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Mathématiques : la 1ère priorité, c'est la formation des enseignants (mission Villani-Torossian)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 12 février 2018.

"Je suis enclin à suivre l'ensemble des propositions", déclare Jean-Michel Blanquer à propos du rapport qui lui a été remis, ce 12 février, par Cédric Villani, mathématicien et député LREM et Charles Torossian, inspecteur général. Le ministre de l'Education nationale distingue toutefois des mesures "directement liées aux mathématiques", et qui concernent par exemple les programmes, le Conseil supérieur des programmes devant revoir ceux du lycée et "revisiter ceux du primaire", et des mesures qui concernent l'ensemble du système scolaire, comme celles qui touchent à la formation des enseignants ou aux rapports avec le périscolaire.  

Les deux rapporteurs soulignent la gravité de la situation, "plus grave que ce que l'on imaginait", mais aussi "les très belles convergences", quasi "miraculeuses" de tous les acteurs qu'ils ont auditionnés. Ils insistent sur la première de toutes les priorités, la formation des enseignants, et surtout la formation entre pairs. Ils imaginent que chaque enseignant pourrait aller, 3 fois dans l'année, voir ses collègues dans leurs classes, et qu' "ils n'aient pas peur de parler ensuite de leurs pratiques". Ils supposent qu'il y a toujours, dans une circonscription, quelques enseignants qui s'intéressent plus particulièrement à la question des mathématiques et sur lesquels leurs collègues pourraient s'appuyer au sein de "laboratoires de mathématiques".

Ils sont, affirment-ils, très attachés à la "liberté pédagogique", sous réserves que les enseignants  soient convenablement "informés", et notamment que les diverses méthodes soient évaluées, qu'il s'agisse de la "méthode de Singapour" ou de celle préconisée par le SLECC (Savoir lire, écrire, compter, calculer) [Pascal Dupré, qui a été coordonnateur du réseau SLECC était membre de la mission, ndlr]. Ils soulignent également l'importance de l'environnement de l'école, qu'il s'agisse des familles ou du périscolaire, lequel rencontre des difficultés de financement et mérite d'être soutenu.

 A noter encore que Jean-Michel Blanquer , interrogé sur les difficultés de recrutement des professeurs de mathématiques, annonce qu'il pourrait "aller plus loin" que ce qui est prévu par la loi de 2013 pour les pré-recrutements. Il semble aussi intéressé, pour le premier degré, par l'idée d'une licence généraliste qui préparerait à l'enseignement de toutes les disciplines à partir de bac+1.

Voici les extraits significatifs du rapport:   

"Comment une discipline, reconnue pour son utilité et ses vertus formatrices à la rigueur du raisonnement, peut-elle être perçue comme un repoussoir ?"

"On a pu constater, depuis le début des années 1990, la substitution du cours par des activités diverses (activités de découverte, tâches complexes censées développer des compétences transversales, démarche d’investigation, démarche de projet, activités interdisciplinaires, etc.) qui n’avaient pourtant pas vocation à le faire disparaître [le cours]. La volonté de rendre les élèves chercheurs peut être pertinente, bien évidemment, mais l’on peut s’interroger, en termes d’efficacité, sur le choix des moments, des durées, des thèmes de ces recherches, voire la manière dont elles sont conduites (...) De manière générale, ces activités visent à 'faire' plutôt qu’à 'apprendre'. (...) On ne développe des compétences solides qu’en s’appuyant sur des connaissances solides."

"Les réussites observées viennent en général d’un travail collaboratif : l’intégration d’enseignants (notamment novices) au sein d’une équipe compréhensive, conciliante et composée de collègues aux expériences et compétences variées, apporte la confiance nécessaire à un exercice serein de la profession."

"Afin de ne pas laisser s’installer l’anxiété face à la tâche scolaire en mathématiques, inspirons-nous du Canada, de Singapour, des États-Unis ou encore du Nord de l’Europe, où les activités scolaires en mathématiques sont la plupart du temps associées à la notion de plaisir. Jeux, énigmes, concours, défis et histoires sont au rendez-vous ! Les dispositifs comme les concours, les rallyes, les ateliers type MATh.en.JEANS vont dans ce sens."

