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Et si le bien-être de l'élève était intégré aux apprentissages ? (Magazine de l'Éducation, laboratoire EMA)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le vendredi 08 septembre 2017.

Le laboratoire EMA (École, mutations, apprentissages) de l'université de Cergy-Pontoise vient de publier son premier numéro du "Magazine de l'Éducation". Dans cette première publication, qui "a pour vocation de partager réflexions et analyses sur l'éducation, les mutations de l'école et l'apprentissage, issues de la recherche académique" cinq analyses de chercheurs et spécialistes des questions d'éducation sont consacrées à la notion de bien-être à l'école. Les auteurs plaident, en s'appuyant sur des travaux et des expériences internationales, pour qu'une éducation au bonheur soit inscrite dans les apprentissages à l'École, pour la prise en compte de cette notion dans la prise en charge des décrocheurs, dans l'utilisation des lieux, et pour enrayer le phénomène croissant de stress scolaire.

"Le premier atout d'une éducation au bonheur serait d'être un levier pour les apprentissages traditionnels", écrit en effet François Durpaire. Une affirmation qu'il défend au regard d'au moins deux types d'études : les travaux d'Alejandro Adler, de l'université de Pennsylvanie, qui "concluent qu'un curriculum intégrant le bien-être améliore la performance des élèves lors de tests standards" et, "à l'inverse", PISA 2015 qui montre "que l'anxiété nuit aux résultats". Le chercheur évoque aussi "225 articles scientifiques" qui montrent qu'éduquer au bonheur "a également des effets sur le parcours de vie des individus, en termes de succès professionnel, de créativité, de santé".

Faire dire et écrire aux élèves les apports positifs

Pour autant, constate-t-il, la question du bonheur dont se sont emparée les chercheurs américains et leur sphère éducative, est en revanche, en France, très peu présente dans les thématiques de recherche - il cite "l'exception" de la thèse de Marianne Lenoir qui avait interrogé les élèves sur le bien-être (Lyon 2, 2012) -, et elle est absente de l'école et des projets d'établissement. Et ce, même après qu'une circulaire de rentrée en 2007 a introduit la notion ("le milieu scolaire doit constituer également l’espace au sein duquel l’on doit veiller au bien-être de tous les élèves et les accompagner dans la construction de leur personnalité individuelle et collective").

Alors qu'à l'école française, on "apprend à maîtriser des connaissances théoriques, mais en aucun cas à diriger sa vie" (même "si le bonheur commence à être reconnu comme une condition de l’éducation, il ne saurait être encore intégré comme un des objectifs de l'apprentissage"), le chercheur invite à s'inspirer d'écoles, ailleurs dans le monde, qui intègrent le curriculum du bien-être (Well-Being Curriculum), et où, "sans que cela constitue une discipline séparée des autres, les élèves expérimentent chaque semaine des activités favorisant le bonheur" : le "journal de gratitude", "dans lequel l'élève est amené à écrire ce qu'il apprend des autres" ; le mur "What Went Well", sur lequel chaque élève écrit "trois apports positifs qu'ils ont retenus de la leçon, de la journée et de la semaine d’école" ; "les exercices d'écoute active, où un élève est incité à feindre l’inattention, puis l'attention, pour en envisager les conséquences"... Le chercheur cite aussi l'ouvrage "Oser le bien-être au collège" (2016), dans lequel Christian Garcia et Caroline Veltcheff répertorient des "démarches d'amélioration du bien être" comme l'aide à l'orientation, les activités théâtrales, l'éducation à l'empathie.

Le service public d'enseignement, source de mal être ?

Une approche qui complète trois autres contributions consacrées de leur côté à "la souffrance à l'école"(Béatrice Mabilon-Bonfils), au "burnout" des élèves (Émilie Boujut) et à la prise en charge des décrocheurs (Line Numa-Bocage).

La première plaide pour une école plus "extensive" qui doit être prolongée "hors l'école", "par des pratiques sociales, culturelles et pédagogiques (notamment portée par les nouvelles technologies mais pas seulement)" pour être davantage "une école de la relation, de la coopération, de la participation, aux contenus pensés pour tous". La seconde chercheuse, qui souligne que plusieurs études internationales ont montré l'augmentation du phénomène de stress scolaire (le pourcentage des adolescents ayant un "niveau de burnout sévère" s'élève entre 6,7 et 15 %), met en évidence des facteurs qui peuvent être responsables du stress scolaire et sur lesquels il faudrait peut-être travailler : la façon dont s'adressent les enseignants aux élèves, mais également l'attitude des parents. Si cette dernière est "soutenante et étayante", elle permet "aux enfants en échec d'amoindrir considérablement leur niveau de stress académique", écrit-elle.

Le premier "responsable" est évoqué aussi par la troisième chercheuse qui s'est penchée sur les décrocheurs. Celle-ci estime que ce contre quoi il faut lutter avant tout, c'est "la source de mal être et de souffrance des élèves non motivés, absentéistes". Or, "le service public d'enseignement semble être une source de mal être", écrit-elle encore. Celle-ci évoque l'idée d'aller davantage vers la "co-construction de l'activité des enseignants et des élèves". Même s'il n'est "pas toujours aisé d'écouter et d'entendre la parole de ces jeunes", pour certains trop "silencieux", pour d'autres "trop bruyants", et parce qu'écouter requiert un "ralentissement" en contradiction avec l'injonction donnée à l'enseignant d'aller vers "la performance", la chercheuse plaide pour le développement de recherches collaboratives qui associeraient élèves, familles, partenaires sociaux et entreprises afin de tendre vers une logique : partir du point de vue du décrocheur "et chercher avec son concours les pistes du mieux-être à l'école pour favoriser les apprentissages scolaires".

Développer les tiers-lieux dans les établissements

Enfin, le magazine s'est intéressé à la façon dont l'espace scolaire pourrait influer aussi sur le bien-être. Dans un entretien qu'il donne au magazine, un architecte, Antoine Assus, estime qu'il faut sortir de l' "approche quantitative" qui prédomine dans la conception d'un établissement (tant d'espace par élève, par classe, pour les équipements, etc.), pour investir davantage les "surfaces inutiles" (soit 15 à 25 % selon ses calculs). Pour lui, "on est loin des révolutions qui sont en marche pour une société plus participative" et qui doit donner toute sa place aux "tiers-lieux". Cette nouvelle appropriation des espaces inutiles peut prendre la forme de "rues intérieures qui remplacent les couloirs", d'un local dédié aux parents, d' "un atrium, un espace central collectif", comme il en a conçu un à Nîmes en associant l'école à une médiathèque...

Aujourd'hui, à l'exception du primaire (où l'accueil le matin, le soir, pendant les vacances pour les activités périscolaires suscitent ces besoins), ces tiers-lieux restent peu "imaginés". Principal frein, selon lui : les programmes des collectivités sont validés par l'Education nationale qui "s'intéresse au développement durable, aux questions d'énergie" mais "oublie la question pédagogique". En effet, "les enseignants sont nommés après" la construction de l'établissement, résultat, "il manque les dialogues sur la pédagogie".

Le n°1 du magazine de l'Éducation ici

Camille Pons

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