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EPS : il faut redéfinir l'importance de la discipline dans le curriculum scolaire de la maternelle (Fabrice Delsahut et Emmanuel Lefèvre, ESPE Sorbonne Université)

Paru dans Scolaire le jeudi 09 août 2018.

Une "éducation physique de base" dès la maternelle, réellement inscrite dans le curriculum scolaire, "centrée sur le développement des aptitudes fondamentales psychomotrices" et que cet enseignement serve à travailler "une qualité du mouvement" et pas seulement à engager des élèves dans l'action... telles sont les recommandations faites par deux enseignants dans une tribune, intitulée "Plaidoyer pour une éducation physique et sportive à la maternelle", qui a été publiée le 9 juillet 2018 sur le site des Cahiers pédagogiques. "La maternelle constitue ainsi un temps incontournable pour le développement moteur, pour la prise de conscience de soi, de son corps et pour la prise de conscience de son environnement spatio-temporel et des possibilités de s'y adapter", écrivent ainsi Fabrice Delsahut, maître de conférence et membre du Centre de recherche et d'innovation sur le sport (CRIS) de l'université Claude Bernard Lyon 1, et Emmanuel Lefèvre, professeur agrégé d'EPS. "Il faut donc redéfinir l'importance de la discipline dans le curriculum à travers les connaissances liées au corps, mécanique et physiologique, en interaction avec l'intellect et l'affect, au sein d'un environnement matériel et humain multiple et complexe".

Pour ces deux enseignants de l'ESPE Sorbonne Université, cette place est d'autant plus importante que "de nombreuses expérimentations" semblent montrer que l'amélioration du bien-être des élèves, qui joue ensuite sur leur développement personnel, leur qualité de vie globale et leurs trajectoires de vie, "passerait par une place plus importante donnée au corps". Ils plaident donc pour la prise en compte d'un "quatuor de savoirs fondamentaux" : "lire, écrire, compter et se mouvoir". Et, plutôt que de ne se focaliser que sur le CP, pour une valorisation de toute la période qui s'étend de la première section de maternelle au CP, "tant les enjeux moteurs y sont cruciaux".

Des parcours et ateliers mais pas de "pourquoi" et de "pour quoi"

Or, regrettent-ils, si l'école maternelle fait régulièrement l'objet d'études, "ces dernières restent immanquablement ciblées sur des objectifs langagiers, de socialisation" et le développement moteur reste "bien peu pris en compte", tout comme dans les programmes et sur le terrain : le terme EPS (Éducation physique et sportive) est absent dans les textes au cycle 1 (dans les programmes 2015, cet enseignement se rapporte au domaine "Agir, s'exprimer, comprendre à travers l'activité physique") ; de même, si le ministère définit un temps d'activités motrices quotidien (de 30 à 45 minutes) et élabore un document d'accompagnement de plus de 110 pages à l'intention des enseignants, il "peine à définir ce qui relève d'un socle solide d'acquisitions".

De plus, constatent encore les chercheurs, l'apprentissage de la motricité, tel qu'il est mis en œuvre actuellement se limite trop à l'action, le geste technique sportif, au détriment du "pourquoi" et encore moins de "pour quoi". Plusieurs exemples illustrent leur propos. Pour l'attendu de fin de cycle "lancer de différentes façons, dans des espaces et avec des matériels variés, dans un but précis", les enseignants répondent par la mise en place d'ateliers, "variant la nature du lancer et son projectile. À cela s'ajoute un travail sur le respect des règles sécuritaires et organisationnelles. Mais quid des prérequis nécessaires au lancer et des réflexions prospectives en termes de transformations motrices et de construction du schéma corporel ?", s'interrogent-ils. L'attendu "se déplacer avec aisance dans des environnements variés, naturels ou aménagés" "se résume" quant à lui "à des parcours, plus ou moins évolutifs, mais où les notions d'équilibration, d'appuis podaux sont ignorées dans leurs conceptions biomécanique et proprioceptive [qui permettent d'avoir conscience de la position et des mouvements de chaque segment du corps, selon la définition du Larousse].

Introduire et évaluer l'équilibre, l'inhibition, la proprioception, l'adaptation

Or, "l'équilibration, les locomotions, les projections et réceptions d'objets ainsi que les manipulations de ces derniers constituent des unités motrices fondamentales sur lesquelles devraient s'appuyer les programmes", insistent les deux enseignants. À ce titre, par exemple, la danse est intéressante : parce qu'elle permet de combiner des unités motrices (équilibre, formes de locomotion variées, avec ou sans manipulation d’objets), et "fait appel à l'imaginaire de l'enfant et construit la relation à l'autre".

Les deux enseignants regrettent aussi le prédominance du "faire" sur le "comment faire" dans l'évaluation de cette activité à la maternelle. Actuellement, observent-ils, l'enseignant "porte son attention sur l'engagement de l'enfant dans la situation, sur ses capacités à entrer dans l'action".

Les chercheurs prônent plutôt pour la mise en place d'une activité et d'une évaluation qui porteraient sur la "maîtrise corporelle" : cela passe notamment par la prise en compte dans l'activité de l'équilibre, de l'inhibition (contrôle de l'empêchement, de l'arrêt, du freinage, d'un ou de tous les mouvements), de la proprioception et de l'adaptation (gestuelle, lors des déplacements, à l'espace).

Camille Pons

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