Evaluations CP - CE1 : premiers résultats et premières contestations
Paru dans Scolaire le lundi 15 octobre 2018.
Le ministère de l'Education nationale publie les "premiers résultats des évaluations nationales des acquis des élèves de CP et de CE1". En début de CP, "23 % des élèves ont des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu’elles produisent", "8% ont des difficultés à reconnaître les nombres dictés". En début de CE1, "30 % des élèves lisent moins de 30 mots par minute, alors que l’objectif national est de 50 mots. De même, 49 % d’entre eux ont des difficultés pour effectuer des additions et des soustractions et 57 % ont des soucis pour résoudre des problèmes." Une "analyse approfondie des résultats de ces évaluations" sera publiée "en janvier prochain".
Pour sa part, le SE dénonce une "instrumentalisation politique" de ces évaluations "à l’heure même" où le ministre "présente son projet de loi pour l'École de la confiance". Le syndicat UNSA des enseignants rappelle qu'il doute "de l’utilité pédagogique de ces évaluations, tout comme de la pertinence de certains exercices et donc de la fiabilité des résultats", il ajoute que les enseignants "ont travaillé et fait travailler leurs élèves sur ces évaluations parfois chronophages en classe, puis après la classe avec une saisie des réponses qui leur a demandé beaucoup de temps, faute d’un dispositif technique bien conçu".
Le SNUIPP de son côté publie quelque 500 témoignages d'enseignants qui dénoncent "des contenus et des consignes de passation inappropriés" et qui ont dû faire "face aux difficultés et au stress de leurs élèves", tel celui qui écrit (p. 98 du recueil) "Ce fut un supplice pour nous enseignants comme pour les enfants. Les élèves découragés ne parvenaient plus à réfléchir correctement au bout du 4ème exercice (...) Les exemples étaient mal choisis à mon sens, il n’ont eu pour effet que d’induire les enfants en erreur." L'enseignant en question n'est pourtant pas hostile, par principe, aux tests puisqu'il suggère de "positionner les exercices de calcul mental à la fin du livret et les problèmes en tout début de séquence" pour un enchaînement "judicieux" des exercices".
Les enseignants se sont de plus heurtés à "des obstacles importants" pour saisir les résultats : "J’ai passé 5 heures pour rentrer les résultats de huit élèves simplement pour le cahier n°1 !" Un autre écrit : "Pour la première fois de ma carrière, j'ai eu envie de démissionner. Démissionner d'un emploi qui n'est pas le mien : faire passer des évaluations dont je ne comprends pas le but et les saisir comme un robot."
Le syndicat fait valoir que, "dans de nombreuses classes le protocole de passation n'a pas pu être respecté pour ne pas placer les élèves en situation d'échec", et que "les résultats seront peu fiables et non exploitables". Il s'interroge sur les finalités de ces évaluations : "l'hypothèse de la mise au pas des enseignants pour faire passer au forcing des réformes contestées par la communauté éducative reste privilégiée."
A noter encore que plusieurs organisations CFDT, CGT, FSU, UNSA, la FCPE, la PEEP, l'UNL, les CEMEA et le CNAJEP avaient adresssée au ministre, le 11 octobre, un courrier pour lui faire part de leur "très forte inquiétude à l’idée que le Cnesco cesse son activité dans ses modalités actuelles, garantes de son indépendance". Les signataires se fondent notamment sur l'avis du Comité d’évaluation des politiques publiques de l’Assemblée nationale "qui évalue très positivement l’action du Cnesco".
Pour sa part, dans le quotidien La Montagne, Roland-Goigoux, professeur à l'université de Clermont, estime que l'évaluation ne montre pas que 23 % des élèves en début de CP "auraient des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu'elles produisent", mais qu'ils échouent à un exercice qui "ne correspond ni à la tradition scolaire des évaluations, ni aux tests psychologiques standardisés (...) Il était normal et prévisible qu’ils échouent (...) La solution proposée aux enseignants pour remédier à cet échec a été publiée mercredi dernier sur le site Eduscol : Il s’agit d’apprendre aux élèves à lire ! Les enseignants n’y auraient sans doute pas pensé seuls." (le site de La Montagne ici)