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L'AEFE doit des informations à ses futurs personnels (Conseil d'Etat - une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le jeudi 06 avril 2017.

L'AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) doit des informations précises à ses personnels alors qu'elle contourne pour leur recrutement une disposition dont on peut penser qu'elle était destinée à avantager les Français vivant à l'étranger. C'est ce qui ressort d'une décision récente du Conseil d'Etat.

Les personnels engagés par l’AEFE relèvent pour l’essentiel de trois statuts : un peu plus de 1000 constituent des personnels expatriés et occupent surtout des postes de direction ou d’inspection et, plus accessoirement d’enseignants. Un peu plus de 5 000 sont des personnels résidents : ce sont pour l’essentiel des enseignants, mais ils peuvent aussi plus rarement occuper des emplois administratifs ou de vie scolaire. La grande majorité est cependant constituée de recrutés locaux.

Les deux premières catégories sont constituées de titulaires de la fonction publique française placés en situation de détachement sous contrat auprès de l’AEFE. Le contrat est un contrat de droit public. Les recrutés locaux le sont au contraire en vertu d’un contrat soumis au droit local. S’ils sont fonctionnaires français, ils ne peuvent pas obtenir de détachement, mais sont nécessairement mis en disponibilité, ce qui signifie l’interruption, au moins temporaire, de leur carrière.

Si les recrutés locaux le sont par chacun des établissements concernés, les expatriés et les résidents le sont par le directeur de l’AEFE. Mais, à la différence des premiers, les personnels résidents doivent justifier de trois mois au moins de présence dans le pays de recrutement, sauf dans le cas où ils suivent leur conjoint ou la personne avec laquelle ils sont pacsés. Lorsqu’ils sont recrutés en dehors de ce pays, l’Agence doit donc leur imposer une période de "purgatoire" : elle les fait en général recruter par l’établissement scolaire au titre d’un contrat local de trois mois avant la signature du contrat de résident.

C’est une situation de ce type qu’on rencontre dans une affaire jugée par le Conseil d’Etat le 27 mars 2017. Une dame, agent titulaire du département de la Seine-Saint-Denis, a posé sa candidature au poste de chef des services administratif et financier du lycée franco-libanais à Beyrouth. Celle-ci ayant été retenue, elle s’est vu proposer, pour les raisons sus-évoquées, un recrutement en deux temps : contrat local de trois mois avant la signature du contrat de résident.

Elle a vainement essayé d’obtenir des renseignements complémentaires et précis sur les conditions financières de sa prise de poste ; bien qu’elle ne les aient pas obtenus, elle s’est résolue à rejoindre son affectation pour constater, une fois sur place, que la rémunération prévue par le contrat local proposé ne correspondait pas à ses attentes. Elle a donc refusé de le signer et est rentrée en France : l’AEFE, constatant que les conditions de signature du contrat de résident n’étaient pas remplies, a alors refusé de le signer.

La candidate a saisi le TA de Paris d’un recours pour excès de pouvoir, en lui demandant d’annuler cette décision de refus. Elle y joignait un recours en responsabilité demandant réparation des préjudices résultant de cette situation. Le TA a rejeté ses recours, mais, saisie en appel, la CAA de Paris a estimé que les dommages subis par la candidate trouvaient leur origine dans le fait que les demandes d’information sur les conditions de l’embauche, adressées à l’AEFE, étaient soit restées sans réponse, soit n’avaient fait l’objet que de réponses parcellaires ou erronées. Saisi en cassation, le Conseil d’Etat juge à son tour qu’en jugeant fautifs ces faits, la CAA en a donné une qualification exacte.

L’AEFE a essayé d’échapper à sa responsabilité en soulignant que le contrat à souscrire dans les trois premiers mois était un contrat local, sur lequel elle n’avait pas compétence. Mais, confirmant sur ce point l’analyse de la CAA, le Conseil d’Etat estime que la mission de recrutement revêtait un caractère global et que les conditions de sa mise en œuvre ne pouvaient exonérer l’Agence de toute responsabilité dans le préjudice subi.

Il approuve aussi la CAA d’avoir procédé à un partage de responsabilités en laissant 10% du préjudice à la charge de la requérante : celle-ci avait en effet contribué aux dommages qu’elle avait subis et commis une imprudence constitutive d’une faute en prenant ses fonctions au Liban en dépit de la persistance des incertitudes sur les éléments de sa rémunération. Cette appréciation ne constitue ni une qualification inexacte, ni une dénaturation des faits.

André Legrand

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