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Autonomie des établissements : comment leur "donner de la chair" ? (Entretiens F. Buisson)

Paru dans Scolaire le vendredi 26 mai 2017.

La centralisation à la Française était censé garantir égalité, or les disparités entre établissements sont parmi les plus fortes d'Europe, et l'OCDE, en se fondant sur les enseignements de PISA, prône l'autonomie des établissements comme un levier du changement. Mais de quelle autonomie parle-t-on ? L’autonomie structurelle, budgétaire, de pilotage, de la pédagogie ? L’autonomie comme alternative au pilotage existant ? Et selon quelles formes : organisations apprenantes ? établissements formateurs ?... C'était le thème de la 4ème édition des Entretiens Ferdinand Buisson, le 23 mai, à Lyon, organisés par l'IFE (Institut français d’éducation) qui vient de publier un Dossier de veille sur le sujet (voir ToutEduc ici).

Hugues Draelants, sociologue (université de Louvain), interroge l'incidence de la liberté pédagogique sur la lutte contre les inégalités scolaires à partir de l'exemple belge francophone. Il décrit un "non système scolaire" de fragmentation avec de grandes disparités, aussi bien des pouvoirs organisateurs que des curricula, et un "système de quasi-marché" avec des "niches éducatives" pour parents bien informés. L'autonomie devient alors facteur de différenciation et de spécialisation des établissements, avec à la clé un renforcement probable des inégalités. Pour que la réforme produise d'autres effets, il faudrait "un accompagnement renforcé" des élèves en difficulté et "une politique d'incitants au changement" comme des financements différentiel ou des labels, afin d'abaisser le coût du changement et de renforcer ses avantages aux yeux des directions.

Des enseignants qui ne sont pas autonomes dans un établissement autonome

En Suisse, explique Laetitia Progin, l'autonomie est considérée comme une gouvernance de proximité, et un établissement peut être considéré comme autonome alors que les enseignants ne s'y sentent pas autonomes. Pour eux, le travail est perçu plus intense, plus diversifié et enrichi, la gestion est plus participative, mais nombre d'entre eux évoquent le renforcement des procédures de contrôle. Paradoxalement, plus il y a d'individualisme, moins il y a d'autonomie. Ils expriment l’importance du collectif pour "donner de la chair à l'autonomie". Pour leur part, les chefs d’établissement  utilisent "un vocabulaire euphémisé" et parlent plus de "responsabilité" que de "pouvoir". Ils font sortir les professeurs de leur classe faute d'avoir la main sur ce qui se passe dans la classe. La chercheuse ajoute que la forme scolaire dominante avec la division en classes, en niveaux, en séries limite les modes de coopération.

Annie Feyfant (IFE) met en évidence quelques approches paradoxales : les systèmes asiatiques qui réussissent sont en fait centralisés, ce qui est critiqué par les finlandais…; les professeurs qui investissent le mieux des modalités de travail plus autonomes … sont ceux qui ont déjà été formés en ce sens lorsqu’ils étaient élèves.

L'autonomie des élèves

L'équipe du collège Lamartine à Villeurbanne, situé en REP+, évoque deux dispositifs qu'elle a mis en place, une mini-entreprise et l’évaluation en Histoire des arts. "On est riche de notre liberté. On s’inspire de l’esprit plus que de la lettre d’une réforme", explique Dominique Didier-Viforel, la principale. Il fallait "rêver grand" mais "faire simple", et donc partir du réel avec des diagnostics partagés et des objectifs identifiés, avec des réunions régulières (2h en moyenne) dans le cadre d’une structure dénommée "arboretum", réunissant enseignants et non-enseignants, et qui semble prendre le pas sur le conseil pédagogique.

Pour les enseignants, Éric Erbelin (mathématiques) et Rémi Voisin (EPS), avec des projets comme la mini-entreprise, les élèves développent leur autonomie, leurs compétences civiques et leur estime de soi. "Les enseignants sont plus ressources que donneurs d’ordre. Chaque enseignant accepte de dépasser sa fonction." Il y a nécessité d’un décloisonnement disciplinaire, comme en Histoire des arts, et autonomie car "il y a prise de recul sur les demandes institutionnelles". Avec un objectif commun : permettre aux élèves de réussir leurs études. Quant à la principale, si elle prend en compte l’accueil des nouveaux professeurs afin que personne ne reste sur le côté, elle relève la difficulté de gérer les temporalités des uns et des autres, et regrette surtout certaines enquêtes … impossibles à renseigner, comme celle sur l’Histoire des arts, où on demande de renseigner des niveaux dans un établissement qui a décloisonné !

Une déconcentralisation - recentralisation

En réponse à une question de ToutEduc sur l’évolution des niveaux d’autonomie du système éducatif, Hélène Buisson-Feynet, sociologue (ENS Lyon) observe que dans le système éducatif français, "la Centrale" [le ministère rue de Grenelle] pèse maintenant moins de 3 000 personnes. Elle parle de "déconcentralisation" pour observer qu’il y a 17 "petites centrales" correspondant aux 17 régions académiques, qui ont "repris la bride de la régulation de la décentralisation" bien plus que les établissements. 

A l’automne les 5èmes entretiens Ferdinand Buisson porteront sur l’inclusion.

Claude Baudoin

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