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Médecins scolaires : plusieurs organisations de Seine-Saint-Denis s'apprêtent à saisir la justice

Paru dans Scolaire le mercredi 30 août 2017.

Dans sa communication au Conseil des ministres de ce 30 août, Agnès Buzyn annonce que "les ministères des solidarités et de la santé et de l’éducation nationale renforceront leur coopération autour de la médecine scolaire et de la formation à une alimentation et des modes de vie sains". C'est que "la prévention et la promotion de la santé doivent devenir la préoccupation de toutes les politiques publiques". En Seine-Saint-Denis, ce même jour, la section Sud Éducation du département indique à ToutEduc que le territoire compte 29 médecins scolaires pour 340 000 élèves, dont 10 contractuels, soit 1 médecin pour près de 12 000 élèves alors que ce rapport médecins/élèves est, au niveau national, de 1 pour 10 000. Le syndicat, avec les sections départementales de la Ligue des droits de l'homme, de la FCPE et de la FSU, organise un rassemblement devant le tribunal administratif de Montreuil, demain en fin d'après-midi, rassemblement à l'occasion duquel sera annoncée la saisine du juge administratif, "d'ici une semaine ou deux" pour "un recours en responsabilité contre l'État pour rupture de l'égalité devant les charges publiques".

Objectif, comme l'indiquait un communiqué de presse commun diffusé cet été : "que l'État respecte la réglementation en termes de médecine scolaire, qu'il assure notamment la réalisation des deux visites médicales obligatoires au cours de la scolarité de l’élève, en CP et en 6e". "La situation est déjà catastrophique en France mais elle est pire en Seine-Saint-Denis", résume Paul-Arthur Chevauchez, militant Sud Éducation qui suit le dossier. "Nous voulons mettre l'État face à ces responsabilités, le 93 étant plus défavorisé que le reste du territoire." Il s'agit "de mobiliser les gens là-dessus" car cette question est, selon lui, "emblématique de la situation d'abandon dans laquelle l'État met le 93".

Un rapport "enterré"

La situation est ancienne. Deux rapports, un de l'Assemblée nationale et un autre de la Cour des Comptes avaient mis l'accent en 2011 sur la situation problématique dans l'ensemble du territoire et sur le manque d'attractivité pour les postes de médecins scolaires. La situation avait été également rapportée en novembre 2016 par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Auparavant, en 2015, Manuel Valls avait missionné Najat Vallaud-Belkacem, sur proposition de cette dernière, pour réaliser une évaluation de la médecine scolaire. Dans cette lettre de mission en date du 4 juin était prévu le recours aux inspections générales de l'Éducation nationale et des Affaires sociales. La lettre prévoyait aussi la mise en ligne des rapports de diagnostic et de scénarios qui devaient être produits "dans les 5 mois suivants". Quid du rapport issu de la mission ? "On sait qu'il a été écrit", assure le militant, "mais il a été enterré".

En Seine-Saint-Denis, seules 10 % des visites médicales obligatoires pour l'année des 6 ans seraient assurées par des médecins scolaires, selon le syndicat. Beaucoup, explique-t-il, sont réalisées par des infirmiers "alors que ce n'est pas légal". Le département compte 250 infirmiers soit 1 pour 1 360 élèves, un nombre également "insuffisant" selon le syndicat. Dans certaines écoles, ces visites ne sont pas du tout assurées : selon lui, c'est le cas à Aubervilliers, Bagnolet ou encore Aulnay-sous-Bois. Le communiqué commun indiquait aussi que "dans certaines villes, la médecine scolaire a[vait] quasiment disparu : ainsi à Bobigny, préfecture du département, dans laquelle il n'y a qu'un demi-poste de médecin de l'Éducation nationale pour 29 écoles, 4 collèges et 3 lycées".

Au-delà des aspects légaux, les organisations souhaitent surtout mettre l'accent sur les "problèmes" que cela peut poser aussi en matière d'apprentissage. "Les enfants qui ne voient pas bien, n'entendent pas bien, ne sont pas détectés pour des troubles dys, sont mis dans des situations compliquées", poursuit Paul-Arthur Chevauchez.

Demande d'un "plan d'urgence" pour le 93

Pour préparer le recours, les organisations avaient lancé un appel à témoignages dès le mois de juin. Sud Éducation dit en avoir récupéré une dizaine et l'ensemble des organisations doivent rassembler leurs témoignages pour constituer le dossier. "L'État va nous répondre 'on crée des postes mais les médecins ne veulent pas venir'. Mais nous, nous répondons que l'État a une obligation de résultat."

Les organisations demandent d'ailleurs "un plan d'urgence pour le 93" qui ne portera pas que sur la question de la médecine scolaire. Selon Sud Éducation, le département a également besoin de 3 000 postes d'enseignants pour faire face à "une forte augmentation démographique" alors que le "nombre de postes n'augmente pas par ailleurs". Certes, le nombre d'élèves par classe "pourrait être pire", commente l'enseignant (26 en moyenne au primaire, "voire plus", 23 à 26 au collège et jusqu'à 35 au lycée, selon les données du syndicat). "Mais les conditions d'enseignement en Seine-Saint-Denis sont particulières au regard d'indicateurs sociaux significatifs, comme les taux de redoublements en 6e, le nombre d'habitants qui vivent en zones urbaines sensibles, etc. C'est à l'État d'assurer l'égalité réelle !"

A noter une décision du Défenseur des droits de novembre 2015 qui constatait déjà en Seine-Saint-Denis une "situation de rupture d'égalité devant le service public de l'Éducation nationale" et recommandait notamment, "sans méconnaître les avancées réalisées depuis la rentrée 2014", de porter une attention "particulière" sur l'accompagnement des enfants en situation de handicap et de permettre aux enseignants de "rester durablement attachés" à leurs établissements.

Camille Pons

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