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Projet de loi pour une "Ecole de la confiance" : ce que nous apprend l'étude d'impact

Paru dans Scolaire le dimanche 09 décembre 2018.

L'étude d'impact annexée au projet de loi "pour une école de la confiance" donne un certain nombre d'informations ou de précisions qui n'ont pas été présentées jusqu'ci. En voici l'essentiel.

Le sens de l'expression "école de la confiance". A ce jour, "aucune disposition législative ne consacre à ce jour l’importance" du lien "de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants". L'importance de ce lien est pourtant soulignée par une décision du Conseil d’Etat (18 juillet 2018) qui s'est appuyé sur "l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs" et sur cette notion de confiance pour justifier une décision de révocation prise par l’administration à l’encontre d’un enseignant.

L'obligation d'instruction à 3 ans devrait amener la scolarisation de quelque 26 000 élèves supplémentaires, ce qui correspond "à environ un millier d’emplois", mais la baisse démographique concomitante du nombre d’élèves et la répartition de ces mouvements sur un nombre très important de classes limiteront les ouvertures de classes et le besoin réel d’emplois supplémentaires à quelques territoires (en Guyane et à Mayotte notamment)". Cette obligation "conduira par ailleurs à scolariser davantage d’enfants âgés de trois, quatre ou cinq ans en situation de handicap", mais "l’estimation de leur nombre est particulièrement complexe". L'étude d'impact estime à quelque 500 le nombre des emplois "consacrés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap (qui) seraient mobilisés pour mettre en oeuvre la présente mesure", estimation qui "doit être minorée au regard de la baisse tendancielle globale des effectifs scolarisés".

"Si l’allocation de rentrée scolaire demeure versée à partir de l’âge de six ans, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit le prolongement du bénéfice du complément mode de garde à temps plein jusqu’à l’entrée effective en école maternelle. Actuellement, le complément mode de garde, qui couvre une partie des frais de garde qui sont engagés par les familles pour la garde de leur(s) enfant(s), est diminué de moitié lorsque l’enfant gardé est âgé de trois à six ans (...) Le Gouvernement propose de prolonger le droit au complément mode de garde à taux plein entre le 3ème anniversaire de l’enfant et son entrée à l’école préélémentaire. Cette évolution représente un gain potentiel de 234 € par mois pour une famille employant un assistant maternel pour la garde de son enfant."

"L’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire constitue pour les collectivités territoriales une extension de compétences (...). La mise en oeuvre du régime de contribution des communes au financement de l’enseignement privé sous contrat avec l’Etat (forfait communal) sera également impacté", de même que "l’organisation et le fonctionnement des transports scolaires". Ces impacts sont estimés "à environ 100 M€ pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement supplémentaires des communes susceptibles d’être accompagnées par l’Etat". Le "surcoût brut des dépenses de fonctionnement" pourrait donc être "plus que compensé par la baisse de la démographie pour l’ensemble du premier degré" mais ce raisonnement ne vaut pas "sur certains territoires", comme Mayotte et la Guyane, "et dans certaines communes en hausse - ou moindre baisse – démographique". Le coût "pour les écoles publiques peut à ce stade être estimé à 50 M€". Pour l’enseignement privé, "la situation est extrêmement diversifiée". Le montant du forfait serait, selon une étude réalisée par le secrétariat général de l’enseignement catholique de 1 050 € par enfant ("il s’agit d’un coût évaluatif résultant d’un échantillon partiel à affiner selon les territoires"). Or 12 531 élèves de maternelle "sont résidents de communes n’émargeant à aucun forfait, ce qui représente un montant total de 13,16 M€. Par extrapolation, le coût de l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire pourrait atteindre entre 40 et 50 M€ pour l’enseignement privé."

Pour les communes, "l’impact financier sera neutre avec, temporairement, un décalage de trésorerie entre les dépenses engagées par les communes en année N et le versement, après instruction, de l’accompagnement".

Le développement consacré aux établissements publics locaux d’enseignement international révèle que plusieurs projets sont actuellement "en gestation". Il s'agit de "l’école européenne agréée de Paris la Défense, implantée au sein du lycée Lucie Aubrac de Courbevoie" qui "ouvrira ses portes à la rentrée 2019" pour "accompagner le transfert de l’Autorité bancaire européenne, actuellement implantée à Londres". Une seconde école européenne agréée sera également ouverte à la rentrée 2019 au sein du lycée international Montebello de Lille tandis qu'à Marseille, les collectivités portent un projet de cité scolaire internationale. La nécessité de légiférer tient au faut que les écoles primaires ne sont pas des établissements publics alors que, "pour les familles, la continuité pédagogique est un gage de cohérence" et que le regroupement de classes du premier et du second degrés permettra de renforcer la gouvernance et la gestion de ces établissements. De plus, ces établissements pourront recruter, "via le rectorat, des professeurs associés disposant de qualifications spécifiques".

