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Inclusion : inflation du discours tandis que les exclusions progressent (Revue internationale d'éducation - CIEP)

Paru dans Scolaire le dimanche 14 octobre 2018.

"Une culture partagée de l'inclusion reste à construire." Cette formule d'Alexandre Ployé (Paris Est-Créteil) illustre le problème posé par le dossier du dernier numéro de la Revue internationale d'éducation, "accueillir tous les enfants à l'école". Le titre dit bien que la question de l'inclusion ne se limite pas au handicap. Au Mali, l'exclusion touche les filles, au Laos, elle touche de plus les minorités ethniques, aux USA, le pourcentage d'enfants afro-américains qui se retrouvent dans les classes de l'éducation spécialisée témoigne d'une autre forme d'exclusion, tandis qu'en Israël, les enfants palestiniens ne sont pas à égalité avec les enfants juifs...

L'exclusion prend des formes multiples, et qu'on parle d'inclusion, que les Nations unies l'inscrivent même à leur agenda 2030 en dit, en creux, l'importance. Elle est ici politique, ailleurs raciale, ou genrée, et elle est plus ou moins visible. Dans les pays en voie de développement, souligne Abdeljalil Akkari (université de Genève), coordonnateur de ce numéro avec Valérie Barry (Paris Est-Créteil), elle est évidente. Elle est parfois plus subtile, elle prend le visage de l'orientation, et l'école exclut, mais garde les exclus dans ses murs. Les lois sont souvent excellentes, comme au Brésil, où ce sont les moyens qui manquent, ou en Suisse où les droits des individus sont pléthoriques et où les enseignants ne savent plus comment faire face à des postulats contradictoires : "d'un côté des signalements d'élèves, des dépistages, des orientations, des sélections de plus en plus précoces" et de l'autre, "une poussée prescriptive de l'école normative vers une école intégrative et inclusive".

L'inflation du discours

En réalité, "l'inflation du discours sur l'inclusion s'accompagne, à divers degrés selon les pays, d'un maintien ou d'une aggravation des inégalités scolaires" et "on assiste à un recul de la mixité socioculturelle à l'école un peu partout dans le monde, aussi bien au Nord qu'au Sud". Clairement, il ne suffit pas de mettre les élèves dans une classe. La question de l'inclusion est de nature anthropologique : "tolérer, c'est accepter (malgré soi) la réalité d'autrui, tandis qu'inclure, c'est s'intéresser à autrui, c'est vouloir une construction mutuelle avec lui." C'est aussi lui reconnaître "le droit à être culturellement différent". Mais si les élèves sont très tolérants face à la différence, et voient vite dans l'autre "un élève comme les autres", pour les enseignants, outre qu'ils peuvent être porteurs des mêmes préjugés que le reste de la société, "il n'est pas aisé de faire en permanence preuve d'attention, d'ajustements réguliers et de créativité", d'autant qu'ils doivent "intégrer psychiquement le sentiment d'inquiétante étrangeté" que provoque la rencontre avec autrui.

"Si quelqu'un avait la recette...", soupire Abdeljalil Akkari, qui voit bien que l'école ne peut être inclusive que si la société l'est, mais qui sait néanmoins qu'il est possible d'avancer à la condition de s'appuyer sur l'ensemble des acteurs, y compris les parents, l'administration de l'établissement, les collectivités territoriales, les responsables politiques, le législateur. Il sait aussi que les systèmes scolaires qui produisent des élites plus nombreuses et mieux formées sont ceux qui gardent ensemble les élèves le plus longtemps possible.

"Accueillir tous les enfants à l'école : la question de l'inclusion", Revue internationale d'éducation (CIEP - Sèvres) n° 78, 176 p., 17€

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