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Protection des données : l'éthique a un coût (Educatec-Educatice)

Paru dans Scolaire le vendredi 17 novembre 2017.

L'Éducation nationale doit accepter de payer pour le stockage et le traitement des données. Telle est l'une des principales recommandations émises, hier jeudi 17 novembre, par les intervenants d'une table ronde intitulée "Données personnelles des élèves, collectes et utilisations, sommes-nous bien protégés ?". Celle-ci était organisée dans le cadre du salon Educatec-Educatice qui se déroule du 15 au 17 novembre 2017 à Paris. "Quand un service est éthique, il est plus cher. L'Éducation nationale est-elle prête à payer 3 ou 4 euros par mois ou une dizaine par an pour protéger les élèves ?", interrogeait en effet Gilles Dowek, professeur attaché à l'ENS (École nationale supérieure) Paris-Saclay et chercheur à l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique). L'éthique a un coût, "parce que pour protéger les données, il faut des hommes derrière", complétait Jean-Yves Hepp, le président fondateur de Unowhy, éditeur de la solution d'e-éducation Sqool.

C'est une nécessité selon lui, face au "changement radical" observé depuis 10 ans : "nous n'avions pas Facebook, YoutTube, l'Iphone, l'Ipad, l'internet des objets connectés... Cela a fondamentalement changé le numérique car nous sommes passés à une informatique totalement connectée. Tout est asservi à des clouds, tout ce qui se passe est enregistré." À ceci, s'ajoute "l'explosion incroyable des capacités de calcul qui ont augmenté de 1,5 million de fois en 20 ans". Une nécessité, estime-t-il, parce que face à ce changement, les risques d'exploitation de ces données existent, et ce davantage "à des fins pas très avouables" par des "délinquants numériques".

Responsabilité de l'Éducation nationale et de chacun des acteurs

Les intervenants en appellent aussi à la "responsabilité individuelle". "Il faut que l'Éducation nationale prenne conscience que les données [personnelles des élèves, ndlr] sont sensibles et que c'est sa responsabilité de les protéger. Il faut apprendre à se responsabiliser de manière individuelle et non diaboliser les entreprises", affirme encore Gilles Dowek. L'enseignant invite plutôt à "passer des contrats" avec ces dernières, "à définir des règles, des politiques d'accès et de traitement des données et un cahier des charges clair, auxquels l'entreprise devra se conformer".

Régis Chatellier, chargé d'études prospectives à la CNIL, appelle aussi à la "responsabilité de tous", tout en invitant à ne "pas laisser les enseignants seuls", acteurs qui, "comme tout le monde ont vu de nouveaux outils arriver". La priorité, selon lui, alors que les ENT (environnements numériques de travail) constituent des éco-systèmes dans lesquels on ajoute des outils et services, est de faire en sorte que chaque acteur, "individuellement", s'assure que "chaque producteur de service" soit "respectueux de la réglementation", plutôt que de "tout mettre dans un pot commun et dire servez-vous". L'absence de moyens suffisants consacrés au budget du numérique dans l’Éducation nationale est là aussi signalée comme un frein à cette démarche car "si l'on n'est pas en mesure d'acheter, on bidouille sur YouTube", observe le directeur général adjoint de Qwant (moteur de recherche français créé en 2013 qui a choisi de ne pas tracer ses utilisateurs). Or, "la valeur d'exemple est essentielle".

Stocker les données sur le territoire

Les intervenants ont insisté également sur la nécessité, parce que c'est le droit du pays qui s'applique et que la réglementation en la matière n'est actuellement pas homogène, de stocker les données sur le territoire. Régis Chatellier évoque néanmoins le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles voté en mai 2016, et qui sera applicable en mai 2018. Celui-ci devrait, selon lui, "un peu changer la donne". "Il s'intéresse notamment aux critères de ciblage", explique-t-il. "Si l'on se rend compte qu'un responsable de traitement s'intéresse à des européens, l'Europe pourra se considérer légitime à saisir." Autre atout de cette réglementation, elle devrait inciter, de part le bassin "suffisamment important" que représente cet espace, à des changements de standards dans d'autres pays.

Pour autant, malgré l'existence des solutions techniques et juridiques, Jean-Baptiste Piacentino estime que "rien ne remplace l'éducation des enfants sur la manière dont ils doivent utiliser leurs données". Cette éducation doit se faire, selon lui,"à tous les niveaux de scolarité" et consister tout autant à apprendre à "exercer un sens critique" qu'à "apprécier les risques".

Camille Pons

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