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Luigi Berlinguer propose de ré-inventer l'école, pour lier rationalité et sensibilité

Paru dans Scolaire le dimanche 05 février 2017.

"Hier, le service éducatif visait à alphabétiser la majorité de la population (...). Aujourd'hui, l'instruction est appelée à jouer un rôle bien plus ardu, dans le sens où elle doit répondre à deux exigences. D'un côté la quantité, c'est à dire (...) favoriser l'inclusion de tous les élèves ; de l'autre la qualité, c'est à dire leur assurer une formation de plus en plus qualifiée, et en phase avec les requêtes du monde du travail." Luigi Berlinguer a été ministre de l'Education en Italie (1996-2000) et le "Ré-inventer l'école" qu'il publie ces jours-ci se nourrit de son expérience dans la péninsule, mais ses réflexions définissent beaucoup plus largement un projet pour l'Europe, et la plupart de ses analyses peuvent être immédiatement transposées à la situation française, tant le débat intellectuel dans les deux pays se ressemblent.

Dans sa préface, François Dubet ne le considère pas seulement comme "un expert de l'école ayant tout vu, tout lu ou presque", mais aussi comme "un homme de la Renaissance", d'une "nouvelle Renaissance". "Il croit dans la connaissance, dans la science, dans la technique et dans le progrès (...). Il pense que l'Ecole peut favoriser l'unité d'une société et laisser toute la place aux singularités des élèves." Et, affirme Luigi Berlinguer, "la culture est un bien en soi, un levier irremplaçable pour la promotion humaine". D'ailleurs, "la créativité est entrée dans le calcul du PIB américain" et "les entrées recherche, développement et création dans les domaines technique, scientifique, artistique et culturel sont considérées comme des investissements et non comme des dépenses".

Connaître est un besoin naturel primaire

L'ancien député européen prend aussi l'exemple de la Corée. En 1980, le taux de jeunes Coréens diplômés était inférieur au taux italien et le revenu moyen était le quart du revenu moyen italien. Elle a investi trois fois plus que l'Italie dans l'éducation, et, aujourd'hui, "60 % des jeunes Coréens entre 25 et 34 ans sont diplômés de l'Université, contre 20 % des Italiens" et leur revenu moyen a dépassé celui des Italiens. Mais "la vraie raison d'être (de l'Ecole) est de répondre au besoin, individuel et social, d'enraciner des connaissances et des compétences, c'est à dire de construire la personnalité de l'être humain et la base culturelle d'un pays (...) Connaître est un besoin naturel primaire de tout être humain."

Et l'auteur ajoute qu'il faut "apprendre autant l'utile que l'inutile : dans le fond, à quoi sert une fleur ? Ou de jouer un Nocturne de Chopin ? Ou de lire une poésie ? Il faut une éducation qui réponde à ces pulsions authentiques et à ces exigences concrètes."

La musique, une discipline essentielle

Luigi Berlinguer passe ensuite en revue les questions qui se posent à tout système éducatif. Comment les idées nouvelles peuvent-elles le modifier ? Comment passer à un apprentissage par compétences, sachant que les compétences ne s'opposent pas aux connaissances ? Comment porter un peu plus d'attention aux élèves au moment du "passage délicat de l'enfance à la préadolescence", entre le CM2 et la 6ème ? Comment sortir "les activités appliquées et expérimentales" de leur rôle subalterne ? Ne faudrait-il pas inventer une nouvelle architecture et un nouveau mobilier scolaires ? Donner plus de place à la lecture ? Revoir l'organisation du temps scolaire ? Inventer "une culture de la technologie ?

L'ancien ministre voudrait aussi que la musique ait une place infiniment plus importante, elle "combine les deux facteurs de l'activité didactique : apprendre à bien jouer ou chanter un morceau exige autant de discipline et de persévérance que pour résoudre des exercices de mathématiques. Mais peut-être que l'exécution musicale ou vocale suscite plus d'enthousiasme et d'implication..." Il cite Leibniz pour qui la musique est capable "d'exprimer dans une synthèse harmonieuse l'élaboration rationnelle et la perspective sensible", ce qui correspond, en dernière analyse, à son projet pour l'Ecole.

"Ré-Inventer l'Ecole, une école de qualité pour tous et pour chacun", L. Berlinguer (avec C. Guetti), traduction Anaïs Bouteille-Bokobza, Editions Fabert, 296 p., 27 €

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