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Politiques éducatives : poursuivre la mobilisation sur les questions d'éducation partagée et des temps de l'enfant (Étienne Butzbach, Prisme)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 13 juillet 2017.

Faire le point sur les politiques éducatives, préparer la mobilisation sur les questions d'éducation partagée et des temps de l'enfant alors même que le gouvernement a ouvert la voie pour le retour à la semaine de quatre jours, tels sont quelques-uns des objectifs que se fixe l'association-réseau Prisme (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs). Étienne Butzbach, président, depuis avril 2016, de l'association qui rassemble des représentants de l'Éducation nationale, de l'Éducation populaire, de collectivités et des chercheurs, dresse un état des lieux des questions et des enjeux qui ont été posés à l'occasion de l'université d'été de l'association, qui s'est tenue à Toulouse du 10 au 12 juillet 2017.

ToutEduc : Parmi les termes abordés à cette université d'été, figurent notamment l'accompagnement et l'évaluation des PEDT (Projets éducatifs de territoires) et l'articulation national/local concernant les politiques éducatives. Des sujets d'actualité, ou qui risquent de ne plus l'être ?

Étienne Butzbach : Nous avions prévu, avant les élections, de faire le point sur des questions cruciales en matière de politiques éducatives, donc sur l'éducation partagée, l'implication des parents, les projets éducatifs locaux, les modes de gouvernance, l'articulation du projet d'école et du PEDT, les formations conjointes des acteurs... questions en lien évidemment avec les temps de l'enfant. Nous ne pensions pas que des décisions seraient prises au ministère aussi rapidement. Je pense notamment à la mesure qui permet le retour à la semaine de 4 jours qui me semble extrêmement problématique, pour ne pas dire irresponsable. On confie le soin aux collectivités de décider de ce que doit être le temps dévolu à l'institution scolaire en ouvrant la boîte de Pandore de lâches renoncements : ceux d'une partie des enseignants qui préfèrent les 4 jours, des couches moyennes et supérieures dont les enfants bénéficient d'un accompagnement scolaire 7 jours sur 7... Ceux qui auront à en pâtir seront les classes populaires. C'est paradoxal quand on prétend vouloir faire de la lutte contre les inégalités une priorité ! Dans le domaine de l'éducation, on doit d'abord penser à l'intérêt de l'enfant. Beaucoup n'imaginaient pas, quelles que soient les insuffisances dans la mise en œuvre des temps, un retour en arrière car ils avaient mesuré l'intérêt pour les collectivités de s'emparer de l'éducatif. Et il est stupéfiant de voir que ce qui faisait consensus, y compris sous Luc Chatel, c'est-à-dire la nécessité de sortir de la semaine de 4 jours, soit remis en cause ! On remet en cause des dynamiques très fragiles et un chantier loin d'être abouti sur la façon dont on peut construire des politiques éducatives locales dignes de ce nom. Alors même qu'elles offraient des perspectives intéressantes.

ToutEduc : Que perceviez-vous ?

Étienne Butzbach : Un travail sur la qualité des activités proposées hors temps scolaire, sur les relations qui pouvaient s'établir entre les activités et l'école, la lente construction d'une collaboration entre équipes d'animateurs et équipes d'enseignants, le développement d'un travail autour de formations conjointes... C'était embryonnaire, il y avait beaucoup d'imperfections à corriger mais une chose est de dire c'est perfectible, une autre d'interrompre un élan. Où est la prise en compte de l'intérêt de l'enfant, des enfants d'origine populaire ? Antoine Prost [historien de l'éducation, ndlr] avait parlé de "Munich pédagogique" en 2008 [après la décision prise par le ministre Xavier Darcos de permettre la suppression de la classe du samedi et la généralisation de la semaine de 4 jours, ndlr]. Cela reflète bien la brutalité et la gravité de cette nouvelle attaque.

ToutEduc : Avez-vous une vue sur ce qui est en train de se passer concrètement dans les départements concernant cette possibilité de retour à 4 jours ?

