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En France, on "punit énormément" (B. Moignard devant la Commission des affaires culturelles du Sénat)

Paru dans Scolaire le mercredi 12 décembre 2018.

"La France est un pays qui punit énormément", contrairement aux idées reçues, estime Benjamin Moignard. Le chercheur (Paris-Est) était entendu ce 12 décembre par la commission des affaires culturelles sur le thème de la violence dans les établissements scolaires. Les élus souhaitaient analyser le phénomène #PasDeVague. Il a été applaudi, bien qu'il ait tenu des propos qui allaient souvent à l'encontre du sentiment dominant. Il fait notamment remarquer que la moitié des collégiens français ont été "collés" dans l'année, contre 21 % en Angleterre, 17 % en Allemagne, 15 % en Espagne. 10 % des collégiens ont connu une exclusion temporaire, contre 2 % "ailleurs".

Benjamin Moignard souligne encore que les pratiques varient du simple au décuple d'un établissement à un autre, pourtant comparable au premier, les taux d'exclusions allant de 6,7 % à 64 %. Autre élément d'information donné par l'universitaire, les violences scolaires sont stables depuis la fin des années 90, mais elles sont concentrées dans certains établissements, puisque 40 % des faits sont recensés dans 10 % d'entre eux. Enfin, il souligne que, depuis le milieu des années 90, on compte 12 à 14 plans anti-violence, tous plus ou moins sur le même schéma, non évalués mais pareillement inefficaces. On sait d'ailleurs que les programmes du type "tolérance zéro" ne fonctionnent pas. C'est la stabilité des équipes pédagogiques et les partenariats que noue l'établissement avec son environnement qui sont les prédicteurs d'un climat social apaisé tandis que le sentiment d'injustice, que peut nourrir la surenchère des punitions et sanctions, produit l'effet inverse, surtout lorsqu'elles s'inscrivent dans "une routine".

Un effet de notre passion pour l'école ... et les diplômes

Dès lors, comment expliquer "que ce mouvement de libération de la parole des enseignants, né en réponse à l’agression d’une professeure à Créteil, révélée le 21 octobre, (se soit) traduit par une mobilisation massive et très rapide, comparable à #BalanceTonPorc", comme l'écrivent les sénateurs ? B. Moignard note d'abord que "dans les pays où l'école ne compte pas", le niveau des violences est beaucoup plus faible. Celles-ci sont un effet de "notre passion pour l'école" et du poids du diplôme pour la carrière.

C'est d'ailleurs assez mal vécu par les chefs d'établissement eux-mêmes, à qui on demande de gouverner sans avoir les moyens de cette gouvernance et qui "ne sont soutenus par personne". Ce sentiment de solitude se retrouve aussi chez les enseignants : "les collectifs enseignants n'existent pas", sauf dans des lieux comme les micro-lycées où les professeurs se portent volontaires et sont recrutés sur la base de leur adhésion à un projet. La France est de plus "le seul pays" qui envoie les plus jeunes dans les établissements les plus difficiles. Ce n'est pas tant leur jeunesse qui fait problème que le turn over que cela provoque. Il ajoute que ce moment où un enseignant arrive dans le bureau du chef d'établissement pour demander une sanction contre un élève est le seul où puisse se manifester une solidarité entre eux.

Pour Catherine Morin-Desailly (Union Centriste), présidente de la commission, "le mouvement #PasDeVague révèle avant tout un besoin d’écoute et de considération des professeurs. Il illustre clairement certains des problèmes structurels de notre système éducatif." L’examen du projet de loi pour une école de la confiance "sera l’occasion pour le Sénat d’œuvrer pour remédier à ces déficiences graves", notamment en termes d'évolution des métiers et de formation des enseignants : "Il est temps de s’en préoccuper", conclut la sénatrice.

Le site du Sénat ici

 

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