Scolaire » Actualité

Intelligence artificielle : une personnalisation des apprentissages sera testée à partir d'analyse de traces digitales d'activité et oculométriques (Educatec-Educatice)

Paru dans Scolaire le jeudi 16 novembre 2017.

Récupérer et analyser des traces digitales laissées par des apprenants lors de leurs interactions avec les environnements et outils numériques, mais également des données oculométriques afin de concevoir des systèmes qui interviendront de manière personnalisée auprès de ces apprenants mais également des enseignants pour favoriser le suivi, tel est l'objet du projet METAL (Modèles et traces au service de l'apprentissage des langues). Celui-ci a été présenté, ce mercredi 15 novembre 2015, à l'occasion de la 22e édition du salon Educatec-Educatice, qui se déroule du 15 au 17 novembre 2017 à Paris, et dont ToutEduc est partenaire, lors de la conférence organisée par le ministère de l'Éducation nationale, "Données, intelligence artificielle et éducation". Ce projet de "learning analytics", retenu dans le cadre de l'appel à projets e-FRAN (Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique) du PIA2 (2e volet du Programme d'investissement d'avenir), vise à "comprendre les activités de l'apprenant pour pouvoir prédire des actions et l'aider", explique la chercheuse Armelle Brun, membre de l'un des laboratoires partenaires, LORIA (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications), de l'université de Lorraine.

Ce projet est parti d'un constat, explique Armelle Brun : "avec toutes les initiatives numériques qui ont été mises en œuvre, les interactions entre enseignants et apprenants restent réduites". L'objectif : "utiliser les traces d'activité, y compris collectives : quelles ressources sont consultées, combien de fois, quel temps pour résoudre l'exercice..." Cette collecte de données doit être complétée par l'utilisation d'un eye tracker "pour étudier le regard et voir si l'apprenant est concentré et quand, détecter des expressions... pour aider le système à comprendre les difficultés, si elles correspondent à un endroit spécifique de l'énoncé, etc.", poursuit Armelle Brun.

Un dispositif qui interpellera l'élève en fonction de son rythme, ses préférences

Le projet, qui réunit aussi les laboratoires lorrains de psychologie InterPsy et LISEC (Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication), ainsi que le laboratoire de droit privé et sciences criminelles D@NTE, de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, vise, à ce titre, à concevoir 4 types d'outils, financé à hauteur de 1,3 million d'euros, a démarré il y a un an, en novembre 2016, et se déroulera sur 4 ans. Il prévoit la co-construction de 4 outils, avec également les classes de 8 collèges (3 à 4 par établissements) qui ont été choisies pour tester ces outils.

Il s'agit d'abord de développer un tableau de bord à destination des apprenants. L'interaction sera construite pour être "un accompagnement" et non "un ordre", précise la chercheuse qui dit vouloir développer une "intelligence artificielle bienveillante". Seront donc restitués à l'élève si les taux d'activité sont suffisants ou non, dans quelle partie de la classe il se situe selon son avancée. Le dispositif l'interpellera "en fonction de son rythme", de "ses préférences" et devra donc, à ce titre, "capter les possibilités" de celui-ci pour faire ces préconisations : "continue, attention ton comportement n'est pas assez régulier, il y a une perte de vitesse, si tu fais ça, tu pourras progresser, les élèves qui avaient le même comportement que toi l'année précédente avaient échoué...". "Si l'apprenant préfère travailler sur des exercices concrets, le système ne lui conseillera pas de se pencher davantage sur de la théorie", précise encore la chercheuse.

Un deuxième outil sera développé pour permettre le suivi des enseignants, avec des "indicateurs" qui permettront de "mettre en avant les problèmes de certains, mais aussi le comportement de la classe". Et un troisième générera "automatiquement des exercices personnalisés pour améliorer la grammaire en fonction des difficultés identifiées", précise encore la chercheuse. "Ce que ne peut pas faire un prof face à trente élèves."

Une tête parlante dont on pourra visualiser les mouvements pour l'apprentissage de la prononciation

Enfin un quatrième outil sera dédié à l'apprentissage orale des langues vivantes, en particulier de la prononciation. Une "tête parlante" virtuelle, modélisée afin de représenter une personne native de la langue, affichera "ce que fait correctement ou pas l'élève et ce qu'il doit faire au niveau de la prononciation", détaille la chercheuse, en donnant à entendre et à voir puisque l'élève pourra observer le mouvement des lèvres mais aussi, à l'intérieur de la bouche, les mouvements de la langue et de la mâchoire.

Actuellement, l'équipe de projet, une trentaine de personnes dont 15 chercheurs et 5 doctorants, auxquels s'ajoutent des ingénieurs, des partenaires éducatifs et des entreprises, planchent sur la co-conception de ces outils. Des premiers "prototypes" doivent être présentés lors de séances qui seront organisées en décembre et en janvier prochains aux élèves et enseignants afin de recueillir leurs retours, "sur ce qu'ils aiment ou pas". "Nous réfléchissons par exemple à ce que l'on décidera d'afficher sur le tableau de bord des enseignants", précise Armelle Brun. "Car les élèves peuvent aussi se dire 'que va penser le prof s'il voit que j'ai refait 4 fois l'exercice ?" Une phase de pré-test sera par ailleurs organisée en mars et avril auprès d'un panel réduit (3 ou 4 classes), panel qui n'aura pas été sollicité pour la phase de co-conception, "car on ne peut être à la fois juge et partie", estime la chercheuse. Les tests auprès de toutes les classes commenceront de leur côté dès la rentrée 2018, durant deux ans. Les données seront collectées "en continu, sur tout ce que l'on va pouvoir tracer et chaque fois que les élèves feront une manipulation avec des outils ou services numériques, donc en classe, le soir, etc.", précise encore Armelle Brun.

Le dispositif n'interviendra pas tout le temps pour éviter la perte d'autonomie

Entre autres écueils que les chercheurs souhaitent éviter, figure le "risque de dépendance de l'apprenant au dispositif". "Nous ne voulons surtout pas remplacer l'enseignant", précise à ce titre Armelle Brun. "Si l'outil est omniprésent, l'élève n'aura plus d'effort à faire. On ne veut pas de cela, donc il n'interviendra pas tout le temps. Comme un parent qui ne doit pas être tout le temps derrière son enfant, lui laisser faire des erreurs pour le faire gagner en autonomie."

Armelle Brun indique que peu de projets concernant l'intelligence artificielle au service de l'éducation sont développés en France, à l'exception notamment d'un autre projet, PERICLES, qui a été aussi porté par le PIA2, alors que, précise-t-elle encore, "ils se développent particulièrement aux États-Unis, en Angleterre et en Australie".

Le site du projet ici

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →