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Le lycée professionnel est bien "un laboratoire pédagogique" (Aziz Jellab)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 07 juin 2017.

"Doit-on conclure à l’idée que le lycée professionnel serait condamné à n’avoir pour mission que la réhabilitation d’élèves que l’on dit fâchés avec l’école, et assumer une fonction de restauration d’une image positive chez un public laminé par le collège ?" Non, pas seulement, nuance Aziz Jellab, IGEN (Inspecteur général de l'Education nationale), chercheur en sociologie à Lille 3, dans son nouveau livre intitulé "Enseigner et étudier en lycée professionnel aujourd’hui".

Spécialiste de l’enseignement professionnel, Aziz Jellab, s’interroge plus particulièrement sur le rôle et la place du lycée professionnel dans le système éducatif français. "Du" ou plutôt "des" LP, comme il le précise, insistant sur les comparaisons difficiles entre "tel LP situé dans une petite ville de 8 000 habitants, ancien bassin minier, accueillant à peine 300 élèves, dont une majorité de filles et préparant essentiellement aux métiers des soins, de la restauration rapide et de l’entretien des locaux" et "tel autre, situé dans une ville de 30 000 habitants, ancien CET ayant noué un partenariat avec les entreprises environnantes, accueillant 900 élèves dont 200 sous statut d’apprentis".

Un appel à la valorisation

Il s’étonne : "Alors que la voie professionnelle et plus spécifiquement le lycée professionnel ne suscitent que peu d’intérêt de la part des chercheurs en éducation, on assiste depuis les trois dernières décennies à un appel récurent à leur valorisation". Les LP ont une mauvaise image, dans les médias, chez les parents, les élèves et aussi les enseignants. Lors de sa première affectation en tant que conseiller d'orientation stagiaire dans l’académie de Lille, l’auteur entend un principal déclarer : "Thierry n’est pas fait pour l’école, il sera mieux en LP !".

Quel est donc cet enseignement qui n’est pas l’école ? S’agit-il d’une école pas comme les autres ? Aziz Jellab en revient à l’histoire : "L’enseignement professionnel a bénéficié à ses origines d’une image positive. L’institutionnalisation de l’enseignement professionnel s’est opérée vers la fin du XIXe siècle pour se consolider au milieu du XXe. […] La véritable institutionnalisation et reconnaissance de l’enseignement professionnel formant des futurs ouvriers n’a vu le jour qu’à partir de 1911, avec la création du certificat de capacité professionnel (CCP) et plus encore, avec la Loi Astier qui crée, en 1919, le CAP".

Une dimension identitaire

Adaptation aux besoins économiques après 1945, promotion d’une culture ouvrière, professionnalisation du corps enseignant, tertiarisation du marché du travail, développement du chômage… L’enseignement professionnel, étroitement lié à la situation économique, en subit tous les aléas. Pour autant, l’auteur souligne que "l’examen au plus près des rapports entretenus par les élèves avec leur scolarité en LP montre que leur implication n’est pas suspendue à la seule quête d’un emploi à venir, et qu’elle comporte également une dimension identitaire qui est loin d’être négligeable".

Place du CAP, Bac pro en trois ans, poursuites d’études… Les réformes se succèdent mais les élèves de LP subissent toujours pour la plupart leur orientation dans l’enseignement professionnel et dans ses différentes spécialités. Du sentiment d’échec au "déclic" de la réussite, Aziz Jellab décrit les défis pédagogiques et didactiques auxquels sont confrontés quotidiennement les professeurs en LP : "Le fait est établi : une majorité de PLP disent ‘faire de l’éducation’, ‘s’assurer du bien-être des élèves avant leur mise au travail’, et consacrer un temps non négligeable à ‘l’écoute’ de leur public". Il ajoute "toute la subtilité de l’enseignement en LP consiste à mettre en valeur des savoirs et des compétences professionnels tout en valorisant les savoirs généraux et théoriques, mais en les mettant en dialogue avec l’apprentissage d’un métier". 

Si l’auteur constate que "le LP constitue bien un laboratoire pédagogique", il appelle néanmoins les PLP à "une distance réflexive et à une évaluation objective de leur enseignement", faute de quoi ils pourraient "succomber au relativisme". Et d’en conclure : "Si des pédagogies de détour et avec elles, des ruses stratégiques s’avèrent nécessaires, elles n’ont d’efficacité que si les enseignants conservent de l’ambition pour leurs élèves, en les accompagnant et en les amenant à se réaliser par des apprentissages et par l’acquisition, jamais achevée, de compétences scolaires et professionnelles".

"Enseigner et étudier en lycée professionnel aujourd’hui", Editions L’Harmattan, 24€.

 

 

 

 

 

Colette Pâris

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