Scolaire » Actualité

Le "rapport Filâtre", très sévère sur la formation des enseignants, la voudrait davantage intégrée au système scolaire

Paru dans Scolaire le mercredi 25 juillet 2018.

"L’enseignant débutant se trouve rapidement en difficulté face aux situations de classe, à l’hétérogénéité des élèves et aux contextes d’enseignement. Il faut donc (...) dépasser la référence mécanique aux 'bonnes pratiques professionnelles' mais plutôt favoriser l’échange et la collaboration entre pairs." Ce constat est au coeur du "rapport Filâtre" du nom du président du "Comité national de suivi de la réforme de la formation des enseignants". Il vient d'être publié par l'Education nationale sous le titre "Améliorer la formation initiale des professeurs des écoles".

Autre constat, cette formation ne peut se limiter aux "seules années de master" et "il faut non seulement prolonger la formation durant les deux ou trois premières années d’entrée dans le métier, mais aussi le faire en proposant des outils et des ressources afin que le professeur débutant puisse se positionner et progresser tout au long de sa carrière."

La place du concours

Le comité "n’a pas abordé de manière approfondie la question de la place du concours", mais celui-ci doit être "davantage pensé en lien avec la formation" et "il serait préférable que le concours ou, tout du moins, ses épreuves d’admissibilité, soient placées avant l’entrée en master", donc en L3. Une annexe au rapport définit bien trois périodes, une pour "se préparer à devenir enseignant" et qui correspond le plus souvent (sans que cela soit explicitement écrit) aux trois années de licence, puis une période pour "se former et apprendre le métier", qui dure 5 ans, les deux années de master et les trois premières années d'exercice du métier (dites T1, T2, T3), et enfin toute la vie professionnelle avec formation continue.

La critique de l'existant est sévère : L'année de stage [M2] "qui devrait être une année équilibrée, permettant d’acquérir et de consolider de véritables compétences professionnelles" est souvent une année de surcharge et "de faible reconnaissance du statut de professionnel". Les ESPE ont pourtant le devoir de "préparer véritablement l’enseignant à exercer ses activités professionnelles dans les contextes du 21ème siècle. Or, on ne peut que constater la faible dynamique engagée par nos écoles supérieures du professorat et de l’éducation dans cette direction." Pire, certaines ESPE veulent "à tout prix 'charger' les horaires des maquettes au principe de l’absolue nécessité que tout soit bien 'transmis' au futur professeur des écoles. Cette conception peut sembler légitime au premier abord, mais elle ne correspond pas au schéma d’une formation universitaire professionnelle par alternance."

"Transformer profondément" la formation des enseignants

Il est pourtant clair que les deux années de Master "ne saurait suffire pour que les enseignants débutants maîtrisent pleinement les compétences décrites dans le référentiel (...)", et il faudrait "que le professeur des écoles acquière ce qui lui permet de débuter dans son métier et qu’il ait les clefs pour continuer de se former dans la suite de sa carrière". Le rapport propose donc de "transformer profondément" la formation qui devrait davantage se fonder sur le référentiel de compétences de 2013, lequel "constitue un cadre indispensable pour les formateurs et les membres des corps d’inspection en charge de l’accompagnement et du développement professionnel des enseignants". Il faudrait au minimum "préciser les compétences professionnelles attendues d’un professeur des écoles à l’entrée dans le métier (...). Par exemple, à l’école maternelle et au cycle 2, les premiers apprentissages de l’élève se fondent sur un ensemble d’activités courantes, requérant une véritable expertise pour les professeurs des écoles." Le rapport préconise de mieux définir "le profil du professeur des écoles qui doit être un "passeur de culture", maîtriser les "compétences transversales du 21ème siècle" et prendre en compte les "valeurs fondamentales de l’éducation inclusive", notamment "valoriser la diversité des apprenants".

Le rapport n'évite pas la question de la polyvalence, puisque l'enseignant du 1er degré, doit être apte à enseigner plusieurs matières sans être un spécialiste de chaque discipline. "Il faut en revanche qu’il ait les connaissances de base lui permettant de maîtriser ces disciplines, d’en comprendre les enjeux (...), et qu’il en connaisse les mécanismes d’apprentissage et leur didactique." Le comité préconise d'ailleurs de "développer des parcours spécifiques en licence afin que les futurs étudiants de master MEEF 1er degré bénéficient d’enseignements dédiés aux disciplines fondamentales qu’ils auront à enseigner et lier ces enseignements à des situations professionnelles leur permettant d’appréhender la diversité des situations d’apprentissage et des contextes scolaires".

Une population mal connue

Mais qui sont ces futurs enseignants ? "On est dans un flou fort préjudiciable pour connaître exactement cette population des professeurs des écoles entrants dans le métier (...). Loin d’être une population homogène, ceux-ci sont dans une 'histoire de formation' très différente selon leur cursus préalable et leur mode de préparation au concours" ; il faut "identifier les besoins de formation des étudiants en fonction de leur parcours antérieur" et leur proposer des "tests de positionnement et des plateformes d’apprentissage personnalisé", "développer l’engagement des étudiants et des étudiants fonctionnaires stagiaires dans la construction et le suivi de leur parcours de formation (...) : auto-positionnement, évaluations et suivis partagés, travaux collectifs, certifications..."

Par ailleurs, alors que "les futurs professeurs des écoles doivent bénéficier d’une formation adossée à la recherche" qui devrait "nourrir leur posture professionnelle" et les aider, "tout au long de [leur] carrière, à questionner [leur] pratique", "le mémoire de master MEEF 1er degré ressemble encore trop fréquemment à un rapport de stage". Cette question devrait être posée lors de l'examen des dossiers de renouvellement des accréditations des ESPE.

Les ESPE pourraient s'inspirer des écoles primaires

Plus encore, ces écoles supérieures du professorat et de l'éducation doivent intégrer "les évolutions en cours dans les écoles maternelles et élémentaires". Et le comité plaide "pour une plus forte liaison voire un isomorphisme entre les structures de formation à l’ESPE et les formes scolaires" et pour "le développement de pratiques pédagogiques plus actives, pour la co-intervention, pour l’usage des pédagogies liées au numérique éducatif, pour le travail en équipe, pour l’évaluation bienveillante et exigeante au service des apprentissages, pour l’intégration des résultats de la recherche en éducation…"

Mais surtout, ce rapport plaide pour une meilleure intégration de la formation des enseignants dans le système scolaire : certaines écoles ont compris que l’arrivée d’un stagiaire est une chance puisqu'elle permet de bénéficier "de son apport scientifique, notamment au travers du mémoire, d’expérimentations, de mobilités ou comparaisons internationales". Il faut "repérer les écoles ou les réseaux d’écoles prêts à s’engager dans une démarche d’école au cœur des parcours de formation des futurs professeurs", ce qui suppose de "solliciter davantage les IEN 1er degré et les conseillers pédagogiques de circonscription pour qu’ils interviennent dans les formations", de "développer les mobilités entre l’ESPE et le terrain", à l’initiative de l’université mais avec le soutien du rectorat qui doit "favoriser les fluidités institutionnelles".

Quant à l'ESPE, elle doit constituer "un relais d’innovations et d’expérimentations", être "apprenante" : "L’apprentissage n’est pas seulement individuel, il est aussi collectif et s’étend non seulement aux membres de l’ESPE et de ses partenaires mais aussi aux réseaux auxquels ils appartiennent."

A noter que la plupart des observations et préconisations du comité pourraient s'appliquer à la formation des enseignants du 2nd degré, même si cela n'est pas explicitement dit.

Le rapport ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →