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Restauration scolaire : préférer l'éducation aux cultures alimentaires à l'éducation nutritionnelle pour en comprendre les enjeux (CNA)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 22 septembre 2017.

Le 13 septembre 2017, Agir pour l'Environnement, la FCPE, la FNAB (Fédération nationale d'agriculture biologique) et la Ligue de l'enseignement ont lancé une nouvelle campagne, "Des cantines bio, j'en veux !" visant à favoriser les menus bio en restauration scolaire. Cette campagne est l'occasion, au moment où se déroulent les États généraux de l'alimentation, de demander la mise en place d' "un cadre législatif ambitieux et concret pour que les collectivités se fournissent en produits bio et locaux". Demande qui va dans le sens de certaines recommandations que le CNA (Conseil national de l'alimentation) a listées dans un avis, intitulé "Les enjeux de la restauration collective en milieu scolaire" et adopté à l'unanimité le 4 juillet dernier. Parmi elles figure en effet celle de "sensibiliser les acheteurs publics et privés à l'intérêt de l'approvisionnement de proximité et des signes officiels de qualité, labels et appellation".

Les auteurs de l'avis, membres d'un groupe de concertation qui avait débuté ses travaux en décembre 2013, donnent aussi des recommandations d'ordre pédagogique, comme celle de privilégier une éducation à l'alimentation, avec les produits et en visitant les lieux de production, et aux cultures alimentaires pour favoriser la connaissance mutuelle des cultures, ou encore celles d'intégrer davantage ces questions dans les programmes scolaires et de développer un plan de formation spécifique des enseignants, en insistant sur les aspects "complémentaires et croisés" que sont notamment l'éducation au goût et à l'alimentation, mais aussi la lutte contre le gaspillage et l'importance d'une alimentation équilibrée.

Les auteurs recommandent en effet de privilégier l'éducation à l'alimentation à l'information nutritionnelle (qui consiste à classer les aliments entre bons et mauvais aliments), "respectable en tant que telle", sauf que, avertissent-ils, "s'il n'y a pas d'acte culinaire ou d'aliment présent, l'information nutritionnelle, notamment lorsqu'elle s'adresse à des enfants, n'est pas compréhensible". Les auteurs plaident aussi pour "l'éducation aux cultures alimentaires", pédagogie qui a pour spécificité de placer l'enfant "au cœur de la démarche". "Chacun apprend à mieux se connaître à travers la dégustation et à se situer par rapport aux autres dans le respect des différences inter-individuelles", écrivent-il. Et cette forme d'éducation permet autant la prise de conscience de soi que de sensibiliser aux enjeux environnementaux. "Les enfants n'arrivent pas à comprendre ce que peut être un circuit court mais comprendront très bien s'ils visitent une ferme ou un lieu de transformation. L'éducation alimentaire permet également de faire découvrir aux enfants leur propre histoire et de valoriser les familles dans leurs différences."

L'accompagnement est important pour lutter contre la néophobie alimentaire

L'implication des enseignants est par ailleurs considérée comme "déterminante". "Sans eux, il est très difficile de faire vivre la plupart des actions, hors actions ponctuelles. Par ailleurs, un discours sur l’équilibre alimentaire, sur le goût ou sur tout autre domaine de la culture alimentaire repris en classe, a davantage de chance d’être compris et intégré par l'élève", peut-on lire dans le document. Si les auteurs notent que dans le 1er degré il est possible de faire des animations au sein de la classe car cela fait partie des programmes, en revanche, à partir du 2nd degré, les animations relèvent de Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Si les auteurs ne suggèrent pas une intégration dans les programmes à ce niveau, ils invitent néanmoins les enseignants à intégrer les notions d'alimentation et de nutrition dans le cadre des EPI (Enseignements pratiques interdisciplinaires) au collège et des TPE (Travaux pédagogiques encadrés) au lycée.

