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Deux guides sur les mineurs migrants : les bonnes initiatives et les modalités à mettre en œuvre pour ceux qui sont placés en rétention

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le mercredi 14 février 2018.

Alors qu'une toute récente décision du tribunal administratif de Paris du 30 janvier 2018 annule une décision "implicite" du recteur de cette académie de ne pas scolariser un enfant migrant camerounais, s'appuyant pour ce faire sur plusieurs articles du codes de l'éducation et sur l'article 2 du protocole additionnel n°1 de la convention européenne des droits de l'homme, deux documents, édités entre octobre 2017 et janvier 2018, donnent des recommandations et des pistes qui visent à favoriser le développement quantitatif et qualitatif de modes d'accueil adaptés aux mineurs non accompagnés et à ceux qui sont placés en rétention. La première étude, publiée par l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale) en ce début d'année, "Les modes d'accueil adaptés aux mineurs non accompagnés (MNA) : face à l'urgence, des départements innovent", propose notamment des focus sur des dispositifs innovants en termes d'hébergement, d'accès aux soins et à la scolarité, mis en place par des Départements français dans "un contexte budgétaire contraint", alors que le second, "Visiter les lieux où des enfants sont privés de liberté à la suite de procédures d'immigration", publié par la Division des droits des enfants du Conseil de l'Europe, promeut des mesures "à l'intention des parlementaires", de l'organisation des visites en lieux de rétention jusqu'aux stratégies à mettre en place pour qu'ils développent "des alternatives à la rétention qui respectent mieux les droits de l'enfant".

Le second guide s'appuie sur des visites effectuées par Doris Fiala, rapporteuse générale de la Campagne parlementaire lancée en 2015 pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants, dans plusieurs lieux de rétention, rapporteuse qui rappelle les recommandations "spécifiques d'experts des droits de l'Homme", selon lesquelles les enfants ne doivent jamais être placés en rétention, celle-ci n'étant "jamais dans l'intérêt supérieur de l'enfant", parce qu'elle "expose" notamment "au risque d'une détérioration de la santé mentale" et "accroît leur vulnérabilité", ce qui peut "se manifester par des troubles mentaux et des problèmes de développement". "Même de très courtes périodes de rétention peuvent compromettre le développement cognitif d'un enfant, et faire sentir leurs effets toute une vie durant", écrit-elle encore. Et ce, quels que soient les lieux de rétention, puisque partout les conditions sont "loin d'être adaptées aux besoins particuliers des enfants".

Cadrer les visites des lieux de rétention et les faire suivre de mesures concrètes

Première recommandation, que les parlementaires rendent visite à ces enfants, parce que cela a "un effet dissuasif important (...) sur les risques de violation des droits de l'homme". Celles-ci permettront de vérifier la durée de la rétention, le respect de l'unité familiale, le traitement, les soins, les conditions matérielles (respect des capacités d'accueil, eau potable, nombre et fréquence d'accès aux installations sanitaires...), les activités, les contacts avec le monde extérieur...

Le guide recense des étapes et préalables indispensables à ces visites parmi lesquels : se concentrer, sur une question spécifique par visite (donner suite à une plainte, enquêter sur un sujet particulier comme une prise en charge spéciale pour les enfants), constituer une équipe qui tienne compte de divers facteurs à aborder, donc avec un pédiatre ou un spécialiste des droits des enfants pour "l'expertise requise", un ou plusieurs interprètes, la représentation des deux sexes pour aborder les sujets sensibles... Outre un tour général des lieux, la visite doit comporter des entretiens avec tous afin de "recouper différentes sources d'information", du directeur du centre au personnel, en passent par les migrants, adultes et enfants avec des recommandations pour mener les entretiens avec ces derniers, en individuel mais aussi en groupe, telles que proposer des questions ouvertes "qui permettent à l'enfant de dire ce qu’il a à dire", ne pas laisser transparaître son opinion, adapter le vocabulaire...

Pour que ces visites contribuent à l'amélioration de leurs conditions de rétention ou à leur libération, le guide livre quelques exemples de mesures qui doivent suivre : publication d'un rapport, transmission des commentaires écrits aux autorités compétentes (ministre, service de rétention de migrants et/ou directeur du lieu visité), question parlementaire, proposition d'amendement à la législation ou à la politique relative aux migrations, d'une révision des allocations budgétaires pour des alternatives à la rétention...

