Hors contrat : la proposition de loi de Françoise Gatel sur la déclaration d'ouverture en discussion au Sénat
Paru dans Scolaire le mercredi 21 février 2018.
Pour Françoise Gatel (Union centriste), le "régime d'ouverture [des écoles hors contrat], tel qu'il existe aujourd'hui, n'est pas satisfaisant tant par la complexité de la procédure, le sentiment de faits accomplis dans lequel il place élus locaux et services de l'État, que par les leviers d'actions trop limités qu'il offre". Lorsqu'elle présente sa proposition de loi "visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat", la sénatrice évoque le cas d'une école de Toulouse dont plusieurs enseignants étaient "fichés S", dont le directeur "a refusé d'obtempérer" quand une décision de justice l'a obligé à la fermer avant de rouvrir un nouvel établissement. Elle ajoute qu'un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale, "non publié" parle de "dérives inquiétantes" et donne le cas d'une autre école où l'on enseigne aux enfants que "Pétain a sauvé la France".
"L'article 1er tend à simplifier la législation en fusionnant les trois procédures du régime déclaratif existant" et à renforcer "le contrôle exercé par le maire et par les services de l'État en allongeant les délais d'opposition" qui, après amendement, devraient être portés à trois mois, auxquels s'ajoutent 15 jours pour compléter un dossier incomplet. Il unifie les motifs d'opposition qui ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit du 1er degré, du 2nd degré d'enseignement général ou du 2nd degré technique. "Elle en ajoute également de nouveaux, permettant au maire de s'opposer à l'ouverture pour des motifs liés à la sécurité et à l'accessibilité des locaux, et aux services de l'État en cas de non-respect des conditions de titres et de moralité du chef d'établissement et des enseignants. Les sanctions en cas d'ouverture d'un établissement en dépit d'une opposition sont renforcées et le directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) peut mettre immédiatement les parents d'élèves en demeure de scolariser leurs enfants dans un autre établissement."
"L'article 2 affirme le principe d'un contrôle annuel de chaque établissement ou classe hors contrat et prévoit que les services de l'éducation nationale devront prévenir le préfet et le procureur de la République s'il apparaît que l'enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois ou que des activités menées au sein de l'établissement sont de nature à troubler l'ordre public.
L'article 3 étend aux directeurs et enseignants du second degré général les conditions d'âge, de nationalité et de capacité qui n'existaient jusqu'alors que pour leurs homologues du second degré technique. Il établit l'obligation, pour le directeur d'un établissement d'enseignement du second degré privé, d'avoir exercé pendant cinq ans au moins les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement scolaire du second degré."
La discussion met en évidence l'impossibilité, en l'état actuel, de faire valoir pour s'opposer à l'ouverture d'une école des motifs liés aux bonnes moeurs, à l'ordre public, ou aux enseignements, même lorsque le directeur a fait l'objet d'une condamnation. Elle porte aussi sur l'engouement actuel pour le hors-contrat qui connaît une croissance importante.
L'Education nationale se donnera des moyens de contrôle
Jean-Michel Blanquer fait valoir que l'administration ne peut actuellement s'opposer à l'ouverture d'une école par un directeur qui aurait été condamné pour un viol, et qu'elle doit attendre que l'école ait été ouverte avant de saisir le procureur. Il est partisan de la création d'un guichet unique pour les quatre autorités concernées, le maire, l'académie, le préfet, le procureur. Il affirme que "le ministère de l'Education nationale se donnera les moyens de contrôler ces écoles", de manière systématique la première année. Les débats portent sur la création d'une obligation de contrôle la 1ère, la 3ème et la 5ème année, et de contrôles inopinés.
Le débat porte aussi sur le contenu des contrôles et la référence au socle commun à chacun des cycles d'enseignement, et sur la présence du projet pédagogique dans le dossier déposé. Les sénateurs de gauche regrettent que le principe de la déclaration d'ouverture ait été préféré à celui d'autorisation, qui prévaut en Alsace - Moselle. A noter que le seul orateur violemment opposé à la proposition de loi a été Stéphane Ravier (Front national) qui y voit "une volonté d'entraver une liberté constitutionnelle", notamment à l'encontre "des écoles chrétiennes qui n'ont rien à se reprocher".
La proposition de loi avant amendements ici