Qualité de vie à l'École (2/3): les locaux sont insuffisamment pensés pour les nouvelles pratiques pédagogiques (CNESCO)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 03 octobre 2017.
"Les performances des élèves sont influencées par certaines caractéristiques du bâti scolaire", constate le CNESCO dans le cadre de son enquête sur la qualité de vie dans les établissements scolaires. Or, depuis les années 80 et le transfert aux collectivités de la compétence sur l'immobilier, les constructions "intègrent davantage des considérations environnementales, esthétiques ou financières" plutôt qu'une réflexion "sur la manière dont le bâti scolaire peut favoriser les apprentissages et le climat scolaire". Résultat, observe le conseil national d'évaluation du système scolaire, "l'architecture des établissements français demeure adaptée à une conception traditionnelle" de l'enseignement
Le rapport cite notamment le rapport Klein qui conclut qu'un établissement devrait répondre à 5 critères : modulable pour s'adapter à des usages multiples (pédagogiques, sociaux…) ; sécurisé ; accessible aux personnes à mobilité réduite (or, la moitié seulement des établissements du second degré déclarent que leurs locaux sont totalement accessibles et 14 % ne le sont pas du tout) ; connecté et numérique (alors que les élèves ont encore trop peu accès à la salle informatique, ouverte durant la pause méridienne dans 40 % des établissements et durant une heure de permanence dans un tiers des établissements, comme à internet, accessible aux élèves dans seulement 37 % des collèges et lycées) ; et ouvert à son environnement.
Le chauffage, la lumière
Mais d'autres considérations entrent en ligne de compte, rapportent les personnels de direction qui ont répondu à l'enquête, soutenue par le SNPDEN. Presque tous (92 %) ont été interpelés par leur personnel et les élèves sur la température des salles. Philippe Tournier, le secrétaire général du syndicat UNSA des personnels de direction, rappelle que la décision de mettre en route le chauffage ne dépend pas d'eux, mais de la collectivité. Autres sujets de doléances, la luminosité des salles et leur insonorisation. Et près de 4 collèges et lycées publics sur 10 déclarent ne pas avoir suffisamment de sanitaires, ce à quoi s'ajoute un nettoyage peu fréquent (un peu plus de la moitié des établissements ne le fait qu'une fois par jour). Un point non négligeable puisque des études mettent en évidence que les sanitaires comptent parmi les espaces "les plus anxiogènes pour les élèves" et qu'un tiers des élèves craignent d'aller aux toilettes de leur école ou collège. Le syndicaliste souligne toutefois la difficulté de gérer de tels espaces.
Le rapport dénonce le manque de salles de réunion pour les enseignants alors qu'est encouragé le travail en équipe, mais aussi de salles modulables pour une pédagogie différenciée. Le CNESCO souligne d'ailleurs que plus d'un établissement public sur quatre considère que l'aménagement de leur collège ou lycée ne contribue pas à un créer un environnement propice au travail. "Ces évolutions doivent être accompagnées par la mise à disposition d'un mobilier spécifique, plus léger et facilement déplaçable" afin de faciliter "la modularité des espaces de travail". Le CNESCO regrette aussi que "seuls 27 % des établissements" attribuent une salle à une classe. Or "les élèves apprécient d'avoir un 'port d'attache' avec leurs repères", "de se sentir accueillis" et qu'à l'inverse, sans espace à eux, "les classes deviennent des lieux neutres".
Une école n'est pas qu'une école
Le CNESCO souligne pourtant que davantage d'espaces sont réservés aux élèves : pour conduire un travail personnel entre eux, pour permettre la détente, lieux qu'ils peuvent s'approprier ou gérer (foyers, cafétérias...), pour profiter d'activités extrascolaires (sport, musique, théâtre…). De la même manière, les espaces d'expression qui leur sont consacrés se sont développés, notamment par voie d'affichage, même si, regrette le conseil, encore plus d'un établissement sur dix (particulièrement en collège) n'offre pas la possibilité aux élèves de s'exprimer par cette voie.
Sur cette question de l'aménagement et de l'utilisation des locaux, le CNESCO propose un focus, dans l'académie de Nantes, sur l'école maternelle Jean Macé à Champagné-les-Marais (Vendée) qui a choisi de remplacer les salles de classe par des salles thématiques (salles de motricité, de jeux d'imitation et de symboliques, d'activités autonomes pour la peinture et la lecture, salle d'activités dirigées et de groupes, réservée à des exercices qui demandent de la concentration comme la phonologie, le langage…). Tous les matins, chaque élève choisit la salle et le jeu qu'il souhaite réaliser; il va être amené progressivement à pratiquer tous les domaines d'apprentissage. Ainsi, dans ces espaces pensés "pour favoriser le bien-être et les apprentissages des élèves", la validation des compétences est "individualisée".
Un autre focus porte sur "le pôle éducatif" du Mas de Teste qui sortira de terre en 2019 à Nîmes. L'élue, Valérie Rouverand, qui présente le projet ne parle pas d'école, car "une école n'est pas qu'une école". Le cahier des charges a été élaboré avec les habitants du quartier et une ethnologue, Geneviève Zoïa, et le bâtiment comprend un plateau sportif, une ludothèque, un centre social et culturel, des espaces où les enseignants pourront recevoir les parents, et un "atrium", espace ouvert et "tampon" entre l'école proprement dite et le quartier...
Camille Pons