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Retour à la semaine de 4 jours pour environ 30 % des communes, selon l'AMF : « c'est bien au-delà de ce que l'on avait imaginé » (Agnès Le Brun)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 18 juillet 2017.

« C'est bien au-delà de ce que l'on avait imaginé pour cette première rentrée ! ». Interrogée ce mardi 18 juillet 2017 par ToutEduc, Agnès Le Brun, la vice-présidente et rapporteuse de la commission Éducation de l'AMF (Association des maires de France) fait un état des lieux du retour à la semaine à 4 jours, des motivations des communes, de l'impact et des enjeux pour les communes en termes d'éducation suite aux dernières annonces du gouvernement. Celui-ci annonçait notamment, ce lundi 17 juillet 2017 à l'occasion de la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue au Sénat, que les collectivités devraient faire 3 milliards d'économies supplémentaires.

ToutEduc : À combien évaluez-vous le pourcentage de communes qui vont basculer à 4 jours dès la rentrée prochaine ?

Agnès Le Brun : À 30 %, ce qui est bien au-delà de ce que l'on avait imaginé ! Nous pensions que davantage de collectivités se donneraient au moins une année avant de se décider. Ce sont principalement des petites communes, et rurales, qui ont demandé le retour à 4 jours.

ToutEduc : Comment expliquez-vous ce retour massif ?

Agnès Le Brun : Deux facteurs ont fortement incité les communes à franchir le pas. D'une part, la pression exercée par les familles et les enseignants, pression d'autant plus forte qu'en milieu rural les maires sont en première ligne. D'autre part, la certitude grandissante que le fonds de soutien ne serait pas pérennisé, ce qui a donné lieu à une certaine désillusion : beaucoup se sont dit "autant franchir le pas tout de suite, plutôt que d'ouvrir la porte à d'autres réclamations dans l'année".

ToutEduc : Quels échos avez-vous justement concernant le fonds de soutien ?

Agnès Le Brun : Certes, nous n'avons pas de réponse ferme qui nous dit que le fonds de soutien ne sera pas pérennisé, mais nous ne voyons pas, après avoir annoncé ce début de semaine à la Conférence nationale des territoires que les collectivités devraient faire 3 milliards d'économie, comment le gouvernement va pérenniser ce fonds !

ToutEduc : Si ce sont principalement les petites communes qui font la bascule à cette rentrée, les médias se font l'écho de velléités de grandes villes, comme Bordeaux et Marseille, de suivre ces dernières en 2018...

Agnès Le Brun : J'ai discuté avec le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Le coût des nouveaux rythmes s'élève pour sa ville à 20 millions d'euros dont 6 millions versés par l’État. Il prend le temps de la réflexion cette année. Mais si le fonds de soutien est supprimé après 2018, il risque de ne pas réfléchir longtemps ! Vu les coûts, on peut effectivement s'interroger sur le maintien de ces dispositifs. D'autant que l’État nous a rajouté la CNI [transfert aux communes des demandes d'instruction des cartes nationales d'identité, NDLR], qu'il va nous transférer les PACS (pactes civils de solidarité)... auxquels vont se rajouter les 3 milliards d'économie à faire. Le risque, c'est que les collectivités ne vont pas s'embarrasser de charges facultatives. Maintenant on peut déroger aux rythmes à 4,5 jours, mais on peut imaginer aussi un impact sur la restauration scolaire qui n'est pas non plus une obligation. Quant à la promesse d'éventuellement nous transférer une part de l'augmentation de la CSG, personne ne peut y croire ! Et quand on nous dit qu'on nous laisse la marge de manœuvre sur la masse salariale, certes ont peut imaginer que l'on va appliquer des modes de management de l'entreprise. Sauf que c'est oublier que la masse salariale des collectivités est composée majoritairement de personnes payées au SMIC ou au SMIC+. En réalité, nous n'avons pas de marge de manœuvre et c'est très inquiétant.

ToutEduc : Concernant les dédoublements des CP en REP+, avez-vous mesuré aussi l'impact sur les communes en termes de locaux ?

Agnès Le Brun : Nous n'avons pas encore d'évaluation au sujet de la mise en œuvre de cette mesure car cela ne concerne pas la majorité des communes. Mais oui, le vrai sujet c'est "comment fait-on ?" Nous avons la gestion des bâtiments, ce à quoi s'ajoute la transition numérique - car ce sont les communes qui financent les équipements numériques, la maintenance... -. C'est extrêmement démagogique de la part du gouvernement de dire on supprime la taxe d'habitation. Or l'impôt est le premier consentement à la démocratie, car c'est ce qui va au pot commun. Tout cela ne va pas simplifier la vie des communes.

ToutEduc : Comment va se positionner l'AMF sur tous ces sujets ?

Agnès Le Brun : Nous allons nous battre jusqu'au bout pour la pérennisation du fonds de soutien pour ceux qui veulent continuer. Et je suis favorable à ce que l'on lance une enquête, via des questionnaires envoyés aux communes, afin de dresser une cartographie des territoires qui sont repassés à 4 jours. Il serait intéressant de voir s'il y a des tropismes géographiques, dans quelle mesure des territoires ont subi des décisions d'autres collectivités [par exemple concernant les velléités ou non d'aménager les transports scolaires en fonction des décisions, NDLR], si les décisions sont liées à des caractéristiques de précarité sociale, aux résultats des élèves, etc. Ce sera un outil intéressant à exploiter pour notre centième Congrès programmé en novembre prochain.

ToutEduc : Dans votre commune de Morlaix, quelle décision a été prise concernant les rythmes ?

Agnès Le Brun : J'ai proposé aux conseils d'écoles que nous nous donnions une année pour réfléchir. Cela s'est très bien passé, contrairement à certains endroits, comme dans les Pyrénées Atlantiques. 112 communes avaient demandé un retour à la semaine de 4 jours et le DASEN en avait accepté seulement 12 puis 22. Nous sommes intervenus auprès de l’État pour demander à ce que soit respectée une véritable équité de traitement dans tous les territoires. Ce dernier a signalé à l'inspection que tous les motifs étaient recevables et au final, dans le 64, seulement 3 demandes ont essuyé un refus définitif.

ToutEduc : La Conférence des territoires a-t-elle été l'occasion d'aborder des sujets en lien avec l'éducation ?

Agnès Le Brun : Nous avions fait deux demandes à l'État, qui ont été acceptées : un moratoire nous assurant qu'aucune école publique ne serait fermée en 2018 et la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, agence de diagnostic et de prospective qui nous permettra de collecter et centraliser des données (en termes de concertations, d'expérimentations, d'évaluations). Elle pourra être en quelque sorte un lieu de « rencontre » avec l'État et permettra à ce dernier d'avoir un diagnostic plus fin de ce qui se passe vraiment sur le terrain.

Propos recueillis par Camille Pons

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