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La créativité comme "levier potentiel des apprentissages" (Revue française de pédagogie)

Paru dans Scolaire le vendredi 01 juin 2018.

"Le fil rouge de ce dossier thématique est donc l’analyse des liens entre processus d’apprentissage et créativité, et de leurs effets l’un sur l’autre". Cette phrase est extraite de l’article introductif et de présentation, rédigé par Isabelle Capron Puozzo (Haute école pédagogique du canton de Vaud, Suisse, Centre de soutien à la recherche), du dossier consacré aux "multiples facettes de la créativité dans l’apprentissage" publié dans le numéro 197 de la Revue française de pédagogie (ici). À partir de données empiriques de nature qualitative, les auteurs problématisent la question de la créativité comme levier potentiel des apprentissages, tout en en présentant également les limites.

Pour l’auteur de l’article, la créativité est souvent cloisonnée hors des disciplines ou réservée aux seules disciplines artistiques. Elle peut ainsi apparaître comme complètement détachée des objectifs disciplinaires. Par ailleurs, en réaction aux tests d’intelligence qui ne mesuraient que le Q.I., sont apparus des tests d’évaluation de la créativité ou encore des méthodes ou programmes éducatifs destinés à stimuler la créativité, ce qui n’a pas manqué d’ajouter de la confusion.

La créativité, le non-conformisme et les comportements perturbateurs

D’autres difficultés, poursuit Isabelle Capron Puozzo, ont été repérées. Tout d’abord, l’enseignement est plus volontiers orienté vers le développement d’une pensée convergente que divergente. Ensuite, les croyances des enseignants sur la créativité entrent en tension avec la conception de l’élève idéal qui répond aux attentes de l’école de manière conforme. La créativité, en effet, est associée au non- conformisme et aux comportements perturbateurs.

Par ailleurs, la créativité n’est reconnue qu’en relation avec son produit. Car les mythes de la créativité persistent encore dans les représentations des enseignants, notamment en lien avec une fausse dichotomie entre créativité "historique" et créativité "ordinaire", qui cristallise l’idée qu’il y a les "créatifs" (l’élite…) et ceux qui ne le sont pas. La créativité est ainsi considérée comme un don extraordinaire dont disposent des individus différents de la norme. Cette vision "romantique" se retrouve dans la conception du "génie de l’artiste, souvent incompris par la société". À cela, se superpose le fait que la créativité implique de prendre des risques en sortant de sa zone de confort.

Des graines dans le désert ?

En outre, les croyances des élèves sur la créativité ne sont pas toujours propices au développement de cette dernière à l’école. Ils ont souvent une faible perception de leur auto-efficacité créative et une faible capacité de gestion de l’incertitude vis-à-vis des tâches qui demandent une prise de risque.

Enfin, l’environnement scolaire est parfois peu ouvert à des pratiques innovantes.

Malgré les difficultés et les résistances évoquées, insiste l’article, il convient de chercher à semer des graines. Il s’agit de ne plus voir les élèves comme des terres fertiles ou arides, symboles d’un eden d’abondance ou d’une étendue désertique où rien ne pousse. Le parallèle est établi avec le formateur qui, lui aussi, sème des graines sur le terrain de la pédagogie de la créativité en espérant y faire pousser des démarches innovantes d’apprentissage, sans pour autant garantir a priori leur réussite. Ici, réside la tension entre le produit et le processus.

Construire une école qui prenne en compte la créativité dans l’apprentissage mérite que l’on s’attelle à défendre cela partout, de la petite enfance à l’université. Tout comme faire en sorte qu’une pédagogie de la créativité devienne un habitus permettrait de former des enseignants encore plus créatifs.

Les élèves d’aujourd’hui sont les citoyens, les employés et, possiblement, les enseignants de demain. Comment les préparer au mieux à affronter le changement ?

Se construire comme acteur

Un important défi est donc à relever pour non seulement concevoir, mettre en œuvre et analyser des pistes didactiques et pédagogiques afin de développer la créativité des élèves et des étudiants, mais aussi pour leur permettre de se construire comme acteurs sensibles et critiques à la créativité qui les entoure.

Introduire la créativité dans le curriculum nécessite de la considérer comme un objectif d’éducation. Pour l’introduire également dans les pratiques d’enseignement, la démarche top-down est une entrée possible. Cependant, pour initier une démarche innovante, il semble préférable que le processus parte du bas (bottom-up), c’est-à-dire des enseignants et des élèves. Mais la démarche ne peut se pérenniser si sa mise en œuvre définitive ne rencontre pas une validation de l’innovation par le haut. En fait, bottom-up et top-down doivent se croiser.

Selon la rédactrice de l’article, "que l’on traite la créativité en entrant par le produit ou par le processus, que l’on s’intéresse au créateur ou à son œuvre, que l’on observe ou pas sa diffusion dans son environnement, son exploration, tant sur le plan théorique que pratique, cette réflexion se révèle riche et fertile tant pour la recherche que pour l’école ou la formation universitaire."

 

Arnold Bac

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