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Mineurs enfermés : les sénateurs plaident pour un retour à l'esprit de l'ordonnance de 45

Paru dans Scolaire le lundi 08 octobre 2018.

La mission sénatoriale sur la réinsertion des mineurs enfermés "recommande une refonte de l’ordonnance de 1945, devenue illisible", mais "dans le respect de ses principes fondateurs qui consacrent la primauté de l’éducatif sur le répressif", insistent sa présidente Catherine Troendlé (LR) et son rapporteur Michel Amiel (LREM). Ils précisent que l'augmentation du nombre des mineurs enfermés, 800 qui sont incarcérés, près de 500 placés en CEF (centres éducatifs fermés), "n’est pas la conséquence d’une augmentation de la délinquance des mineurs, qui reste stable", mais qu'elle "s’explique surtout par le recours plus fréquent à la détention provisoire".

Les sénateurs disent s'inspirer des écrits de Michel Foucault sur la prison et la société de contrôle, ils évoquent la CNCDH (commission nationale consultative des droits de l’Homme) qui dénonce une "banalisation de l’enfermement" et rappellent que l’ordonnance de 1945 "envisage l’enfermement comme l’ultime recours". Ils constatent que "le public des jeunes sous main de justice est proche de celui de l’enfance en danger" suivi par l’ASE (aide sociale à l’enfance), et ils regrettent "l’excessive spécialisation constatée depuis une dizaine d’années entre une ASE chargée de la protection de l’enfance et une protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) compétente pour le suivi des seules mesures pénales".

La mission préconise d'ailleurs de "redonner à la PJJ ses capacités d'intervention en matière civile, alors que ces mesures sont aujourd'hui à la charge des services d'aide sociale à l'enfance des départements". Depuis 2007, l’action de la PJJ a en effet été "recentrée" sur le suivi des jeunes placés sous main de justice, au détriment des mesures d’assistance éducative et donc d' "une prise en charge globale et continue des jeunes qui lui sont confiés". Elle recommande également "de redonner toute sa place à la protection jeune majeur pour éviter que l’arrivée à l’âge de la majorité interrompe brutalement le travail socio-éducatif engagé".

Les classes et les internats relais

La mission pose aussi la question de la continuité de l'action des professeurs de l'Education nationale qui "dispensent des heures d’enseignement scolaire dans toutes les structures pénitentiaires", mais qui s'interrompent "pendant les congés d’été". Par ailleurs, le dispositif des "classes relais" ou des "internats relais", "auxquels la PJJ est associée, gagneraient à être développés pour les élèves en voie de décrochage scolaire".

En ce qui concerne les CEF, "la structure la plus coûteuse de la PJJ, avec un prix de journée moyen de l’ordre de 660 euros", ils ""peuvent offrir un cadre propice à un travail éducatif", mais ils sont fragiles, "le départ d’un professionnel, un changement dans l’encadrement, l’arrivée d’un jeune particulièrement difficile peuvent suffire à en détériorer rapidement le bon fonctionnement". Et il ne faudrait pas que l’ouverture de nouveaux CEF s’accompagne "de la fermeture de foyers en milieu ouvert, comme cela a pu être le cas par le passé. Il importe également de préserver les moyens de la PJJ et de veiller à ce que les éducateurs de milieu ouvert accomplissent pleinement le rôle de 'fil rouge' qui doit être le leur auprès de jeunes souvent ballotés de structure en structure".

Voic les recommandations de la mission concernant l'enfermement pénal

Recommandation n° 1 : développer une culture partagée entre les différents intervenants auprès des mineurs - protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), administration pénitentiaire, éducation nationale, personnel de santé, mais aussi services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements - ce qui suppose une volonté partagée au plus haut niveau de responsabilité et l'organisation de formations communes obligatoires.

Recommandation n° 2 : veiller à ce que les CEF ne deviennent pas la solution unique en matière de placement en développant une palette diversifiée de structures d'accueil et en rappelant que l'enfermement doit demeurer une solution exceptionnelle.

Recommandation n° 3 : profiler les postes d'éducateurs en CEF, améliorer la formation spécifique à la prise de poste et revaloriser le régime indemnitaire lié, pour faciliter la mise en oeuvre d'un véritable projet pédagogique.

Recommandation n° 4 : améliorer les conditions d'incarcération des mineurs détenus en remplaçant, à terme, les quartiers pour mineurs (QPM) par de nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ou, à tout le moins, en offrant en QPM le même accompagnement éducatif qu'en EPM.

Recommandation n° 5 : assurer la continuité de l'enseignement scolaire dans les EPM, les QPM et les centres éducatifs fermés (CEF) pendant l'été.

Recommandation n° 6 : veiller à préparer, en lien avec les éducateurs du milieu ouvert qui assurent un rôle de "fil rouge", la sortie de prison ou la fin du placement en CEF et accompagner le mineur à l'issue de la période d'enfermement pour éviter toute "sortie sèche".

Recommandation n° 7 : recodifier l'ordonnance de 1945 pour la rendre plus lisible pour les professionnels et les justiciables et renouer avec son esprit fondateur.

Recommandation n° 8 : à l'occasion de cette réécriture de l'ordonnance de 1945, étudier tout spécialement les alternatives à l'incarcération et les possibilités offertes par la justice restaurative.

Recommandation n° 9 : redonner à la PJJ ses capacités d'intervention en matière civile, alors que ces mesures sont aujourd'hui à la charge des services d'aide sociale à l'enfance des départements, et redonner à la protection jeune majeur toute sa place afin d'éviter des ruptures dans les parcours préjudiciables au travail d'insertion.

Recommandation n° 10 : relancer la coopération entre l'administration pénitentiaire, la PJJ et les acteurs de la formation et de l'emploi pour une meilleure insertion professionnelle.

La mission s'est aussi intéressée à l'enfermement psychiatrique qui a concerné en 2016 quelque 15 000 jeunes âgés de moins de 16 ans. Elle demande que "les soins psychiatriques, pouvant aller jusqu'à l'isolement" soient réservés "au traitement des troubles mentaux avérés" mais aussi que soit prévu une meilleur encadrement des hospitalisations à la demande des parents.

Le rapport "Une adolescence entre les murs : l'enfermement dans les limites de l'éducatif, du thérapeutique et du répressif" (ici)

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