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Les sciences cognitives permettront-elles de mieux gérer la mémoire de travail ? (revue A.N.A.E.)

Paru dans Scolaire le dimanche 21 janvier 2018.

En quoi la "mémoire de travail" pèse-t-elle sur les apprentissages scolaires ? Est-il possible de surmonter cette contrainte ? Ce sont les questions posées par Michel Fayol, chercheur en sciences cognitives et membre du Conseil scientifique installé par Jean-Michel Blanquer à l'Education nationale dans un article du dernier numéro de la la revue A.N.A.E.

La mémoire de travail permet de conserver pendant quelques instants en mémoire des informations verbales ou visuelles afin d’effectuer des opérations sur ces informations. Or, les activités complexes comme la lecture, la résolution de problèmes, la production d’écrits, etc. mobilisent les deux composantes principales de la mémoire : la mémoire dite à long terme, qui stocke notamment nos connaissances académiques, et la mémoire de travail. Au plan cognitif, toute activité complexe mobilise ces composantes dont les activations et désactivations doivent être orchestrées dans le temps alors même que les capacités de maintien et de traitement temporaires sont limitées. Ces limites ont pour conséquence que, lorsque le nombre d’informations à prendre en considération dépasse ces capacités, certaines des informations peuvent être négligées : par exemple, des retenues lors du traitement d’opérations ou encore des marques de ponctuation au cours d’une rédaction qui peuvent être "oubliées" car l’attention ne porte pas sur elles mais sur d’autres dimensions. Autres exemples : les difficultés graphiques rencontrées par les jeunes élèves qui mobilisent de l’attention de leur part, laquelle fait défaut pour l’organisation des idées ; le "coût" du décodage en lecture au détriment de la compréhension de textes ; le traitement d’opérations complexes, telle 24 x 15, qui mobilise des procédures longues et "coûteuses" dont la mise en œuvre empêche, pour celui qui effectue la tâche, la mémorisation de l’association entre les quantités sur lesquelles l’opération est exécutée (les opérandes) et le résultat. Or, nos sociétés exigeant des enfants et adolescents l’apprentissage d’une quantité colossale de savoirs et savoir-faire, il est nécessaire pour y parvenir que l’intégralité des ressources en attention et mémoire ne se trouve pas investie dans la réalisation des tâches, de sorte qu’une partie reste disponible pour appréhender l’ensemble des dimensions à acquérir.

Étant donné l’importance de la mémoire de travail pour les performances académiques – lecture, compréhension, mathématiques, rédaction –, des chercheurs ont essayé de l’améliorer en augmentant sa capacité. Les effets positifs dans les domaines académiques n’ont jamais pu être mis en évidence de manière incontestable.

D'autres chercheurs ont tenu le raisonnement suivant : si les élèves – dont la capacité de mémoire de travail est plus faible que celle des adultes – savent quelles stratégies sont disponibles et efficaces pour pallier les faiblesses de leur mémoire de travail, il leur est alors possible d’augmenter les probabilités de réussir les apprentissages en utilisant ces stratégies et en les appliquant de manière judicieuse. Or, même s’il y a tutorat pour encourager et guider dans l’appropriation des stratégies, les évaluations relatives aux disciplines académiques ne montrent pas d’amélioration.

Certains chercheurs, enfin, ont suivi la piste de la prise en compte des limitations inhérentes à la mémoire de travail par un aménagement des tâches afin de permettre leur réalisation. Ainsi, la production d’écrits peut être abordée en préparant oralement les idées et leur organisation, puis en s’attachant aux choix lexicaux avant de laisser les élèves rédiger eux-mêmes. La diminution du nombre de dimensions à gérer et du "coût" de certaines d’entre elles rend possible la réalisation de la tâche au sein d’activités complexes que sont lecture, production d’écrits, résolution de problèmes… Il est important de souligner que cette démarche s’inscrit dans une dynamique qui implique l’établissement d’une progression, de sorte que, peu à peu, la gestion de l’ensemble des composantes et de leur agencement soit progressivement prise intégralement en charge par les élèves de manière autonome. Cette piste est sans doute, selon Michel Fayol, la plus avancée. D’abord parce que des données empiriques sont disponibles qui attestent l’efficacité de la démarche. Ensuite parce qu’une réflexion théorique sous-tend les recherches et les applications. Enfin parce qu’elle permet d’associer la formation et l’information des enseignants aux aménagements des pratiques, à travers la conception de dispositifs pédagogiques et l’élaboration de modes d’intervention innovants. Selon l'auteur, elle mériterait de faire l’objet d’expérimentations en grandeur réelle.

"La mémoire de travail : une contrainte surmontable pour les apprentissages scolaires ?"  dans le dossier "Mémoire(s) et apprentissage", numéro 149 de la revue A.N.A.E. (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant) ici

Arnold Bac

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