule une réelle alliance "entre intellectuels et politiques" pourra "faire tomber les murs".

"Faire tomber les murs entre intellectuels et politiques", A. Gagé, Fayard, (dans la collection "raison de plus" dirigée par Najat Vallaud-Belkacem), 260 p., 19€

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