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"La lecture du monde précède la lecture du mot". Paulo Freire. (Ouvrage)

Paru dans Scolaire le jeudi 07 décembre 2017.

Paulo Freire est un pédagogue contre lequel s’insurge toujours violemment le "mouvement Ecole sans parti" issu de la droite brésilienne. Sa lecture a été interdite en 2010 dans les écoles publiques d’Arizona et, en France, "son nom évoque, au mieux, une méthode d’alphabétisation pour adultes", constate Irène Pereira, chercheuse en philosophie et en sociologie, et auteure du livre "Paulo Freire, pédagogue des opprimé.e.s".

Paulo Freire (1921-1997), professeur en philosophie et en histoire de l’éducation, a élaboré, dans les années 1950, une pédagogie pour l’alphabétisation des ouvriers qui se sert de l’intérêt didactique de l’image et de "la centralité des questions politiques comme déclencheurs et sources de motivation pour les apprenants". En 1963, Freire et son équipe sont chargés d’un plan national d’alphabétisation qui s’interrompra en 1964, suite au coup d’Etat militaire. 

L’enseignant n’est jamais neutre

Freire fuit en Bolivie mais il est à nouveau rattrapé par l’arrivée des militaires au pouvoir dans ce pays. C’est donc au Chili qu’il rédigera son livre "Pédagogie des opprimés". Invité aux Etats-Unis, "il suit l’émergence des nouvelles formes de contestation", souligne Irène Pereira. "Le mouvement étudiant contre la guerre du Vietnam, le féminisme radical, les luttes pour l’émancipation des Africains-Américains"… Il se rendra ensuite en Suisse où il déclarera : "Ma cause est celle des damnés de la Terre. Il faut que vous sachiez que j’ai choisi la révolution." 

En 1980, alors que la junte est toujours au pouvoir, une amnistie permet à Paulo Freire de rejoindre son pays. Il participera à la fondation du Parti des travailleurs. En 1988, il acceptera le poste de secrétaire d’Etat à l’éducation mais démissionnera au bout de deux ans et demi sans être parvenu à "réinventer le pouvoir". C’est en 1997, peu de temps avant sa mort que paraîtra "Pédagogie de l’autonomie". 

Pour Irène Pereira, ce livre s’inscrit "dans la continuité de ce qu’il écrivait déjà dans les années 1960". Il affirme ainsi que "la pédagogie a vocation à lutter contre la naturalisation d’un système économique inégalitaire, qui prend aujourd’hui la forme du néolibéralisme". Selon Freire, "l’enseignant lui-même n’est d’ailleurs jamais véritablement neutre et ne doit pas non plus chercher à l’être". Il doit "être animé d’une juste colère contre les inégalités sociales".

Une pédagogie pour tous

Dans le sillage de Paulo Freire, la "pédagogie critique" a fait des émules mais "la méconnaissance de l’œuvre de Paulo Freire dans le monde francophone ne concerne pas seulement le pédagogue brésilien", regrette Irène Pereira. "Elle touche également ses continuateurs. Les écrits d’Henry Giroux, de Peter McLaren ou encore de Michael Apple sont quasiment inconnus".

Rappelant que "la pédagogie critique ne s’adresse pas à un public particulier", l’auteure insiste sur "le travail à destination des plus jeunes visant à lutter contre les préjugés sexistes, racistes, etc…, ou s’attachant à déconstruire l’influence des médias et de la publicité". Elle cite une phrase de Paulo Freire "La lecture du monde précède la lecture du mot" et ajoute : "Cette pédagogie ne se rattache pas non plus à une discipline scolaire précise : elle concerne aussi bien les sciences sociales que les mathématiques ou l’éducation physique et sportive."

"Paulo Freire, pédagogue des opprimé.e.s", Irène Pereira, Editions Libertalia, collection "N’autre école" n°10, 10€.

 

 

 

Colette Pâris

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