Développement d'appartements partagés pour lequel l'accompagnement est moins coûteux

À ce dernier titre, le guide de l'ODAS publié en janvier et qui s'est appuyé sur une enquête menée par voie postale auprès de tous les départements français, donne des modèles d'alternatives d'accompagnement qui ont été mises en place en France. D'abord en termes d'hébergements, puisque, observe l'étude, 9 départements sur 10 proposent des alternatives aux centres d'hébergement et hôtels sociaux. D'abord des appartements partagés permettant de loger 2 à 4 jeunes pour les "plus autonomes", à condition d'une "plus grande mobilisation des partenaires" (État, associations, bénévoles). L'accompagnement y coûte en effet moins cher, puisqu'il nécessite un taux d'encadrement moins élevé qu'en Maison d'enfants à caractère social (MECS), soit 30 ETP pour 100 places contre 83 pour 100 places en MECS. Autre avantage, la dispersion des appartements sur le territoire, malgré des "inconvénients", "permet de faciliter l'intégration de ceux-ci dans le quartier". Intégration qui "peut s'avérer d'autant plus efficace si elle est préparée avec les autres habitants". Parmi les initiatives notables, figure, à Paris, la maison Oscar Romero gérée par les Apprentis d'Auteuil, qui s'est associée à la Société Philanthropique pour construire un parcours résidentiel pour chaque jeune.

L'accueil par des familles bénévoles, mis en place de façon encore "expérimentale", "attire" aussi "de plus en plus" parce qu'il favorise aussi "l'insertion sociale des jeunes", même s'il "peut s'avérer complexe à mettre en place car il suppose la formation des familles aux spécificités du public MNA". Seul le département de Loire-Atlantique a pu mobiliser à ce jour une vingtaine de familles pour l'accueil à temps plein, "une initiative unique à cette échelle". De son côté, le Bas-Rhin a prévu en 2017 le développement de l'accueil par des tiers bénévoles du Foyer Notre-Dame, une association qui gère des foyers de jeunes travailleurs et divers lieux ou services d'accueil d'étrangers. Outre former les familles, ils prévoient également des temps de partage et des conférences d'information.

Des structures proposent un parcours progressif, du collectif à l'autonomie

Le guide pointe aussi les structures qui proposent un parcours d'hébergement du collectif vers l'autonomie progressive, jugées "particulièrement intéressantes", parce que cela favorise "la mise en confiance et permet la co-construction du projet de vie". Par exemple, la Meurthe-et-Moselle structure l'accueil en étapes, selon le degré d'autonomisation, articulées autour du parcours de scolarité formation. La première étape, en hébergement collectif, correspond à la période de diagnostic des capacités scolaires et des souhaits des jeunes, durant laquelle sont aussi menées des actions de socialisation et de sensibilisation à la culture avec intervention de jeunes en service civique. La durée de cette période est notamment liée à l'apprentissage de la langue française, organisé avec l'Éducation nationale sous forme d'un espace temporaire d’accueil pour élèves allophones. Tout au long de la prise en charge, le personnel départemental organise un atelier collectif bi-hebdomadaire d'accompagnement au projet socio-professionnel, un projet de soins avec bilan de santé, un atelier collectif mensuel d'aide aux démarches, une permanence socioéducative les jours ouvrés.

Concernant l'apprentissage du français, le guide note aussi que certains établissements, dont le CEFTP (Centre éducatif de formation aux travaux publics des Hautes-Alpes), ont développé des écoles internes dispensant une formation qualifiante ou pré-qualifiante. Des écoles "particulièrement pertinentes car elles permettent aux jeunes accueillis de débuter une formation dès les premiers mois de leur prise en charge".

Participation au conseil de vie sociale dans la maison "Un toit où apprendre"

En matière d'accès à la vie sociale et à la santé, le guide cite l'initiative du département de la Manche qui a passé convention avec l'Institut interrégional de la santé, gestionnaire des centres de prévention et de santé publique, pour organiser des examens périodiques, des vaccinations et la lutte contre les maladies endémiques.

Concernant l'insertion par la culture et les loisirs, "autre dimension essentielle de la prise en charge des MNA", l'ODAS site l'exemple de l'UTOA (Un toit où apprendre), dans l'Hérault, qui implique les jeunes dans la vie de la maison par leur participation au conseil de vie sociale. L'observatoire note que de nombreux partenariats existent par ailleurs avec des médiathèques, des associations culturelles, des clubs sportifs, que le football est régulièrement cité comme un facteur d'insertion sociale, et que les centres sociaux sont souvent des partenaires privilégiés.

Une augmentation continue du nombre de MNA

Selon les estimations du Conseil de l'Europe, qui liste également en annexes plusieurs articles de loi et recommandations internationales concernant les droits des enfants, ces derniers représentent dans le monde un quart des migrants, même si "on ne connaît pas précisément le nombre d'enfants privés de liberté en application de la législation relative aux migrations en Europe". Selon l'ODAS, l'augmentation du nombre de MNA s'est accélérée en France en 2016 à la suite, en particulier, du démantèlement de la Lande de Calais. Le nombre de MNA et jeunes majeurs étrangers accueillis a ainsi cru de 25 % en 2016 et à la fin de cette année là, ils étaient 14 000 MNA et 6000 jeunes majeurs étrangers ainsi pris en charge par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance. Si l'Observatoire indique que "que les expériences d'accueil spécifique des MNA concernent encore un nombre limité de jeunes", il estime, "tout bien considéré", que "la prise en charge des MNA soulève plus de satisfaction que de critiques, à l'exception bien entendu du problème délicat du premier accueil".

Le guide du conseil de l'Europe ici

L'étude de l'ODAS ici

Camille Pons

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