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R. Goigoux et D. Cau-Bareille exhortent les enseignants à reprendre la main sur leur métier (colloque du SNUIPP)

Paru dans Scolaire le vendredi 30 novembre 2018.

"Aujourd'hui : il y a un mouvement de caporalisation de l'école. Alors que partout ailleurs dans le monde du travail, il y a plutôt développement du management participatif, co-construction  de solutions", s'exclame Roland Goigoux. L'universitaire intervenait, hier 29 novembre, au colloque organisé par le SNUIPP-FSU sur le thème "Enseigner : un métier de conception ou d’exécution ?" (voir ToutEduc ici). Pour lui, on en revient à une reprise sous tutelle des enseignants "parce que l'institution croit savoir ce qu'il est bon de faire" alors que les sciences cognitives n'ont pas de traduction immédiate dans les classes. 

En ce qui concerne le dédoublement des classes de CP, "le mode de prescription est double : les programmes et les évaluations. Il y a un accroissement de la prescription, non seulement sur le cadre mais aussi sur les pratiques." Il insiste sur la pression exercée sur les enseignants : "il est difficile de résister car l'argument est 'C'est la science qui parle'. Qui sont les enseignants en classe pour le remettre en cause ?", même si "il ne faut outrepasser ses conclusions". Il ajoute : "Des outils de remédiation standardisés vont arriver, avec une précision du nombre de correspondances graphèmes-phonèmes par période jamais atteinte". Il faudrait plutôt encourager les échanges au sein des équipes ou la transmission de ressources entre collègues, "concevoir des outils qui prennent en compte les apports de la science" mais en se gardant des approches statistiques et des démarches unifiantes.

Dominique Cau-Bareille, ergonome, intervenant l’après-midi sur la problématique de la santé au travail et du "bon travail" explique que, quand elle va sur le terrain, elle est "à chaque fois étonnée du déni ressenti de l'expérience et de la professionnalité des enseignants". Elle ajoute que les plus jeunes bénéficient a priori d'une plus grande reconnaissance de leur technicité et de leur efficience : "Comment dans ces conditions une transmission est-elle possible ? Pense t-on dans d’autres métiers que pour les maçons par exemple la transmission s’effectue par les jeunes ? Quels sont les critères du 'bon travail' ? Chaque acteur du système a sa propre conception et ces conceptions peuvent entrer en tension."

Elle pointe les évolutions récentes : "Les enseignants sont pris dans des dilemmes de multiples prescriptions : hiérarchie, familles, élèves, mairie..." Elle ajoute qu' "avec la multitude des injonctions contradictoires, certains disent  ‘Je ne sais plus faire mon métier, je ne sais plus dans quelle direction aller’."

Il faut  donc "parler du coût humain du travail, ce que c'est que de tenir la diversité des élèves, tous ceux qui ont des besoins spécifiques." Il faut "faire un travail qui nous ressemble, qui fasse sens. Reprendre la main, de façon collective." Il faut "parler des formes de pénibilité invisibles, que l'on banalise" Elle souhaite que  s'inventent "des stratégies par lesquelles on va redonner du sens à son travail" et elle exhorte les enseignants à "reprendre la main sur leur travail en (s')appropriant la prescription, avec au cœur la notion du travail de qualité".

Michel Delachair

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