La prise de parole est significative de la place et du rôle que l’on accorde à l’élève (Cahiers pédagogiques )
Paru dans Scolaire le lundi 03 juillet 2017.
"Nous tenions enfin a laisser entendre, notamment dans des encadrés tout au long du dossier, cette parole des élèves, qu’elle soit directe ou rapportée. Ce ne fut pas simple, car il a fallu volontairement raccourcir la parole des adultes." Ces propos de Michel Tozzi, professeur honoraire à l’université Paul–Valéry de Montpellier, et de Bastien Sueur, délégué général de la Fespi (Fédération des établissements scolaires publics innovants), illustrent la connotation qu’ils ont souhaitée donner au dossier "La parole des élèves" qu’ils ont coordonné pour le numéro de juin 2017 de la revue "Les Cahiers pédagogiques" (ici).
Pour Michel Tozzi et Bastien Sueur, il ne s’agit en aucune manière de négliger l’écrit, fondamental pour formuler une pensée et laisser trace. Mais la prise de parole orale leur semble significative de la place et du rôle que l’on accorde à l’élève dans le système éducatif. Ils ont donc choisi d’interroger le statut de cette parole à l’école et de certaines de ses fonctions qui leur ont semblé essentielles à cause de leurs enjeux formatifs. Parmi ces fonctions, ils ont retenu en particulier celles qui portaient sur trois enjeux.
La parole pour se construire
Tout d’abord, autour de l’enjeu identitaire, la parole pour se construire : les linguistes considèrent que la parole est la modalité par laquelle un sujet s’approprie une langue et investit subjectivement le langage. Elle contribue fortement à la construction d’une identité personnelle et collective comme moyen d’individuation et de socialisation. Il s’agit ici d’être considéré comme un sujet parlant et pensant qui a le droit de s’exprimer, d’être écouté et entendu et qui, par sa parole "se subjective" individuellement et socialement.
Ensuite, autour de l’enjeu réflexif, la parole pour réfléchir : celle-ci, à travers et par la langue, est, dans sa dimension sociale, un moyen très riche pour communiquer avec ses semblables. Mais elle n’est pas seulement communicationnelle ; elle n’est pas seulement utilitaire : elle est l’outil par excellence de la réflexion. Nous pensons dans et par la langue. C’est la parole pour penser, questionner, problématiser, conceptualiser, argumenter… entre autres dans les différentes disciplines. Cet usage réflexif de la langue soutient l’élaboration d’une pensée personnelle, l’apprentissage de connaissances et permet aussi, par la verbalisation de nos actions, la conscientisation de nos activités.
Une parole prise au sérieux
Enfin, autour de l’enjeu citoyen, la parole pour décider et agir : la démocratie fonde sa légitimité sur la voix de chacun et de tous. Elle valorise la prise de parole, témoin de la liberté d’expression et de la pluralité des opinions. La parole est une force. Elle exerce une influence. C’est la parole de l’intervention dans l’espace public de discussion pour exposer et défendre ses idées. C’est celle aussi, plus collective qu’individuelle, mandatée, de la représentation démocratique dans des institutions officielles (délégués au conseil de classe, conseils de vie collégienne et lycéenne, etc.) ou pédagogiquement ad hoc (conseils coopératifs, etc.) pour échanger, réguler, débattre, prendre des décisions.
Ce dossier révèle une parole qui s’avère formatrice pour façonner sa personnalité, étayer sa pensée, incarner et témoigner de ses appartenances collectives. Pour les deux coordonnateurs, il s’agissait de montrer des exemples significatifs où cette parole est prise au sérieux. L’objectif semble atteint.
Arnold Bac