"La méthode employée à Singapour n’est pas une 'méthode de Singapour' dans le sens où elle aurait été inventée à Singapour ex nihilo : c’est une synthèse de pratiques didactiques et pédagogiques efficaces, reposant sur les travaux de nombreux chercheurs ou s’inspirant de textes plus anciens. Pendant quinze ans, la méthode a été testée, corrigée et améliorée grâce aux retours du terrain. Tous les professeurs du pays ont été formés dans l’Institut national de l’éducation (...) Nous pouvons rapidement nous saisir des dispositions les plus simples et efficaces, notamment : une pédagogie explicite et systématique : l’élève est guidé de manière explicite mais non dirigiste dans son apprentissage ; des étapes d’apprentissage bien identifiées : l’étape concrète, l’étape imagée et l’étape abstraite ; les quatre opérations introduites dès le cours préparatoire, leur sens étant exploré dès la maternelle ; des stratégies efficaces de résolution de problèmes mathématiques ; une formation initiale intensive ; le développement professionnel du professeur, centré sur la didactique disciplinaire et relié à la pratique de classe. La verbalisation est centrale : dès la maternelle, le professeur encourage l’élève à raisonner à voix haute et à échanger avec les autres en mettant 'un haut-parleur sur sa pensée'."

Dans les écoles Montessori et le mouvement Freinet, "la manipulation tient une place primordiale, mais elle est pensée en vue de l’abstraction (...) Ce passage du concret à l’abstrait est l’enjeu de différentes procédures selon les méthodes, mais beaucoup reposent autour du triptyque manipulation – verbalisation – abstraction".

"Une méthode ne fonctionne qu'avec l'engagement total de l'enseignant. Une fois le programme clarifié et les paliers d'apprentissage bien définis, il s'agira pour l'enseignant de pouvoir choisir, en toute liberté, une méthode et un manuel qui répondent aux critères de réussite que nous avons tenté de dégager ici (...) L'enseignant doit savoir ce qu’il doit enseigner, pour garantir une équité de territoire dans le cadre d’un enseignement à dimension nationale, et c’est pourquoi il faut des programmes."

"Si l'on récapitule les missions du cours de mathématiques, on voit qu'il remplit des objectifs très variés : assurer aux futurs citoyens des compétences minimales dans le maniement des concepts mathématiques, leur donner les clés d'un raisonnement logique de qualité, les sensibiliser à l'importance des sciences mathématiques dans notre culture, notre histoire, notre technologie, préparer de futurs scientifiques, ingénieurs et mathématiciens à des métiers de plus en plus nombreux. La poursuite de tous ces objectifs demande un savant dosage qui ne peut s'improviser et nécessite une préparation spécifique

Il faut proposer aux élèves des lycées professionnels "un module annuel de 'réconciliation' avec les mathématiques" et "augmenter le poids relatif des mathématiques à l’examen du baccalauréat professionnel".

Dans le premier degré, on peut noter un manque crucial de formation initiale en mathématiques, pourtant bien nécessaire si on regarde les parcours préalables des futurs enseignants (80 % des impétrants sont issus des filières relevant des humanités en licence). Or, le volume d’enseignement disciplinaire en mathématiques, dans les deux années de master MEEF est bien trop faible pour assurer les connaissances de base utiles au futur enseignant (...) L'ensemble des acteurs interrogés est unanime à réclamer une licence adaptée, pluridisciplinaire, ou à tout le moins un parcours pluridisciplinaire post-baccalauréat, exigeant et de qualité, pour les étudiants qui se destinent préférentiellement à l'enseignement primaire. Cette licence ou ce parcours devrait venir avec de possibles jeux de majeures et de mineures, permettant de dégager des lignes de spécialisation pour les aspirants enseignants."

"La mission recommande que le contenu de chaque manuel scolaire soit analysé par un comité scientifique. La grille de lecture publiée à l’issue de ce processus ne constituerait ni une validation, ni une condamnation des manuels examinés, mais un outil sur lequel les enseignants pourront fonder leur choix."

"Il ne faut donc pas craindre d’associer les parents au rayonnement des mathématiques au sein de l’établissement (semaine des mathématiques, journées portes ouvertes, remises de prix, invitations de personnalités, etc.) et de les informer de l’offre périscolaire : concours, rallyes107, ateliers, clubs, visites, partenariats, etc. Le périscolaire peut ainsi reconnecter les parents aux apprentissages de leur enfant, favoriser leur implication, développer leur sentiment de compétences et leur capacité à agir dans l’accompagnement à la scolarité."

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