Étienne Butzbach : On observe déjà des choses en milieu rural. Par exemple, en Haute-Saône, une communauté de communes, Terres sur Saône, [regroupées autour de Port-sur-Saône, ndlr], a d'ores et déjà décidé de repasser à la semaine de 4 jours, alors même qu'il y avait des interventions importantes de la Ligue de l'enseignement notamment. On assiste à un détricotage des actions en cours, ce à quoi va s'ajouter le licenciement de nombreux animateurs, alors même qu'un cursus de formation était prévu.

ToutEduc : Quelles actions Prisme peut-elle engager contre ça ?

Étienne Butzbach : Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire que la communauté éducative se mobilise pour valoriser les initiatives qui vont dans le sens de cette éducation globale, dans et hors temps scolaire. C'est aussi le sens de l'université d'été. Prisme fera des propositions à l'ANDEV, à la Ligue, à la Fédération des PEP, aux FRANCAS... pour que s'organise la résistance face à ces mesures qui risquent de mettre à mal les trop timides avancées de la période précédente. Il y a des choses à corriger mais ce n'est pas l'esprit même de la Refondation qu'il faut contester. Il reste plus que d'actualité ! Mais Prisme reste avant tout un lieu de débat. Sa vocation est d'être un agitateur d'idées. Positives même si on ne peut pas cacher les inquiétudes par rapport à ces mesures.

ToutEduc : Vous avez évoqué le chantier sur la façon dont on peut construire des politiques éducatives locales. Qu'est-il ressorti des débats sur ce sujet ?

Étienne Butzbach : Les discussions ont notamment porté sur la façon dont on peut conforter cette démarche de projet à travers une démarche d'évaluation de l'ensemble des acteurs. Nous avons eu les exemples de Colomiers (31) et de Strasbourg (67). À Colomiers, une recherche-action a été menée avec les coordinateurs de activités périscolaires. Le laboratoire a ensuite créé un observatoire qui va permettre d'instaurer des méthodes d'évaluation durables. Les chercheurs n'y font pas d'évaluation mais donnent à lire des éléments aux acteurs pour les aider à mener une évaluation durable sur leur travail. En matière de recherche, nous a été aussi présenté le dispositif PILAR (Projet d'initiative locale adossé à la recherche) mis en place à l'initiative du rectorat de Toulouse. Des chercheurs [de la Structure fédérative de recherche implantée dans l'ESPE] identifient et travaillent avec les équipes de terrain, en mêlant formation et recherche collaboratives. La recherche reste hélas un champ dans lequel on manque de systématisation.

À Strasbourg a aussi été mis en place un dispositif d'évaluation partagé. Et sur ce sujet, Alain Bollon, expert Unesco, a rappelé que l'évaluation ne doit pas être, comme trop souvent, un questionnaire à remplir ou l'action d'une personne qui vient observer. Cela doit être une réflexion de tous les acteurs, sur ce qu'ils font et les effets sur les enfants, enfants qui devraient être aussi impliqués dans l'évaluation. Dans le groupe d'appui départemental de Lille est d'ailleurs menée une réflexion sur l'évaluation qui pourrait être faite par les enfants. L'enfant est trop souvent considéré comme un objet et non un acteur. Frédéric Jésu [ancien pédopsychiatre de service public, ndlr] a introduit la séquence consacrée aux parents sur l'importance d'associer les enfants aux décisions : au sein de la famille, au sein de l'école et du périscolaire. Concernant les modes de gouvernance des PEDT, a été aussi présenté un mode de gouvernance original mis en place par la Ville de Toulouse : un parlement éducatif qui réunit l'ensemble des composantes, y compris les parents.

ToutEduc : Quels sont les prochains rendez-vous de Prisme ?

Étienne Butzbach : Nous allons publier les actes de cette université, préparer la prochaine lettre que nous diffusons auprès de 10 000 abonnés et la prochaine université d'été, qui se déroulera à Cluses en Haute-Savoie. Nous partageons également nos réflexions dans le cadre d'études. En 2017-2018, nous participons à une recherche-action pilotée par la Fédération générale des PEP avec le soutien financier de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), visant à favoriser l'accès des personnes handicapées aux loisirs.

Propos recueillis par Camille Pons

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