"L'importance de l'accompagnement" est illustrée au travers d'exemples, dont celui du programme de recherche EducAlim, pour lequel 584 enfants du CE2 au CM2, répartis dans 9 écoles pilotes et 8 écoles témoins de Nantes et d'Angers, avaient été suivis afin de montrer qu'une éducation alimentaire dès le plus jeune âge permet de découvrir et d'apprécier les aliments qu'ils refusent habituellement de manger. Ceux qui avaient suivi le programme autour d' "aliments-marqueurs" parmi ceux qui suscitent le plus d'aversion des enfants comme les choux de Bruxelles et les endives consommaient ces aliments de manière beaucoup plus importante. "La connaissance des aliments permet de lutter contre la néophobie alimentaire et réduit ainsi le nombre de fois où il est nécessaire de présenter un aliment pour qu’il soit mangé et apprécié", observent les auteurs.

Des pistes pour réduire le gaspillage et revoir la formation des diététiciens-nutritionnistes

Ces derniers proposent aussi des orientations et des outils à ceux qui organisent la restauration scolaire, par exemple pour réduire le gaspillage, comme ne pas proposer le pain en début de linéaire, pain que les élèves ont tendance à amasser par peur de ne pas apprécier le plat proposé, encourager la communication entre le personnel de cuisine, de service et d'encadrement et les élèves, afin que les élèves connaissent l'équipe, sa façon de travailler et de sélectionner les aliments et que, "du côté de la cuisine, on s'intéresse aux goûts des enfants et des jeunes et à leurs attentes". Ils conseillent aussi de nommer un référent de la lutte contre le gaspillage. Une action menée depuis 2010 à Mouans-Sartoux, a permis de passer de 147 g de gaspillage alimentaire par rationnaire à 30 g en 2015, soit une diminution de 75 % qui a généré une économie de 0,15 € par repas et permis de passer aux repas 100 % bio "sans surcoût".

Enfin, pour rendre l'information accessible aux usagers, aux élus et aux professionnels, l'avis préconise de créer un observatoire de la restauration scolaire, qui mettra en place un portail unique regroupant l'ensemble des outils existants, proposera un état des lieux régulier de la qualité du service rendu et des objectifs à atteindre et une veille juridique et technique pour suivre les évolutions relatives à la restauration scolaire.

Les jeunes mangent mieux que leurs parents

Notons que le document fait aussi quelques constats intéressants, notamment que "les collégiens, les lycéens mangent plutôt mieux que leurs parents et connaissent mieux les messages nutritionnels qu'ils ne le prétendent". C'est le fruit de la recherche interdisciplinaire Alim'ados qui analysé, entre 2007 et 2010, les comportements alimentaires des adolescents et préadolescents. Une meilleure alimentation même si, constatent encore les auteurs, les produits "nomades" (ceux glissés dans la poche par les parents, ceux achetés au fastfood, etc.) concurrencent la restauration traditionnelle et peuvent engendrer une baisse de l'appétit au moment du service de restauration scolaire. À ce titre d'ailleurs, ils interpellent le ministère chargé de la Santé afin que celui-ci effectue une saisine de l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) sur les consommations nomades à l'école maternelle et élémentaire et sur la complémentarité des différentes prises alimentaires en cours de journées scolaires. Il est demandé également au ministère de revoir les programmes de formation initiale des diététiciens-nutritionnistes, en alignant la durée des études et leur contenu sur le modèle européen, en développant l'éducation aux goûts et aux cultures alimentaires et en mettant en place un diplôme d'État unique.

81 100 personnels techniques, sur 7 métiers, sont affectés à la production et à la distribution des repas. L'avis rappelle que l'éducation à l'alimentation fait partie des priorités de la politique éducative de santé du ministère de l'Éducation nationale et se conçoit en lien avec le PNNS (Programme national nutrition santé) et le PNA (Programme national pour l'alimentation).

L'avis ici 

Camille Pons

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