Cour des comptes : les "démentis" de R. Goigoux, les "précisions" du CNESCO
Paru dans Scolaire le lundi 26 février 2018.
Roland Goigoux oppose "trois démentis" à la Cour des comptes qui vient de publier son rapport sur l'évaluation de la performance de l'Education nationale dans laquelle elle commente notamment l’enquête "Lire et écrire au CP" que l'universitaire a dirigée.
Il en conteste d'abord l'évaluation du coût. "La Cour mentionne un budget de 700 000 euros alors que la DGESCO a seulement déboursé 239 000 euros", parce qu'elle y "inclut une quotité des salaires des personnels ayant contribué à l’étude au titre de leurs fonctions habituelles", le sien notamment. Or ce mode de calcul n'a pas été appliqué aux autres travaux cités dans le rapport.
L'opposition de Stanislas Dehaene
La Cour "prétend" par ailleurs que les résultats de l’étude ont été contestés lors de sa présentation en 2014. "C’est faux", puisque les premiers résultats n’ont été diffusés qu’un an plus tard et le rapport publié deux ans plus tard. En ce qui concerne la méthodologie, "le débat a été vif" entre le porteur du projet [R. Goigoux] "qui proposait d’évaluer l’effet de pratiques pédagogiques ordinaires (non modifiées par le dispositif de recherche)" et Stanislas Dehaene qui "prétendait que seules les études expérimentales randomisées (avec innovation introduite par les chercheurs) étaient valides pour établir des relations causales en sciences humaines". Roland Goigoux mentionne à ce sujet une étude randomisée du neuropsychologue, au budget équivalent à celui de "Lire et écrire au CP" : cette étude qui semble avoir été "oubliée", "a montré que les élèves du groupe expérimental (4 entrainements ciblés en fonction des besoins des élèves) n’apprenaient pas mieux que ceux du groupe témoin (pratiques ordinaires)".
Le chercheur ajoute "qu’à la suite de [l'] enquête [lire et écrire au CP], plus d’une quinzaine d’articles ont été publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture, ce qui est la norme en vigueur pour la reconnaissance de la qualité d’une recherche."
Enfin R. Goigoux conteste formellement une affirmation de la Cour des comptes, "une énormité qui montre à quel point elle est mal documentée". Celle-ci affirme en effet qu' "aucune position pour orienter des pratiques pédagogiques courantes n’a pu être dégagée", alors que l'étude a montré "l’effet positif du temps consacré aux activités d’encodage (dictée et essais d’écriture) (...) alors que le ministère survalorisait le décodage", qu'elle a mis en évidence l'intérêt de l'apprentissage des correspondances entre lettres et sons plus tôt dans l'année "que ne le font habituellement les maitres de cours préparatoire" et l'intérêt de choisir des textes "suffisamment déchiffrables", ce qui a conduit à la création de la plateforme Anagraph qui "compte déjà 5000 abonnés, utilisateurs réguliers" et qui a retenu l’attention du CSEN, le conseil scientifique de l’Éducation nationale. Autre conclusion de l'étude : les compétences requises pour comprendre des textes lus à haute voix par l’adulte influencent "beaucoup les compétences en lecture autonome".
La scientificité du travail du CNESCO
Pour sa part, le CNESCO "souhaite préciser certains points du rapport qui pourraient paraitre flous, et donner lieu à une mauvaise compréhension de ses activités". Le Conseil national d'évaluation du système scolaire partage le point de vue de la Cour des comptes sur la nécessité de "développer une culture de l’évaluation et une meilleure appropriation par les acteurs du système éducatif" puisque c'est ce qu'il fait. En revanche, le CNESCO conteste avoir privilégié "la participation des parties prenantes" à la scientificité des résultats : "Les évaluations et synthèses scientifiques émanent strictement des chercheurs sollicités", la dimension participative porte uniquement "sur la co-construction des préconisations". Il conteste n'avoir rien apporté de nouveau sur le thème des inégalités scolaires : "Pour cette publication, le Cnesco s’est appuyé sur 22 équipes de chercheurs, françaises et étrangères" et sur ces 22 contributions, 13 "étaient des productions scientifiques originales ou intégrant des analyses nouvelles".
Le CNESCO conteste encore, chiffres à l'appui, que sa production en matière d'évaluation ait été "faible" [la Cour réserve en fait le terme "évaluation" à l'évaluation des résultats des élèves]. La Cour affirme que "sa mission d'appui méthodologique a été sous investie". Le Conseil rappelle "le travail qu’il a réalisé sur les évaluations internationales PISA et TIMSS". Il signale qu'il apporte son expertise au projet expérimental ACT qui porte sur l’éducation à la citoyenneté en France, Angleterre, Espagne et Grèce : "Il s’agit d’une expérience randomisée avec des volets quantitatifs et qualitatifs dans une centaine de collèges de chaque pays partenaire. Il est actuellement "associé à la réflexion sur la politique nationale d’évaluations standardisées menée auprès des élèves".
Sur le rapport de la Cour des comptes, voir ToutEduc ici