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Hors-contrat : 26 "écoles démocratiques", où les enfants ont les mêmes droits que les adultes" à la rentrée ?

Paru dans Scolaire le jeudi 24 août 2017.

Troisième épisode du "feuilleton" que ToutEduc consacre au privé hors-contrat : un regard sur le mouvement des "écoles démocratiques" qui réunit cette semaine (du 19 au 27 août) à Chatenay-Malabry une conférence internationale avec 465 participants dont, outre des Européens, des Brésiliens, des Israéliens, un Taïwannais... En France, six nouveaux établissements devraient ouvrir à la rentrée, portant leur nombre à 25. Une quarantaine d'autres projets seraient en gestation. L'un d'eux, l'école du Grésivaudan à Grenoble a rendez-vous avec Isabelle Bourhis, conseillère de J-M Blanquer, pour tenter d'obtenir le statut d'établissement expérimental.

Née en 2008 d'une volonté de formaliser un mouvement international et de lui donner une dimension européenne, l'EUDEC (ou "Communauté européenne pour l'éducation démocratique"), s'est d'abord développée en Angleterre, avec la plus ancienne et la plus connue de ces écoles, Summerhill (actuellement dirigée par la fille d'Alexander Niel, assistée du petit-fils du fondateur), en Allemagne avec la Netzwerk-Schule, aux Pays-Bas... En France, la première école ("La Croisée des chemins" à Dijon) n'a ouvert qu'en mai 2014, la seconde ("L'Ecole dynamique" à Paris), en septembre 2015, mais depuis, dépassant largement les autres pays européens, la France comptait à la fin de l'année scolaire 2016-2017, 19 de ces écoles où "les enfants ont les mêmes droits que les adultes" et font "leurs propres choix concernant leurs apprentissages et tous les autres domaines de la vie".

Leur situation est très variable. "La Croisée des chemins" compte une vingtaine "de membres" (peut-on encore parler "d'élèves" ?) âgés de 3 à 19 ans pour trois adultes à temps plein et 5 intervenants. Hors un contrat aidé, tous sont bénévoles. Les frais d'inscription sont au minimum de 3 350€/an, mais beaucoup plus pour certains, sur la base du quotient familial et de la générosité des familles. Sa créatrice Fleur Mathet lance parallèlement un centre de formation à la créativité et à la gestion des conflits, deux sujets sur lesquels elle a beaucoup travaillé. "L'Ecole dynamique" compte 45 membres de 4 à 18 ans, les droits de scolarité sont de 5 000€ pour tous et elle rémunère 5 pleins temps à raison de 1 800€ brut. Son fondateur, Ramïn Faranghi, ancien élève de l'Ecole centrale, ancien consultant et ancien professeurs de mathématiques s'est fait connaître avec une vidéo "Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent", vue plus de 200 000 fois (ici). "La Ferme des enfants", créée en Ardèche par Sophie Rabhi était depuis 1999 une école Montessori, elle a basculé, mais uniquement pour les plus de 6 ans, sur le modèle "démocratique" en 2016.

Un certain vertige

Au début, raconte Sophie, "après 17 ans de Montessori, donc d'un enseignement très structuré, j'ai été prise de vertige, et en même temps envahie d'un sentiment de bien-être". Ramïn a, tout d'abord été déstabilisé par le comportement d'adolescents qui se révélaient violents, refusaient la coopération, mettaient la musique à fond, ne respectaient pas la règle qu'ils avaient pourtant formellement acceptée, limitant la liberté de chacun au respect de celle des autres. "Il y a eu une seule exclusion définitive." En revanche, certains "membres" quittent leur école, mais il semble difficile d'évaluer ce turn-over qu'illustre cette anecdote : un jeune, après 3 ans de liberté, a expliqué qu'il avait envie d'avoir lui aussi "des heures de colle", et il a rejoint "un établissement autocratique". Ramïn évoque lui aussi ce besoin d'autorité de la part de pré-ados qui se sont rendu compte qu'ils étaient "addicts" aux jeux vidéo et qui ont demandé aux adultes de poser un interdit, ce qu'ils ont refusé, les renvoyant à leur responsabilité individuelle.

Mais en règle générale, les enfants "ont envie d'apprendre, de grandir". Certains vont choisir de faire des maths parce qu'ils se découvrent une passion pour cette discipline, d'autres parce qu'ils ont envie de faire médecine, et qu'ils savent qu'ils devront passer le bac. "Peu importe leur motivation." Le rôle des adultes est de les accompagner, de leur permettre de prendre confiance en eux. Les responsables de ces écoles sont convaincus qu'ils apprennent bien plus que "le socle commun" en termes de connaissances, mais aussi d'épanouissement personnel et de citoyenneté, objectifs qui figurent au code de l'éducation. Toutefois, la question des inspections, même si, jusqu'à présent, aucun établissement n'a été sanctionné, préoccupe à l'évidence les responsables, et l'un d'eux a mis en place "un relevé d'activité" : chaque soir, l'enfant note ce qu'il appris dans la journée. "Il y a un tel foisonnement d'activités."

"Le futur de l'éducation"

Et surtout, même s'ils n'imaginent pas que leur modèle s'impose comme un modèle unique, et s'ils plaident pour la diversité des choix, ils portent la conviction d'être porteurs "du futur de l'éducation". Mike Weimann (Netzwerk Schule) nous le demande d'ailleurs : "Pourquoi y a-t-il encore des écoles traditionnelles, pourquoi ils ne renoncent pas à la division des élèves en groupes-classes, aux notes, aux cours magistraux sinon à la demande...". Une autre "ne peut pas imaginer contraindre des enfants", ne pas prendre en compte leurs demandes, ne pas considérer leur parole comme valant autant que la sienne, même si chacun a bien conscience que les besoins des enfants et leurs possibilités varient avec leur âge.

Tous ont été profondément émus de témoignages de jeunes sortis des "écoles démocratiques" d'autres pays européens, et qui ont acquis une forme de maturité "incroyable" que certains leur envient. Emeline a tout quitté, alors qu'elle était gestionnaire de projets culturels, et s'est donné "deux ans de break pour aller à la rencontre d'elle-même". Il lui semble que ces jeunes adultes ont fait l'économie de cette rupture qu'elle a dû faire pour "découvrir son potentiel". Elle ne se sent pas pour autant encore prête à porter un projet d'école, pas plus qu'Iris, directrice d'une école d'enseignement supérieur, que ToutEduc a également interrogée et qui a "décidé de tout arrêter", se sentant prise dans "une machine trop bien huilée", en perte de sens. "Tellement de gens, arrivés à 30 ans, se disent : je ne sais pas qui je suis ni ce que je veux." Le mouvement des écoles démocratiques répond à des questions qui sont pour elle existentielles, "je le porte profondément dans mon coeur".

Une "porosité" avec l'Education nationale

Comme beaucoup d'autres écoles hors-contrat, les "écoles démocratiques" ne comprennent pas pourquoi elles ne peuvent pas être subventionnée comme les autres, ce qui leur permettrait d'abaisser les frais d'inscription et d'être réellement ouvertes à tous, avec de plus l'espoir d'une certaine "porosité" avec l'Education nationale.

Par ailleurs, les responsables d'école que ToutEduc a rencontrés insistent, ils ont des sources d'inspiration, Summerhill, Sudbury Valley, les lycées autogérés, l'école de La Neuville, Ivan Illitch, Bernard Collot, Jean-Pierre Lepri, Socrate... mais aucun gourou.

Sur le privé hors-contrat, voir aussi ToutEduc ici et ici

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