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Intelligence artificielle, liens avec l'industrie : les projets pour le numérique éducatif (interview)

Paru dans Scolaire le dimanche 19 novembre 2017.

Qu'apporte le numérique à l'éducation ? Quels sont les projets de la Direction du numérique pour l'éducation ? A l'occasion du salon Educatec-Educatice, ToutEduc a posé la question à Mathieu Jeandron, son directeur, qui évoque les projets que porte la DNE.

Mathieu Jeandron : Le numérique, qui est devenu très présent dans la vie sociale des élèves, dans la vie professionnelle des enseignants, dans la vie de famille, constitue une transformation irréversible de la société qu'il faut transformer en atout pour la réussite de la politique en matière d'éducation. Le numérique, en particulier, ne se substitue pas à l'humain et à son rôle crucial pour l'acquisition du savoir et des compétences : il s'y ajoute, il l'augmente, et il prend tout son sens avec un accompagnement bienveillant de l'élève par l'enseignant. Et cette bienveillance ne doit pas être confondue avec la complaisance et le laisser-faire. Les enseignants ont la lourde mission d'apprendre à leurs élèves le discernement, qui, vis-à-vis du numérique, consiste notamment à leur faire comprendre la différence entre accéder à une information (partout disponible sur internet à condition de savoir chercher et faire le tri) et acquérir un savoir, qui sera le socle de leurs compétences, de leur discernement, de leur culture ; et qui consiste aussi, pour apprendre à se concentrer ou tout simplement pour apprendre à respecter autrui, à savoir aussi garder l'équipement numérique éteint et éloigné des yeux.

ToutEduc : Mais alors comment le numérique devient-il un atout pour l'école, par exemple pour l'apprentissage des fondamentaux ?

Mathieu Jeandron : Sous de multiples aspects. Par exemple, le dédoublement des cours préparatoires prend tout son sens si les enseignants peuvent faire mieux avec 12 élèves ce qu'ils feraient avec 24. Le numérique peut apporter les moyens d'une meilleure différenciation pédagogique en fonction des besoins des élèves, avec des "exerciseurs" [des outils capables de s'adapter au niveau des apprenants, ndlr] et des outils d'évaluation. Imaginons qu'un seul des 12 élèves ait des difficulté d'identification des lettres, le professeur a des moyens, avec le numérique, de lui proposer des activités adaptées à sa difficulté pour prolonger son enseignement. Mais on peut aller plus loin avec l'intelligence artificielle... Elle ouvre la porte à des innovations pour les prochaines années.

ToutEduc : Pouvez-vous donner un exemple ?

Mathieu Jeandron : L'intelligence artificielle, c'est l'idée que la machine "améliore toute seule son comportement", à partir de règles générales de fonctionnement. Enseigner est quelque chose de très complexe, difficile à modéliser. Apprendre, acquérir du savoir et des compétences est un processus cognitif qu'on ne sait pas complètement décrire a priori, et qui peut être différent d'un enfant à l'autre. Imaginez des exercices d'écriture, le système détecte les difficultés, et peu à peu, apprend à les modéliser, à adapter les exercices de graphie pour lui et personne d'autre... Nous lançons un appel d'offres avec le PIA [programme d'investissement d'avenir, ndlr] et nous attendons des propositions qui fassent travailler ensemble chercheurs et entreprises.

ToutEduc : Le ministre, Jean-Michel Blanquer, a cité parmi les programmes auxquels il tient Pro-FAN, lancé l'an dernier. La DNE est-elle concernée ?

Mathieu Jeandron : Bien sûr. Les enjeux sont colossaux, nous ne pouvons pas envoyer dans la vie professionnelle des élèves sans tenir compte de l'impact du numérique sur les métiers. Les filières technologiques et professionnelles doivent être revalorisées, et nous lançons, avec Réseau Canopé, une plate forme qui en est à sa version beta, "Ecole numérique et industrie" pour que les enseignants disposent de ressources mises au point sur la base de cas concrets issus de nos industries françaises avec des propositions pédagogiques mises au point par des enseignants. Par exemple, autour du TGV, on développe des mises en situation sur des enjeux mathématiques (comment les ondes se propagent-elles dans une caténaire avec le passage du train ?), ou des sujets liés à la géographie ou à l'enseignement civique (comment définir le tracé d'une ligne LGV pour satisfaire les impératifs économiques, écologiques, techniques, ...). L'objectif est d'intéresser les élèves au monde de la technologie, de valoriser notre savoir-faire industriel en France, et de donner aux enseignants des contenus originaux pour leurs cours.

ToutEduc : Comment évaluer ces apports du numérique ?

Mathieu Jeandron : Le ministre met en place un conseil scientifique. Nous nous appuierons sur ce conseil car ces projets sont de plus en plus complexes à évaluer. Au premier niveau, il y a la question quantitative, les outils sont-ils utilisés ? à quelle fréquence ? Au second niveau, plus intéressant, il faut se demander dans quelle mesure le numérique transforme les pratiques pédagogiques. On peut enfin, troisième niveau, se demander ce que le numérique apporte en termes de savoirs et de compétences, de maîtrise des savoirs fondamentaux, mais aussi artistiques et culturels ou citoyens, de soutien aux élèves à besoins particuliers, empêchés...

L'évaluation est un sujet essentiel, sur lequel nous sommes engagés, avec la DEPP [la direction des statistiques et de l'évaluation de l'Education nationale, ndlr] et les inspections générales, pour que les investissements soient utiles, pour promouvoir les pratiques pédagogiques porteuses de sens et éviter les erreurs.

Propos recueuillis par P Bouchard, relus par M. Jeandron

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