"Alternatives économiques" alimente le débat sur "Réinventer l’école"
Paru dans Scolaire le mercredi 14 décembre 2016.
"Et si on s’intéressait aussi à ce qui marche au sein de l’école ? Non pas pour dire que tout va bien, mais pour comprendre à quelles conditions cela pourrait aller mieux" se demandent les rédacteurs d’Alternatives économiques qui viennent de publier leur dossier "Réinventer l’école : un tour de France des initiatives".
Claude Lelièvre évoque les éléments qui jalonnent le débat sur la "démocratisation" avec l’opposition entre "permettre aux élèves ‘doués’ mais d’origine modeste de faire des études longues et de rejoindre l’élite scolaire et sociale" et l’idée d’Henri Wallon d’une démocratisation générale "où chacun doit aller au maximum de ses possibilités, quelle que soit sa future orientation professionnelle". Puis vint le temps de la massification et de "l’instruction obligatoire jusqu’à 16 ans" mais sans que soit défini "le 'bagage’ culturel commun dont doit être doté tout élève à la sortie du système scolaire" précise l’historien qui ajoute que depuis la présidence de Valéry Giscard d'Estaing et la réforme Haby, "le problème de la définition d’une culture commune n’a cessé de refaire régulièrement surface".
"Innover en permanence"
Une interview de Najat Vallaud-Belkacem par Philipe Watrelot apporte d’autres éléments au débat. La ministre se déclare "favorable à un allongement de la scolarité avec la création d’un véritable droit opposable à l’éducation jusqu’à 18 ans" et elle évoque un contenu évolutif de l’offre éducative : "l’éducation doit adapter ses pratiques aux élèves accueillis, et donc innover en permanence", "le ministère soutenant ceux qui veulent innover".
La magazine propose d'ailleurs un "Tour de France" de ces innovateurs. Se refusant à tout discours moralisateur sur le mode "il y a trop de routine pas assez d'innovants", le dossier rend compte de la diversité de ces expériences et de leur foisonnement alors que rien ne favorise leur généralisation, chacun étant renvoyé finalement à une pratique personnelle. Pour Bastien Sueur (Fespi, Fédération des établissements scolaires publics innovants), "on ne peut pas plus imposer l'innovation que la mixité, généraliser les temps de concertation et les projets d'équipe. Un enseignant seul peut mettre en place des dispositifs formidables, mais il s'épuisera sans le soutien d'une équipe."
Des figures tutélaires
Des équipes, c'est précisément ce qui se met en place ici ou là. Toutefois, mieux vaut, semble t-il, pour que celles-ci se maintiennent, se placer sous une figure tutélaire : on s'aperçoit ainsi de la place que continuent d’occuper les "grandes figures de l'éducation nouvelle", les Freinet, Decroly ou Montessori ... Sait-on, par exemple, que l'ICEM (pédagogie Freinet) fédère quelque 3 000 enseignants ? Si dans telle école du 13ème arrondissement de Paris seuls 2 enseignants sur 9 l'utilisent, au collège Jean-Jaurès de La Ciotat, sept professeurs sur trente pratiquent la pédagogie Freinet et ont permis de créer un réseau de 38 parents chez lesquels les enfants peuvent faire leurs devoirs par petits groupes.
Cette relation aux parents est importante pour Jacques Ginestié (réseau des Espé) qui remarque que "les sujets de co-éducation intéressent beaucoup les enseignants stagiaires". Pour sa part, François Dubet revient sur l’importance de se concentrer sur l’acquisition des compétences de base par tous tandis que Marie Duru-Bellat plaide pour la mixité sociale et veut "des enseignants expérimentés dans des établissements défavorisés". Philippe Meirieu regrette que les expériences dans l'enseignement public concernent d'abord des microlycées et se situent donc dans une perspective de remédiation pour les élèves en difficulté "alors que tous pourraient en profiter". Au total, une photographie grand angle du système français de l’éducation.
"Réinventer l’école", Les Dossiers d’Alternatives économiques, décembre 2016, prix 9,5 euros.