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L’élaboration d'un diplôme doit faire la part des choses entre les enjeux professionnels et le risque d’obsolescence (étude)

Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 26 février 2017.

Les commissions professionnelles consultatives (CPC) du ministère de l’éducation nationale sont des instances où siègent employeurs, salariés, pouvoirs publics et personnalités qualifiées. Elles formulent des avis sur la création, l’actualisation ou la suppression de diplômes professionnels, du CAP au BTS. Ces commissions se prononcent sur les besoins en diplômes en fonction de l’évolution des métiers, sur les contenus de ces diplômes professionnels, sur leur place au sein de l’ensemble des certifications professionnelles.

Une étude, publiée dans la revue CPC – Etudes, a interrogé la prise en compte, dans ces processus, des enjeux économiques. Comment se mène le travail de construction de ces diplômes ? Les études et éléments de connaissance sur les métiers sont-ils suffisamment précis et détaillés pour ajuster le RAP (référentiel des activités professionnelles) et le référentiel de certification des diplômes ? Les situations d’évaluation créent-elles les conditions pour réinterroger les profils types d’activités ? Les représentants de la profession (employeurs et salariés) sont-ils fortement porteurs de ces enjeux d’évolution de leur branche et permettent-ils une inflexion dans l’actualisation des diplômes ?

Des ambitions contradictoires

Or, l’étude fait apparaître, entre autres, que l’élaboration de la certification résulte d’arbitrages entre les différents acteurs sur la transversalité du diplôme entre plusieurs branches, voire parfois entre plusieurs filières, ou sur les opportunités d’évolution et de poursuite d’études qui peuvent être offertes par les diplômes. L’élaboration des diplômes relève d’une négociation et d’un compromis entre Education nationale et monde professionnel. L’emploi décrit dans le RAP prend parfois la forme d’un emploi "moyen", fruit, là encore, d'un compromis, mais cette fois entre les différents univers professionnels d’une même filière : activités artisanales et industrielles dans l'une, activités franchisées versus indépendants et artisans dans une autre .

Parfois également, les ambitions fixées s’avèrent contradictoires : le diplôme doit-il et peut-il favoriser l’insertion professionnelle des diplômés en étant le plus transverse possible ? Doit-il viser une certaine forme d’exhaustivité des contenus pour favoriser l’employabilité ou, comme se plaisent à le dire des enseignants, "élever intellectuellement" les élèves ? Ou bien doit-il viser quelques activités jugées essentielles garantissant une opérationnalité à brève échéance ?

Des modules transposables

Pour les professionnels et pour l'Education nationale, il s’agit d’avoir des diplômes attractifs et d’en assurer la fréquentation. Mais ces préoccupations tendent à augmenter la transversalité du diplôme entre secteurs d’activité et entre métiers, quitte à en atténuer la spécialisation. La traduction des enjeux professionnels auxquels répond le diplôme peut en pâtir, ces enjeux risquant de perdre leur sens. Cependant, des branches professionnelles continuent de demander de plus en plus de spécialisation alors que 50 % des diplômés ne travaillent pas dans le secteur de leur formation. Et ce, alors que l’éducation nationale participe largement au développement des diplômes transverses, dans le souci de l’élève et de son parcours professionnel ultérieur, en cherchant à augmenter le nombre de modules transposables à différents secteurs d’activité et à s’extraire des logiques de branches.

L’élaboration du diplôme doit aussi faire la part des choses entre la volonté de refléter des enjeux professionnels et le risque d’obsolescence rapide du référentiel des activités professionnelles et des autres éléments constitutifs que sont le référentiel de certification ou les savoirs associés. Les diplômes ne peuvent pas être renouvelés ou modifiés à la même fréquence que celle à laquelle évoluent les technologies et les marchés.

Des repères pour la formation

Il existe donc une forme de contradiction interne dont la solution réside dans le fait de mentionner des enjeux (le plus souvent en préambule) tout en adoptant une formulation souple. Cette dernière offre la possibilité d’une traduction opérationnelle contextualisée pour en assurer l’enseignement. Les "repères pour la formation", documents non réglementaires accompagnant les diplômes, sont des documents clés puisque ce sont eux qui précisent les attentes réelles vis-à-vis des enseignants. 

Dans le cadre de cette approche "souple", émergent deux tendances : laisser une marge d’adaptation locale plus importante pour orienter les enseignements en fonction des besoins économiques locaux et des filières spécifiques du territoire et accroître les mentions complémentaires aux diplômes.

Évidemment, cela appelle en contrepartie un travail d’évaluation permettant de juger de la plus-value et des apports de cette souplesse, car cette approche est loin d’être exempte de risques : par exemple, celui que seules les filières les plus concentrées territorialement, telle que l’aéronautique, soient en capacité d’influer pour bâtir une offre de formation réellement adaptée et professionnelle, situation dont on peut imaginer les conséquences en cas de diminution, voire de suppression de l’activité.

Une obsolescence des compétences de plus en plus rapide

Pour les métiers industriels, "la globalisation des échanges, la diffusion de nouvelles technologies ou encore la prise en compte des questions environnementales entraînent [là aussi] une obsolescence des compétences de plus en plus rapide et exigent une adaptation de l’organisation du travail. Cela requiert une polyvalence plus importante de l’ensemble du collectif de travail : la compétitivité industrielle repose aujourd’hui sur tous les salariés, quel que soit leur niveau de qualification". Sur ces points, le consensus est général. Au système éducatif d’apporter aux jeunes une formation initiale solide afin qu’ils puissent s’adapter tout au long de leur vie. Et à la formation continue de faire que les salariés maintiennent et augmentent leurs compétences.

Si les relations formation – emploi évoluent progressivement favorablement, la "méconnaissance entre l’éducation et l’industrie reste importante". A contrario, les situations rencontrées dans les commissions professionnelles consultatives, les CPC, contredisent plutôt cette affirmation. En revanche, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, tout se passe souvent comme si les professionnels présents dans les CPC avaient bien appris à fonctionner avec le monde de l’Education nationale mais n'étaient pas en lien étroit avec les travaux macro-économiques menés dans les filières.

"Les diplômes de l’éducation nationale et les filières industrielles stratégiques", CPC – Etudes (2016, no 2) ici

Arnold Bac

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