En ce qui concerne l'expérimentation pédagogique, l'étude d'impact fait valoir que celle-ci est actuellement régie par des dispositions éparpillées dans plusieurs chapitres du code l'éducation. "Une règle de droit nouvelle" décrira "la possibilité de mener des recherches en milieu scolaire", imposera "la nécessité de mesurer les effets des dispositifs mis en oeuvre" et élargira le champ des expérimentations qui doivent "pouvoir se déployer facilement", "en toute sérénité et en toute confiance". Sera confiée "au recteur d’académie la responsabilité d’autoriser ou non des expérimentations". Le projet "maintient la possibilité pour les familles de choisir un établissement ne pratiquant pas d’expérimentation en cas de non adhésion au projet porté".

Le développpement consacré au futur Conseil d’évaluation de l’Ecole et au CNESCO souligne que le Conseil national d’évaluation du système scolaire "a produit de nombreuses évaluations", mais que "son positionnement ne lui a pas permis de diffuser, au sein du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, une véritable culture de l’évaluation". Le nouveau conseil d’évaluation de l’Ecole "aura notamment pour mission de produire le cadre méthodologique et les outils d’évaluation régulière des établissements conduite par le ministère de l’Education nationale". Ce ne sera pas une autorité administrative indépendante "compte tenu de la nécessité de placer la nouvelle instance au coeur du ministère". Des représentants des usagers pourront être "associés pour apporter leur regard sur les aspects vie scolaire, communication et qualité des relations externes. Ces experts ne seraient pas des personnels à plein temps mais des experts formés à l’évaluation et mandatés pour des missions ponctuelles."

Pour chaque évaluation d’établissement, le groupe pourrait être constitué de deux à quatre personnes et celui-ci effectuerait cinq évaluations par an : il faudrait donc "environ 400 équipes au niveau national - soit environ 1600 experts évaluateurs - pour couvrir les 2000 visites annuelles nécessaires pour évaluer les 7800 établissements publics locaux d’enseignement et les établissements privés volontaires sur quatre ans.

Le nouveau Conseil d’évaluation de l’Ecole remplace le Conseil national d’évaluation du système scolaire et s’accompagne de la suppression du Conseil national éducation économie.

Les ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) n’adossent pas suffisamment leurs formations à la recherche universitaire, les équipes "ne sont pas assez plurielles (manque d’intégration des enseignants-chercheurs des autres composantes de l’université)" et "l’expérience des professeurs de terrain" ne constitue pas un point d'appui suffisant. Les futurs INSPE (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) mettront en oeuvre "un curriculum de formation initiale progressif, étalé sur plusieurs années dès la licence et incluant un renforcement et un soutien des compétences durant les premières années d’entrée dans le métier". Le texte évoque aussi "l'implication forte des chefs d’établissement, des formateurs de terrain et des professionnels".

A noter qu'un arrêté du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse fixera "la liste des écoles et établissements jugés aptes à bénéficier d’une délégation de certaines missions de formation des INSPE". Les missions qui seraient déléguées ne sont pas précisées.

A l'occasion du développement sur les motifs qui permettent à l'administration de radier des cadres sans procédure disciplinaire préalable "certaines catégories de personnels exerçant quotidiennement leurs fonctions avec des mineurs", les professeurs des écoles et les PLP mais pas les enseignants du second degré général, on apprend qu'en 2014 deux professeurs des écoles 1 professeurs de lycée professionnel ont été radiés, en 2015, 7 PE et 2 PLP ; en 2016, 3 PE et 1 PLP ; en 2017, 3 PE et 1 PLP.

Le développement consacré à l'attractivité du métier d'enseignant et à la pré-professionnalisation évoque une "hausse des démissions ou des licenciements de stagiaires". Le nombre de démissions annuelles de stagiaires a doublé en cinq dans le premier degré (passant de 322 en 2012 à 694 en 2017) tandis que leur nombre dans le second degré est passé de 447 à 527. "Parallèlement, le dispositif des assistants d’éducation peine à rencontrer son public cible. En effet, seuls 29 % des assistants d’éducation bénéficient du statut d’étudiant. Parmi eux, seuls 24 % sont boursiers." Les étudiants en L2 pourraient se voir confier, outre des périodes d'observation, des "co-interventions ponctuelles sur des séquences pédagogiques", l' "encadrement d’activités adaptées et préalablement organisées, notamment en cas d’absence ponctuelle et prévue", une "participation à l’aide aux devoirs et aux leçons, notamment dans le cadre du dispositif devoirs faits", y compris s’il est étendu au premier degré.

Les divers conseils, "et tout particulièrement les conseils académiques de l’éducation nationale" font de longue date l’objet de critiques récurrentes quant à leurs dysfonctionnements (...) En dépit des critiques, les conseils de l’éducation nationale demeurent à ce jour le seul lieu où l’ensemble des partenaires de l’éducation peuvent se rencontrer, et le seul endroit autre que l’assemblée de la région (ou du département) où le conseil régional (ou le conseil départemental) peut exposer sa politique en matière d’éducation".

Le projet de loi permettra de sécuriser la pratique actuelle de compensation opérée entre les bourses de lycée et les frais d’hébergement et restauration alors qu'actuellement chaque lycée, devrait solliciter l’accord des familles "afin de pouvoir utiliser la bourse par subrogation pour couvrir le paiement des frais d’hébergement et/ou de restauration", ce qui "évite aux familles des élèves boursiers de faire l’avance de ces frais".

L'étude d'impact peut être téléchargée ici

 

 

 


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