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Réforme de l'orientation et mise en place de ParcourSup : des contestations dans une quinzaine d'universités

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 01 février 2018.

L'université de Toulouse 2 Jean Jaurès s'est "réveillée" ce matin totalement bloquée. Une intersyndicale de personnels (qui comprend entre 2 et 400 personnels selon les assemblées générales) et d'étudiants (500 à 1000 étudiants) avait bloqué dans la nuit, avec du mobilier, l'accès à la plupart des UFR et bâtiments, dont celui de la présidence. Ici, l'appel à la mobilisation contre le projet de loi ORE (loi relative à l'orientation et la réussite des étudiants) et la mise en place de la plateforme ParcourSup, a été d'autant plus suivi qu'il se greffe à un autre motif de contestation, le projet toulousain d'université intégrée qui mobilise cette intersyndicale depuis le 12 décembre dernier. Dans cette université, la CFVU (Commission formation et vie universitaire) a rejeté les projets relatifs aux attendus locaux et aux capacités d'accueil le 18 janvier dernier, par 18 voix contre 13, empêchant de ce fait ceux-ci d'être soumis au conseil d'administration.

Une quinzaine d'universités sont concernées soit par des procédures similaires soit par des mouvements de contestation dirigés contre cette réforme. Trois cas de figures sont observés : le rejet des attendus ou capacités d'accueil par les instances, le blocage des instances pour empêcher ces votes, le vote de motions dans lesquels instances centrales ou d'UFR, ou AG de personnels et d'étudiants affirment qu'ils n'appliqueront pas la réforme en l'état. En cette journée de mobilisation, Rennes 2, Nantes, Lille 3, Paris Jussieu, ainsi que quelques lycées, ont été également en proie à des blocages.

Par ailleurs, 16 universités au moins, selon Solidaires étudiants, tenaient ou avaient tenues des AG ou réunions d'information sur ce sujet. Des manifestations étaient programmées ce jour à Lyon, Clermont-Ferrand, Grenoble, Caen, Bordeaux, Nantes, Poitiers, Montpellier, Paris, Strasbourg, Lille, selon le SNESUP. À Toulouse, ils étaient 2000 à 2500 à défiler. À la fin de cette journée, se tient également une "réunion publique" ouverte aux parents et syndicats du second degré sur le campus de l'université.

Des motions contre la "sélection"

Plusieurs CFVU ont adopté la même position qu'à Toulouse 2 ou déclaré ne pas vouloir appliquer cette réforme : celle de l'université Paul-Valéry Montpellier 3 dès le 16 décembre, celle de Paris I qui appelait aussi le 9 janvier à des "moyens humains et matériels nécessaires pour assurer ses missions", celle de l'université Bordeaux Montaigne dans une motion adoptée le 15 janvier, suivie en ce sens le lendemain également par son CA, les deux déclarant refuser de voter "des dispositions permettant l'application de la loi avant qu'elle ne soit promulguée" et réaffirmant leur "attachement au libre accès des bacheliers à l'enseignement supérieur public".

Le 9 janvier, à l'université Clermont Auvergne, le vote des attendus locaux et capacités d'accueil a été reporté après qu'une soixantaine de personnes a investi la CFVU, et à l'université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, les représentants d'une intersyndicale ont refusé de siéger le 29 janvier, empêchant également le vote des attendus et des capacités d'accueil.

D'autres CFVU ou CA ont adopté des motions pour réaffirmer "leur attachement au libre accès des bacheliers à l'enseignement supérieur public" et "condamner les nouvelles modalités choisies pour l'organiser" : c'est le cas des CFVU de l'université du Littoral Côte d'Opale, de l'université Sorbonne Nouvelle (Paris 3) et Toulouse 2 également.

Revoir le calendrier et les moyens

Ailleurs, ce sont des AG qui ont adopté le même type de motion. À Lille 1, des enseignants en sociologie ont adopté une motion dans laquelle ils affirment qu'ils "ne sélectionneron[t] pas les étudiants à l'entrée de la licence de sociologie et continueron[t] à considérer le baccalauréat comme le seul prérequis légitime pour l'inscription en première année à l'université". Celle du département d'histoire de l'université d'Aix-Marseille dit qu'il ne participeront pas à la définition d'attendus et de capacités dans la licence et que s'ils "sont imposés", ils refuseront de les appliquer. Votée à l’unanimité (36 voix) moins 2 abstentions. À Rennes 2 et Paris Nanterre, ce sont les personnels des UFR STAPS qui se sont prononcés contre le principe d'une sélection en L1. Ils ont également adopté le principe de refuser de lire les dossiers ParcourSup. Le conseil de la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Lille décidait aussi, le 10 janvier à l'unanimité de ne pas remonter les critères permettant de classer les candidatures.

Outre la "sélection", la plupart des établissements se rejoignent sur deux autres points : la mise en place d'une réforme "dans le flou et l'urgence" et l'absence de moyens pour ce faire, notamment pour augmenter les capacités d'accueil et pour traiter la masse de dossiers qui vont être déposés sur ParcourSup. À ce titre d'ailleurs, le CA de l'université de Rouen Normandie, qui dénonçait "l'ambiguïté du rôle des attendus et l'absence d'éléments concrets et budgétaires", adoptait à l'unanimité le 18 janvier dernier une motion dans laquelle il demandait "une remise à plat du calendrier fixé par le Ministère et la mise en place d'un plan de création d'emplois", tout comme l'avait fait celui de Poitiers le 22 décembre.

Mais quel pouvoir "réel" des universités ?

Pour autant, ces universités qui se positionnent contre la réforme ont-elles un réel pouvoir ? À titre d'exemple, l'université de Toulouse 2 avait "versé" les attendus dans la plateforme à la date limite fixée par le ministère, avant le 13 janvier. Le vote de la CFVU n'intervenait qu'après, la première commission, fixée le 21 décembre dernier, n'ayant pas pu se tenir faute de quorum. Depuis, les attendus n'ont pas été retirés de ParcourSup malgré leur rejet en CFVU. Si l'intersyndicale toulousaine dénonce un "passage en force", le président de l'université, Daniel Lacroix, affirme que seul le rectorat, "prévenu de ce vote", a désormais la main sur la plateforme pour "les retirer". Celui-ci souligne par ailleurs les aberrations du calendrier, puisque les attendus devaient être remontés avant le 13 janvier mais peuvent être votés jusqu'au 6 mars. "Si illégalité il y a, c'est au-dessus de nous que les choses peuvent être tranchées", a-t-il déclaré.

Pour autant, "il s'agit d'éléments d'information et non destinés à la sélection", assure de son côté Ollivier Hemmerlé, le vice-président en charge de la formation et la vie étudiante. "L'université souhaite, comme les autres années, accepter tous les postulants, a minima tous ceux originaires de l'académie." L'université a prévu d'augmenter ses capacités d'accueil d'environ 500 places, dont 200 ouvertes en Sciences de l'éducation (filière en tension pour laquelle l'an passé avait dû être mis en place du tirage au sort) et en Lettres et arts. Elle a obtenu pour ce faire promesse de moyens supplémentaires du rectorat : 200 000 euros, l'équivalent de 4 postes de personnels et un millier d'heures complémentaires.

A noter par ailleurs la faiblesse de la mobilisation des enseignants du second degré, puisque, selon le ministère, à peine plus de 1 % des enseignants étaient en grève ce jeudi 1er février.

Camille Pons

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