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Mal-être des jeunes enseignants : les mêmes causes en France, à Shanghai, au Rwanda... (revue du CIEP)

Paru dans Scolaire le jeudi 18 mai 2017.

Le métier d'enseignant est-il encore le "plus beau métier du monde" ? On en doute en France et la revue du CIEP a eu l'idée de poser la question dans des pays ou des régions aussi différents que le Rwanda, les Etats-Unis, l'Argentine, le canton de Vaud, le Niger, Shanghai, la Finlande. Patrick Rayou et Jean-Pierre Véran, qui ont coordonné ce numéro de la revue internationale d’éducation de Sèvres, l'ont posée aussi à l'OCDE. Qui sont aujourd’hui les nouveaux enseignants, comment sont-ils formés, comment découvrent-ils le métier, quelle est leur insertion professionnelle, quelles sont les causes d’un éventuel renoncement ?

Et partout, aussi bien dans les pays développés qu'émergents, on trouve un taux de "décrochage", de démission de titulaires, estimé à 15 ou 20%, y compris en France et en Finlande, si on ne se contente pas des données sur une année et qu'on le calcule en cumulé sur plusieurs années. La massification de la scolarisation a contribué, dans tous les pays, à recruter de nouveaux enseignants dans des proportions importantes alors que les publics scolaires étaient de plus en plus hétérogènes.

Les mêmes tensions dans tous les pays

L’étude montre l’impact des conditions d’accueil et d’intégration du débutant dans son établissement d’exercice sur son devenir professionnel. Accueil plutôt informel en France, rôle-clé en Finlande, véritable stratégie au Niger, diversifié selon les publics au Rwanda. Et les auteurs de l’étude de rappeler "combien le bien-être de l’enseignant débutant dans son travail est un facteur de bien-être de l’élève dans ses apprentissages".

Tous les pays sont confrontés aux mêmes contradictions. Certains jeunes ont très tôt "la vocation", ils savent dès leurs années de collège qu'ils seront enseignants, ils croient à la mission de l'école, ils s'identifient à tel ou tel de leurs enseignants, à une discipline, et à un modèle fondé sur la transmission de connaisssances, insiste Alain Bouvier, le rédacteur en chef de la revue lorsqu'il a présenté ce numéro à la presse, le 17 mai. Leur recrutement répond à des exigences de haut niveau. Ils sont ensuite confrontés à des élèves de niveau très hétérogène, et ils ont le sentiment que "le métier n'est plus ce qu'il était", que leurs attentes ne sont pas celles de l'institution. Mais dans le même temps, pour faire face à l'afflux d'élèves, faute d'un nombre suffisant de candidats satisfaisant aux critères académiques théoriquement exigibles, les instances recrutent des jeunes "à n'importe quel prix". Et ils ont tendance à les affecter dans les établissements qui concentrent les élèves en difficulté, au risque de renforcer les inégalités.

Choisir ce métier en fonction de la ligne de bus

De plus, pour faire face à ces élèves qui ne correspondent pas au modèle traditionnel élitiste, partout s'impose l'idée de "la professionnalisation", au risque de faire de ce métier "un métier comme les autres", dans lequel on est amené "à rendre des comptes", à justifier ses choix, bien loin de la figure traditionnelle du maître. Dès lors, c'est un métier qui peut n'être qu'un gagne-pain. Au Niger, on l'exerce souvent en attendant mieux. En Argentine, une jeune femme raconte qu'elle a suivi le cursus de formation des enseignants parce que c'était la fac. où allait le bus qui passait devant chez elle. Dans le canton de Vaud, certains refusent explicitement que l'école soit inclusive.

Enfin, dans ce contexte de tensions démographiques, on demande toujours plus aux jeunes enseignants. A Shanghai, où 6 000 postes sont restés vacants en 2016, ils sont recrutés avec une licence et affectés à plein temps dans un établissement en même temps qu'ils suivent une formation dispensée par un institut et une formation en immersion ! De même en France, les stagiaires en M2 se plaignent de leur charge de travail.

L'absence de projet collectif

Jean-Pierre Véran et Alain Bouvier soulignent encore l'absence de certains mots dans les contributions qu'ils ont reçues pour ce numéro. "Les auteurs ne parlent pas de 'collectif de travail', de déontologie, d'éthique, ils ne parlent pas non plus d'institution." L'idée d'appartenance à un corps professionnel se dissout, peut-être parce que manque une définition du modèle d'éducation, de ses finalités. "Où sont les Condorcet d'aujourd'hui ?" Les Etats semblent remettre sans cesse à plus tard cette explicitation des attentes de la Nation à l'égard de son école.

En attendant, il semble souhaitable d'encourager un travail plus collectif au sein des établissements, de mieux accompagner les enseignants, de développer le mentorat pour les jeunes, de travailler à leur accueil, de développer les ressources humaines...

"Les enseignants débutants", Revue internationale d'éducation (CIEP) n° 74, avril 2017. Dossier coordonné par Patrick Rayou et Jean-Pierre Véran, 164 p. 17 €

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