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Rythmes éducatifs : comment, à Paris, la réforme a permis de structurer les recrutements et d'augmenter les exigences (étude)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 01 mars 2017.

Des recrutements qui "se structurent autour de repères communs qui normalisent le profil recherché et augmentent les exigences", une "professionnalisation du métier" d'animateur et une "stabilisation dans l'emploi", tels sont quelques-uns des principaux résultats de la politique d'emploi mise en œuvre pour accompagner la réforme des rythmes éducatifs à Paris, la première grande ville à avoir mis en place les nouveaux rythmes dans les écoles dès septembre 2013. Ces résultats ont été publiés, ce mois de février 2017, dans un "document de travail" intitulé "Réforme des rythmes éducatifs à Paris : quelle politique d'emploi des animateurs ?". Menée entre mars 2015 et juin 2016 dans le cadre du groupe de travail Croyre (croyances et représentations économiques) par Géraldine Rieucau (Paris-8), l'étude, que l'on peut consulter sur le site du PoLoc (Pôle d'analyse des politiques éducatives locales), a porté sur les animateurs de loisirs embauchés par la Ville, sous statut de vacataire, de contractuel ou de titulaire (adjoints d'animation de catégorie C).

C'est en effet le principal constat fait par l'auteure : la Ville ne s'est pas contentée de recruter beaucoup, elle a accompagné sa politique d'emploi (baptisée ARE, pour Aménagement des rythmes éducatifs) d'une "véritable professionnalisation du métier". Et ce, pour répondre à la double attente : instaurer "des ateliers éducatifs, se voulant 'de qualité' et distincts de l'animation ordinaire", donc exigeant de "la créativité" de la part des animateurs qui doivent penser une activité à la fois sur un temps plus restreint que la demi-journée mais également sur la durée pour que les enfants suivent le même atelier plusieurs semaines.

Une professionnalisation qui risque d'exclure les jeunes non qualifiés

Cette professionnalisation s'est traduite d'abord par le renforcement de la filière animation avec la création de plus d'un millier de postes de catégorie C d'adjoint d'animation depuis 2013 et celle d'un corps de catégorie B pour les Responsables éducatifs ville (REV), qui sont les directeurs des temps périscolaire et extrascolaire. Ce premier ciblage visait à constituer des équipes "stables", notamment pour répondre aux critères d'encadrement, alors que le métier d'animateur était auparavant "exercé majoritairement par des milliers de vacataires à temps partiels". Plusieurs centaines de postes de vacataires et contractuels ont été créés en complément afin de constituer "un volant de remplaçants" qui pouvaient répondre aux temps plus morcelés, tout en constituant un profil porteur d' "innovations".

Pour ces derniers, le niveau d'exigence attendu (diplômé, créatif et expérimenté) a orienté la Ville principalement vers de jeunes étudiants "appréciés pour leur niveau de diplôme", leur disponibilité horaire et parce qu'ils sont aussi "vus comme réactifs et cultivés". Une politique conduite au détriment des jeunes non qualifiés, qui "ne sont pas aussi aisément recruté[s] que les étudiants", observe Géraldine Rieucau, même si la Ville s'est aussi tournée vers les Missions locales pour recruter. La chercheuse pointe le fait que la réforme, en imposant un profil d'animateur diplômé ou expérimenté, risque "d'accentuer cette tendance" alors que "l'animation représente un des rares débouchés professionnels" pour ces profils.

L'opportunité d'une mobilité ascendante pour des personnels déjà en mairie

La Ville a cherché également à recruter des personnes travaillant déjà en mairie (vacataires ou contractuels), des animateurs ou autres, à la Direction des affaires scolaires (Dasco) ou dans une autre direction, en visant spécifiquement les directions des Affaires culturelles et de la Jeunesse et des sports. Pour la chercheuse, ce recours au "marché interne" de la Ville a un effet bénéfique puisqu'il suscite "des mobilités ascendantes pour les animateurs qui, après plusieurs années d'exercice du métier comme vacataires ou contractuels, ont des possibilités de titularisations, de changements de métiers pour les ATSEM des écoles...".

Mais il a aussi des limites : ainsi, au final, "il y a peu de mobilités entre circonscriptions, du fait de la forte contrainte de proximité (…) engendrée par la fragmentation et la brièveté des horaires de travail" ; quant aux mobilités ascendantes vers les postes de fonctionnaires, elles "restent limitées du fait du petit nombre de postes offerts aux concours par rapport au nombre de candidats potentiels".

Des repères partagés pour trouver le "bon" profil, et des formations

Le niveau d'exigence attendu des animateurs a aussi généré une organisation plus cohérente : ainsi, non seulement a été défini un "profil attendu" des candidats, mais il a été également accompagné par "des supports et des procédures" qui "opèrent comme des repères partagés et permettent de généraliser ce qui est attendu d'un 'bon candidat'".

La Dasco a également mis en place un ensemble de mesures en matière de formation et d'information, au-delà des premiers kits pour animer les ateliers créés "dans l'urgence" lors de la mise en place de la réforme. Les vacataires recrutés reçoivent, avant de prendre leur fonction (parfois après), une formation de deux heures organisée par la Dasco, "au cours de laquelle on leur présente les rythmes et on leur parle de la sécurité des enfants". Pour les personnels titulaires, un parcours de formation "systématique" de neuf jours a été introduit dans le but de "s'assurer que l'on a au moins un socle commun de connaissances avant d'aller plus loin".

6 fois plus d'animateurs formés chaque année au BAFA

Enfin, parce que le BAFA "signale un socle minimal de savoirs", même si "sa détention n'est pas suffisante pour être un bon animateur", la Dasco mène un "important effort" pour y former les vacataires ou les contractuels, hormis les étudiants qui en sont dispensés. Alors que la mairie formait entre 80 et 100 personnes par an au BAFA avant la mise en place de cette politique d'emploi, depuis 2014 ce sont 600 animateurs qui sont formés chaque année (sur 20 sessions de formation). Une formation qui, au-delà de chercher à assurer à tous un socle commun, vise à "stabiliser une partie des personnels en place".

Enfin, au-delà des formations à l'entrée et outre le BAFA, la Dasco propose un éventail assez large de formations davantage centrées sur les "techniques" : animations lecture, nutritionnelles, scientifiques, recyclage, organisation d'un séjour aventure, initiation à l'informatique, à la réalisation vidéo, jardinage, lire un quartier, lire une exposition, mise en place d'un atelier musical, etc.

Pas de formations aux compétences artistiques et culturelles

La chercheuse s'interroge néanmoins sur l'absence de mise en place de formations dans les champs artistiques ou culturels, et ce, même si les dossiers de candidatures aux postes mettent l'accent sur les compétences dans ce domaine et alors même que, lors de l'épreuve orale concernant les postes de catégorie C d'adjoint d'animation, "nombreux étaient les candidats à avoir un profil artistique", interrogés d'ailleurs de manière "récurrente" sur la dimension artistique et culturelle des ateliers mis en place. Néanmoins, alors que l'acquisition de ces pratiques pouvait jusque là "entrer en conflit avec l'objectif premier qui a été choisi : délivrer un socle commun autour du métier d'animateur et des formations qualifiantes", la chercheuse signale que la formation des animateurs sur des compétences artistiques, "vues comme des outils, pourrait se développer au cours des prochaines années".

L'étude ici

Camille Pons

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