Scolaire » Recherches et publications

Orthographe : tous les enseignants ne la voient pas des mêmes yeux (thèse)

Paru dans Scolaire le dimanche 28 janvier 2018.

Conseillère pédagogique depuis une vingtaine d'années, Catherine Combalier sentait bien, "intuitivement" que "la diversité des façons d’enseigner l’orthographe chez les enseignants" pouvait relever de "logiques d’arrière-plan", "parfois non-conscientes". Certes, ce sont des fonctionnaires "soumis à des prescriptions", mais "aussi des individus qui s’engagent dans la vie quotidienne autour des questions de société, l’orthographe en étant une d’importance ces dernières années". Elle a donc entrepris un travail de thèse en sciences du langage pour "apprécier de façon rigoureuse" ce que révèlent le temps qu’ils accordent à cet enseignement, leur aisance à l’enseigner , "la technicité de leurs propos, leur conviction de l’importance de cette discipline, leur écoute des erreurs des élèves, leurs exigences"… vis à vis de l'orthographe perçue comme une "norme sociale culturelle". Des entretiens et l'observation en classe d'une trentaine d'enseignants en charge de CM1 et de CM2 lui ont a permis de définir 5 profils, selon l'importance qu'ils lui accordent, la liberté qu'ils laissent à leurs élèves, le statut qu'ils donnent à l'erreur, la façon dont ils la sanctionnent... Ainsi les enseignants composent avec cette norme sociale.

Elle distingue ceux qu'elle appelle les "Régulo-Exigeants", "très attachés à la régularité de la norme et au respect de l’orthographe car ils sanctionnent les écarts d’autrui et se contraignent fortement", les "Valeuro-Exigeants", "tout aussi exigeants" mais qui insistent "davantage sur les valeurs dont est porteuse, pour eux, la norme sociale orthographique", les "Indulgents", "plus tolérants", les "Valeuro-Centrés" qui soulignent "l’importance des valeurs véhiculées par la norme sociale orthographique" et les "Régulo-Centrés" qui mettent l’accent sur la régularité de la norme.

"Leur faire comprendre que ce n’est pas juste des règles rébarbatives, illogiques et que ce n’est pas qu’un mauvais moment à passer"

L’école étant "un cadre de référence pour la construction et l’acquisition de la norme", et les programmes officiels ne proposant aux enseignants que "très peu de réflexion sur les enjeux de cet enseignement", on aurait pu penser que l'enseignement de l'orthographe laissait "peu de marge de manœuvre pédagogique aux enseignants du premier degré". Il n'en est rien : "la réalité, observée à une échelle microsociologique démontre le contraire". Une des enseignantes, prenant conscience de la complexité du rapport à la norme pour chacun, déclare d'ailleurs : "j’en parlerai aux élèves pour leur faire comprendre que ce n’est pas juste des règles rébarbatives, illogiques et que ce n’est pas qu’un mauvais moment à passer. Parce que je pense que beaucoup pensent ça. Leur faire saisir du bout des doigts l’implication, les conséquences que ça peut avoir de ce qu’ils véhiculent d’eux-mêmes comme image à travers leur orthographe, quand ils écrivent mal..."

Car ce travail porte aussi sur les élèves, ou plutôt sur les effets pour les élèves des styles d'enseignement de leurs maîtres. Que comprennent-ils "de ce que dit implicitement ou explicitement leur maitre de la norme sociale orthographique" ? Quel est le "curriculum caché auquel leur enseignant les expose" ? Qu'apprennent-ils qu'on ne leur ait "ouvertement enseigné" ?"

"De la variabilité du rapport des enseignants de l’école primaire à l’orthographe appréhendée comme une norme sociale : discours et pratiques", Catherine Combalier-Combaz, Champlaine, thèse dirigée par Marie-Laure Elalouf et soutenue en 2017 à l'Université de Cergy-Pontoise. Signalée par l'IFE ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →