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Enseignants : développer un mode d'affectation plus qualitatif, donner davantage la main aux chefs d'établissement (Cour des Comptes)

Paru dans Scolaire le mercredi 04 octobre 2017.

La Cour des Comptes a rendu public, ce mercredi 4 octobre 2017, son rapport sur la gestion des enseignants. Intitulé "Gérer les enseignants autrement : une réforme qui reste à faire", ce rapport préconise notamment d'adopter "une démarche globale et pluriannuelle en rupture avec la seule logique quantitative" alors que 60 000 postes ont été créés durant le précédent quinquennat et "que la masse salariale de l'éducation nationale va continuer de croître significativement sous l'effet des décisions déjà prises". En effet, l'absence de "stratégie globale" autour de la gestion des effectifs, des rémunérations et du service des enseignants a conduit, estime la Cour, "à une situation doublement désavantageuse : le coût du système éducatif s'accroît sans amélioration de sa performance, d'une part, et les marges de manœuvre budgétaires réduites ne permettent pas d'accompagner les réformes indispensables". Cette démarche, qui doit être de l'ordre d'une réforme "structurelle", passe notamment par une évolution du cadre du métier, jugée insuffisante actuellement, et par une refonte du dispositif d'affectation des enseignants, qui repose actuellement "sur un barème d'application automatique qui ne tient pas compte des besoins qualitatifs de l'éducation nationale et n'intègre que très peu les compétences spécifiques de chaque enseignant". Or, souligne la Cour, "l'amélioration de la performance et de l'équité du système scolaire exige une meilleure prise en compte des contextes locaux et des profils des élèves".

Réformer ce dispositif d'allocations des moyens enseignants "en prenant notamment en compte la difficulté des postes" est d'autant plus nécessaire, poursuit la Cour, que "l'objectif de maîtrise du socle commun de connaissance suppose de renforcer les moyens là où les difficultés scolaires sont les plus fortes". Or, malgré des progrès réalisés ces dernières années (une réforme de la carte de l'éducation prioritaire qui "intègre mieux la réalité des difficultés des élèves" même si "sa portée concrète reste néanmoins limitée", ou encore l'affectation de 3 220 postes - chiffre à la rentrée 2016 - au dispositif "plus de maîtres que de classes", dont environ les trois quarts en REP et REP+), la Cour liste parmi les points noirs une affectation "massive" d'enseignants en début de carrière et de remplaçants contractuels "aux postes les plus exigeants". Elle souligne en outre que le nombre de néo-titulaires affectés en établissements dits "difficiles" a fortement augmenté depuis 2011, passant de 1 738 en 2011 à 3 185 en 2016, et que ces affectations ont un double effet : elles installent dans les établissements qui connaissent la plus grande difficulté scolaire des profils qui manquent d'expérience pédagogique devant la classe et accroissent l'instabilité des équipes pédagogiques.

Donner davantage de prérogatives aux chefs d'établissement

Si les postes à profil constituent une "exception à l'application du barème", la Cour observe là aussi que leur affectation n'est pas optimisée notamment parce que les chefs d'établissements sont exclus, "au moins au plan formel", de la procédure de création de ces postes comme de leur pourvoi "alors qu'ils devraient au contraire en être les premiers prescripteurs". La Cour recommande donc à ce titre de renforcer leurs responsabilités en les associant à la mise en place de ces postes qui "sont trop peu utilisés".

Elle recommande par ailleurs d'annualiser les heures de service des enseignants et de donner la responsabilité aux chefs d'établissements, "dans certaines limites", de "moduler" la répartition des heures devant la classe "en fonction des postes occupés et des besoins des élèves", mission pour laquelle "ils sont les mieux placés". Or, constate la Cour, dans le premier degré, ils peuvent moduler la répartition du temps de service en fonction des besoins mais seulement sur la base du volontariat et, dans le second degré, malgré une autorité plus grande, le chef d'établissement ne participe pas aux décisions d'affectation et ne peut pas moduler le temps de travail sur une base annuelle.

Introduire la mission de remplacement dans les obligations de service

Cette annualisation du temps de service leur permettrait par ailleurs d'introduire d'autres obligations de service, comme celle de couvrir les remplacements de courte durée qui représentent actuellement une "difficulté chronique" (la Cour a évalué la couverture des absences de courte durée à un taux très bas, situé entre 5 et 20 %, alors que le ministère évalue ce taux à un tiers). Une mission qui serait mieux gérée dans la proximité et avec la possibilité donnée aux chefs d'établissement de moduler le service des enseignants, selon la Cour, car, même si le ministère a "récemment réactivé" la négociation d'un protocole d'établissement pour organiser les remplacements, faute de davantage de prérogatives "rien ne garantit que cette initiative soit suivie d'effets". Améliorer les remplacements passe aussi, selon la Cour des comptes, par un suivi plus efficace de l'absentéisme, rendu difficile par une gestion encore trop "rigide", alors qu'il a été évalué dans l'enseignement public à 13,6 millions de journées en 2014-2015.

Ces obligations de service pourraient constituer aussi, estime la Cour, des contreparties à l'amélioration des rémunérations, qui a été "significative" à la fin de la période 2012-2017. Cette revalorisation a permis de ramener l'écart des rémunérations en début de carrière, pour le premier degré à 9,2 % en 2015 (contre 20,5 % en 2009) et pour les enseignants de collège à 3,1 %, par rapport à la moyenne de l'OCDE, indique le rapport. Et en fin de carrière, le salaire des enseignants français est équivalent à la moyenne des pays de l'OCDE.

Enfin, pour tendre vers une meilleure affectation des enseignants, la Cour recommande la mise en place d'un "système de mesure et d'analyse assurant une connaissance précise et fiable des besoins des élèves, et en particulier de leurs acquis et compétences". Or, à ce jour, notamment dans le premier degré, on ne dispose pas "de connaissance précise des acquis de chaque élève" puisque les évaluations nationales ne le sont plus qu'à "la seule initiative des enseignants" et celles par échantillon "ne sont pas exploitables localement". De même, note la Cour, si la réforme de la carte de l'éducation prioritaire intègre mieux qu'auparavant la réalité des difficultés des élèves, "sa portée reste faible en matière de répartition des effectifs".

Intégrer la formation continue dans les obligations de service

Pour la Cour des Comptes, l'amélioration des performances du système éducatif implique aussi des évolutions dans la formation des enseignants, de travailler sur une évaluation de leur travail plus pertinente, sur leur capacité à assurer une continuité entre l'école et le collège, ainsi que sur leurs pratiques collectives.

En matière de formation, si la Cour salue comme "une avancée incontestable" la restauration de la formation initiale davantage professionnalisée dans le cadre des ESPE, elle estime que "les adaptations intervenues ces dernières années demeurent insuffisantes" et que "les efforts de professionnalisation doivent être poursuivis". Elle enjoint notamment à débuter la professionnalisation plus tôt dans le cursus universitaire, afin d'éviter "des erreurs d'orientation" et de simplifier un parcours "qui peine à articuler les concours et la formation au métier", la préparation aux concours en M1 constituant "un frein" à cette formation.

La Cour préconise également d'intégrer la formation continue dans les obligations de service des enseignants (avec un forfait horaire précis et annualisé), ce qui n'est actuellement le cas que pour les enseignants du premier degré (trois jours par an). Une mesure importante selon la Cour, car les enseignants français sont moins nombreux à participer à la formation continue que dans la moyenne des pays de l'OCDE, pour des durées plus courtes et parce que seulement un tiers des ESPE s'est engagé dans la formation d'équipes de formateurs pour la réforme du collège.

La Cour estime également que les universités ont aussi un rôle à jouer dans cette formation. Leur offre devrait "mieux tenir compte en amont des besoins du système scolaire, par exemple par la création en plus grand nombre de licences bivalentes" pour permettre "une plus grande diversification" des professeurs des écoles "dans un contexte où les futurs enseignants sont souvent issus de filières littéraires alors que le niveau des élèves en mathématiques est préoccupant".

Intégrer dans l'évaluation des enseignants des paramètres tenant aux résultats des élèves

Enfin, la Cour regrette que l'évaluation soit "insuffisamment organisée pour constituer un réel soutien aux enseignants". Elle note par exemple l'absence d'articulation entre le repérage des enseignants en difficulté et l'organisation des inspections, tandis qu'elle "n'intègre aucun paramètre tenant aux résultats des élèves" (y compris dans le nouveau système instauré en 2016), "ce qui demeure atypique au plan international". Le rapport fait également des recommandations pour accroître l'attractivité de certains postes et suggère des mesures indemnitaires et de carrière.

Le rapport intégral ici

La synthèse ici

Camille Pons

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